Des paysages à couper le souffle : Ghost of Yotei bouleverse les codes visuels du jeu vidéo, et vous allez comprendre pourquoi
Dans nos vies chronométrées, les jeux qui nous invitent à poser la manette pour simplement contempler sont rares. Ghost of Yotei, dernière création de Sucker Punch Productions, s’inscrit dans cette lignée singulière.
Héritier de l’inoubliable Ghost of Tsushima, qui avait clos l’ère PlayStation 4 avec panache, ce nouvel opus transporte les joueurs sur l’île d’Ezo en 1603. Seize ans après le massacre de sa famille, Atsu, héroïne au destin tragique, revient traquer les six hors-la-loi responsables. Plus qu’une épopée de vengeance, le jeu propose un voyage entre brutalité et sérénité, violence et beauté.
Une héroïne dans un monde de samouraïs
Le choix d’Atsu comme protagoniste a suscité des débats lors de l’annonce : certains y voyaient une entorse aux codes du Japon féodal, voire un geste « woke ». Pourtant, manette en main, les doutes s’estompent. Atsu s’impose comme une figure charismatique, parfois plus convaincante encore que Jin Sakai, le héros du premier volet.
Nate Fox, directeur créatif du jeu, insiste sur ce parti pris : « Nous voulions raconter l’histoire d’une outsider, quelqu’un que personne ne croyait capable d’affronter le gang des Six de Yotei. » Le personnage s’inspire du mythe de l’Onryo, fantôme vengeur souvent incarné par une femme dans le folklore japonais. Ce choix incarne la transformation d’un traumatisme en quête plus vaste, enrichie par des compagnons rencontrés en route.
Contrairement à Jin Sakai, noble prisonnier du code des samouraïs, Atsu vient d’un milieu pauvre. Elle n’a pas les privilèges de son prédécesseur et doit sans cesse prouver sa valeur. Sous-estimée parce qu’elle est femme, elle gagne peu à peu le respect par ses victoires. Ses actions – et donc celles du joueur – définissent qui elle est réellement.
Entre Tarantino et Kurosawa
La structure narrative de Ghost of Yotei rappelle parfois l’intensité vengeresse de Kill Bill. Les duels stylisés, les plans détaillés sur les regards ou les gestes de l’héroïne avant chaque combat rappellent l’esthétique tarantinesque. Nate Fox cite volontiers le diptyque porté par Uma Thurman, mais aussi Lady Snowblood, comme influences directes. Leur simplicité narrative – une héroïne avec une liste de cibles à éliminer – se prête parfaitement à l’univers ouvert d’un jeu vidéo.
Mais derrière ces inspirations modernes, Sucker Punch revendique surtout son hommage au cinéma japonais. Kurosawa reste la figure tutélaire. Dans Les Sept Samouraïs, la douleur et l’humanité des personnages transcendaient les combats. C’est cette alliance entre émotion et action que l’équipe a voulu transposer : faire ressentir au joueur autant la souffrance que l’exaltation d’un duel.
Ainsi, Ghost of Yotei oscille entre deux influences : le dynamisme brutal du cinéma d’action et la profondeur contemplative des maîtres japonais. Cet équilibre donne à chaque combat un poids dramatique, comme suspendu entre poésie et violence.
Une ode à la contemplation et à la nature
Au-delà de son récit de vengeance, Ghost of Yotei se distingue par une invitation constante à la contemplation. Les paysages enneigés de l’île d’Ezo, les brumes sur les lacs ou les pétales de cerisiers sont autant de respirations entre deux affrontements. Les musiques lentes et méditatives renforcent cette impression de sérénité. Le joueur peut s’asseoir pour peindre une montagne, écouter un shishi-odoshi ou jouer du shamisen.
La nature elle-même devient une alliée. Oiseaux, renards, loups et même le vent guident Atsu sur ses terres. À certains moments, un loup combat à ses côtés, sans jamais se réduire à un animal de compagnie. Cet accompagnement naturel remplace les repères artificiels habituels, rendant l’exploration plus organique et immersive.
Cette philosophie s’incarne aussi dans le symbole du masque d’Atsu, inspiré du kintsugi, l’art japonais de réparer avec de l’or. Comme les céramiques sublimées par leurs fissures, l’héroïne transforme ses blessures en force et tisse de nouveaux liens. La vengeance devient alors un prétexte : la véritable quête réside dans l’immersion poétique au cœur du Japon du XVIIᵉ siècle.
Ghost of Yotei, disponible sur PlayStation 5 dès le 2 octobre 2025 (79,99 €), n’est pas seulement un jeu d’action. C’est un voyage où le sabre et la beauté cohabitent, où chaque duel mortel prend sens face à la sérénité d’un paysage contemplé. Plus qu’une épopée de sang, il propose une expérience d’équilibre, entre la violence du monde et la douceur de la nature.