Mascarade, la parade des masques

Ah Venise… la Renaissance, le Carnaval, voilà un univers complètement fantasmé où il fait tellement bon se plonger. Imaginez la nuit Place Saint Marc, les seules lumières sont celles de torches vaguement posées sur des trépieds, celles des feux d’artifices et enfin celles des cracheurs de feu. Tout le monde est masqué, les gens sous les lumières bleues, rouges, vertes et or se ressemblent, se mélangent, se confondent, les distinctions sociales disparaissent pour un soir dans un déluge de formes et de couleurs. Ce qui va faire la joie de nombreux pickpockets, tueurs et surtout, des manipulateurs qui vont profiter de cette nuit pour faire un bond formidable dans l’échelle du monde. Et c’est là que nous entrons en scène car voyez vous, Mascarade le jeu de société de Bruno Faidutti nous propose justement d’incarner un de ces manipulateurs !

La roue de la fortune

Ici, point de sentiment, votre objectif est de devenir riche, pour tirer votre épingle du jeu et remporter la victoire vous devrez réunir un pactole de treize pièces d’or (alors oui comme ça, on se dit 13 pièces c’est pas forcément le porte feuille des Rothchild mais ce sera la somme que vous devrez obtenir si vous voulez gagner, et vous voulez gagner n’est-ce pas ?). Pour cela tous les coups sont permis… Enfin pas exactement, vous aurez le choix, chaque fois que ce sera votre tour de jouer, entre trois actions : Regarder qui vous êtes vraiment sous votre masque (votre carte), échanger votre carte OU PAS avec celle d’un autre joueur et enfin tenter d’activer le pouvoir d’une carte que vous prétendrez être la vôtre sans pour autant être sûr que cela soit vrai.

Mais je vais trop vite en besogne car je ne vous ai pas expliqué les cartes qui sont pourtant au cœur du jeu.

Chaque carte représente une personnalité (qui sont au nombre de 13), que ce soit Le Roi, La Veuve, Le Voleur ou encore La Sorcière et chacune d’elle a un pouvoir qui lui est lié. Par exemple : Lorsque le Roi active son pouvoir il reçoit de la banque 3 pièces d’or, l’Évêque, lui, prend 2 pièces au joueur le plus riche. À vous par conséquent d’activer le pouvoir de carte qui amènera le plus proche de la victoire. Comment ? Hé bien en mentant, en manœuvrant, en bluffant sans vergogne ! En essayant tout de même de ne pas perdre trop d’argent à chaque coup de poker échoué car le Juge et son tribunal veille. En effet vous ne jouez évidemment pas seul et les autres joueurs n’hésiteront pas à remettre votre parole en doute. C’est ce qui fait le sel de Mascarade, lorsque vous annoncez votre personnage, chaque joueur en commençant par celui situé à votre gauche pourra contester cette annonce en prétendant eux-même être le personnage annoncé. Le tour se résout de la manière suivante: chaque joueur impliqué révèle alors sa carte et tous les menteurs paient une pièce au tribunal, par contre celui qui a dit la vérité active alors le pouvoir de sa carte même si ce n’était pas du tout son tour !

Par exemple : Le joueur A prétend être le Roi, il ment, le joueur B et le joueur C contestent. Les trois retournent leur carte : B est effectivement le Roi ; A et C mettent une de leur pièce au tribunal et B reçoit donc 3 pièces d’or de la banque.

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Mais ! Si personne ne conteste votre identité alors, sans avoir à révéler votre carte, vous activez le pouvoir du personnage annoncé.

J’échange ma carte avec le Juge, je force le Fou à se révéler, il me paie une amende de une pièce d’or, je fais croire d’être la Veuve, elle m’échange sa carte ET JE DEVIENS REINE !

C’est là tout l’intérêt de brouiller les pistes en échangeant votre carte avec celle d’autres joueurs, puisque regarder sa carte prend la seule action disponible pendant votre tour, vous ne le ferez qu’en cas de désarroi le plus total. Croyez moi, ça arrive bien plus vite qu’on ne pourrait le penser et l’échange obligatoire des quatre premiers tours va introduire directement le chaos dans votre esprit et dans cette ronde masquée qu’est une partie de Mascarade. 

