Seasick Steve, le blues du old dog

Il arrive sur scène en saluant son public d’un geste de la main assez gauche, prend sa guitare fait maison et s’assoit. Casquette John Deere vissée sur son crâne, salopette et chemise à carreaux. Sa longue barbe blanche continue de définir un visage rieur et malicieux tandis que son regard perçant semble voir le diable à la croisée des chemins. Il scrute l’horizon, et commence à jouer. Et quand il joue sa musique, Seasick Steve ouvre au ciel un blues qui porte les cœurs lourds.

Papi fait de la Délivrance

La « one string guitar » avec un coffre en racloir, la « Mississippi drum machine », faite d’une vieille valise et d’un talon qui la martèle, le hobo et son pote batteur qui cuisine un groove monstrueux sur une batterie complètement défoncée… Il n’y a pas de doute, il ne manque que les grillons, le soleil harassant, l’épi de blé à la bouche, et nous serions en pleine Amérique profonde, celle des rednecks qui transpirent une musique de tripes, une musique de l’âme.

Seasick Steve en est un de ses fiers représentants. En plus de proposer un blues rythmé, lourd et jouissif, il est un homme à cent vies, et s’amuse à raconter ses anecdotes aussi bien entre deux morceaux, que dans ses chansons elles-mêmes. À l’image d’un Calvin Russel, Seasick Steve est un véritable personnage. Attachant, surdoué, vieil ami de Cobain et ancien producteur de musique, le petit père de 74 balais a baroudé et a décidé de quitter son perron et sa chaise longue pour lancer sa propre carrière sur scène en 2006 avec son premier album Dog House Music.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a bien fait. Véritable OVNI dans l’immensité sinistre du paysage musical grand public actuel, Steve Gene Wold de son vrai nom, écume dès lors moult festivals et devient une icône rock en proposant un blues des plus classiques. Son album You can’t teach a old dog new tricks tape fort et sa prestation remarquée dans le talk show musical de Later with… Jools Holland reste pour moi une des plus impressionnantes et des plus surréalistes de ces dix dernières années.

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La fameuse Mississippi drum machine en action, du génie.

Sur la vague du Sonic Soul Surfer

Ce qui va nous intéresser aujourd’hui, c’est que le bonhomme a sorti cette année un nouvel album (son septième en onze ans, bougre !) qui confirme bien qu’il est désormais un incontournable de la scène indé-blues et qu’il en a encore sous la Rangers. Pour sûr.

Sonic Soul Surfer donc, le bien nommé, est sorti en plein cœur de l’été et c’est un fait : papi s’éclate sur les plages et profite des vagues de Californie sur sa planche de surf. Comme il ne se sépare jamais de ses grattes improbables et que c’est un bourreau de travail, il nous a tout de même fait un album composé de douze titres qui transpirent le farniente au soleil. Avec un ensemble de ballades folks presque country autant que de cris de guerre blues-rock, l’album nous envoie tranquillement d’un morceau à l’autre, nous plongeant dans l’univers du ‘Ricain à barbe longue.

 On ne peut que difficilement faire sortir un ou deux morceaux particuliers tant les albums de Seasick Steve composent un tout indissociable. Mais on peut néanmoins retenir Summertime Boy, qui définit bien l’ambiance globale de la galette. Un riff entêtant, un Steve chantonnant, et le tout accompagné d’un clip qui fleure bon les vacances. On en redemande.

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Écouter le bluesman Seasick Steve, c’est un peu comme aller chasser le castor dans les marécages de Louisiane, ou boire des canettes de Bud sur le coffre déglingué de sa Pontiac. Ses premiers albums résonnaient forts d’un blues profond, habité et énervé. Avec Sonic Soul Surfer, Seasick Steve s’en va chanter au soleil et nous emmène avec lui. Ce petit père est un bienfait pour l’industrie indé qui se perd dans des synthétiseurs et des claviers à plus savoir qu’en foutre. Ici c’est un homme, une gratte, une batterie, et va que je te balance le son. C’est beau. C’est Seasick Steve.

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