Une rencontre de feu et de grâce
Sur la piste, tu assistes à un affrontement autant qu’à une fascination mutuelle. Shinya Suzuki, interprété par Ryoma Takeuchi, est champion japonais de danse latino. Son corps est tension, rigueur, puissance contenue. Face à lui, Shinya Sugiki, incarné par Keita Machida, est un virtuose du ballroom, vice-champion du monde, tout en précision et en élégance classique. Tout les oppose, à commencer par leur manière d’habiter l’espace et de ressentir la musique. Pourtant, ils partagent un prénom, un ego solide et une incapacité totale à reculer.
Lorsque Sugiki propose à Suzuki de s’associer pour préparer le mythique tournoi des « 10 Danses », la rivalité se transforme en apprentissage commun. Cinq danses latines, cinq standards, un défi total qui exige d’abandonner ses certitudes. Entre admiration, défi et trouble, la chorégraphie devient peu à peu un langage partagé. Les corps parlent avant les mots, et la tension qui s’installe dépasse largement le cadre de la compétition.
Danser la tension sous le regard de Keishi Otomo
Keishi Otomo filme la danse comme il filmerait un combat. La caméra fluide et nerveuse de Tatsunosuke Sasaki capte chaque respiration, chaque micro-déséquilibre, chaque regard qui s’attarde trop longtemps. Les séquences alternent entre une précision presque mécanique et des moments d’abandon instinctif, révélant la dualité des deux protagonistes. Suzuki danse avec la force, Sugiki avec la maîtrise, et c’est dans cette friction que naît l’intensité du film.
Habitué aux scènes d’action spectaculaires, Otomo transpose ici cette énergie à la danse de salon avec une audace rare dans le cinéma japonais contemporain. La musique de Masaru Yokoyama, déjà salué pour Your Lie in April et Fruits Basket, accompagne cette montée en tension. Le rythme, les silences et les battements deviennent un récit à part entière, te tenant constamment sur le fil.
Du manga culte à la scène mondiale
À l’origine, 10DANCE est un manga publié dans le Young Magazine de Kodansha, reconnu pour son approche frontale de la sensualité masculine et du dépassement de soi. Récompensé en 2019 par le prix “This BL Is Amazing!”, il avait déjà conquis un public international avant son adaptation. Netflix, qui produit directement le film, en assure une diffusion mondiale simultanée, confirmant son intérêt pour des œuvres japonaises d’auteur capables de toucher un public global.
Keishi Otomo réunit ici Ryoma Takeuchi et Keita Machida pour la première fois depuis près de huit ans. Takeuchi signe ses débuts sur Netflix, tandis que Machida, remarqué dans Alice in Borderland, retrouve un rôle plus introspectif. Leur préparation intensive, menée pendant plusieurs mois sous la supervision de la chorégraphe Ai Shimoda, donne au film une justesse physique saisissante. En regardant 10DANCE, tu ne vois pas seulement des acteurs jouer à danser. Tu vois des corps transformés, engagés, et prêts à se dévoiler sans filtre.