L’échange est donc votre arme principale pour empêcher les autres de parvenir à la victoire, « oh on commence à savoir un peu trop bien qui est Untel ? » alors il est temps de bousculer ses habitudes en échangeant (ou pas) sa carte avec la nôtre: c’est très simple on lui prend sa carte, et on la place avec la nôtre sous la table et là, à vous de décider si vous procédez à l’échange, il n’ y a rien de plus efficace pour perdre quelqu’un !

Un tissu de mensonge dans un gant de velours

Assez parlé des règles, intéressons nous un peu à l’emballage, à la forme après avoir tant disserté sur le fond. Mascarade se présente dans une petite boîte de la même dimension que celle du Munchkin, ce qui la rend très pratique à transporter. Mais, et vous avez sûrement dû vous en apercevoir sur les images,  c’est la qualité des illustrations qui marque réellement l’esprit. Chaque carte est un petit chef d’œuvre, les personnages regorgent de détails et transpercent le carton par leur charisme et leur personnalité. C’est quasiment suffisant pour justifier l’achat de ce jeu !!  L’illustration ci-contre ne figure même pas sur une carte, c’est la couverture du livret de règle, prenez le temps d’en admirer les détails car elle est très représentative du reste des cartes ! Le livret de règle d’ailleurs est particulièrement bien écrit, très clair avec de nombreux exemples ainsi que des conseils pour ajouter ou enlever tel ou tel personnage selon le nombre de joueurs, des règles alternatives pour jouer à deux ou à trois alors que le jeu est prévu pour être joué à partir de quatre. Ajoutez à cela plusieurs cartons de rappel des effets de chaque personnage ainsi que les trois actions que l’on peut effectuer par tour, pour éviter de perdre du temps à fouiller le livret. Et enfin des petites vignettes de rappel pour illustrer à chaque instant quels sont les personnages présents dans la partie que vous être en train de jouer et vous obtenez un jeu extrêmement fluide où tout est clair et rien ne vient entraver vos manigances, vos surprises et vos rires, tout simplement.
              

Les petits marqueurs de rappel des personnages et la tuile du tribunal

Et il y a une extension !

Comptant treize nouveaux personnages, cette extension est véritablement un must-have quand on est devenu comme moi accroc à Mascarade. Bénéficiant du même souci du détail que le jeu de base, et donc avec des illus à tomber à la renverse, les nouvelles mécaniques proposées introduisent encore plus de chaos et d’imprévisibilité à un jeu où déjà nous n’étions quasiment jamais sûrs de rien. L’Alchimiste force les joueurs à donner leur butin à leurs voisins, le Marionnettiste n’échange pas les cartes, il échange les joueurs! Bref ce n’est plus seulement les cartes qui tournent mais le jeu entier qui en acquiert une rejouabilité maintenant illimitée. Le livret qui l’accompagne arrive avec de nouveaux scénarios, de nouveaux cartons et marqueurs de personnages. Bref loin d’être juste une extension comme on peut en voir dans de nombreux jeux best sellers, celle-ci a le mérite de s’être interrogée sur le jeu et d’y chercher une nouvelle façon de l’aborder. Tout simplement, chapeau bas.

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Mascarade de Bruno Faidutti est un jeu de bluff magnifique, extrêmement simple à prendre en main, infiniment amusant (même sans son extension, en variant le nombre de joueur ou quels personnages sont inclus dans la partie, cela suffit à ne pas vivre les mêmes péripéties). Les parties sont courtes, une vingtaine de minutes en moyenne selon le nombre de joueurs, extrêmement rythmées, pour une vingtaine d’euros (et une quinzaine d’euros de plus si vous prenez l’extension) vous auriez tort de vous priver ! Et encore bravo à Jérémy Masson pour ses magnifiques personnages et bien sûr au reste de l’équipe ! 

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