The Great Old Ones : tout est R’lyeh !

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Lovecraft et son univers non-euclidien ne sont pas évidents à aborder. Malheur à l’artiste qui voudrait se lancer dans la description des phénomènes liés aux Grands Anciens : comment le pourrait-il seulement, avec des mots et des outils qui sont bien incapables de retranscrire l’essence même de ces êtres et de leurs séides ? Il convient donc de jouer sur une ambiance oppressante, mystérieuse, pour faire ressentir au lecteur (ou auditeur, ou spectateur, bref vous m’avez compris) l’impuissance de l’Humain, l’échec de la raison face à ces entités.

Et niveau musique, quoi de plus sombre, obscur, noir etc. que du bon gros métal extrême ? Pas grand chose, on l’a déjà vu. C’est donc bien évidemment le créneau qu’a choisi The Great Old Ones, groupe qualifié de post-black-métal ou black-métal-atmosphérique, pour mettre ses notes distordues au service d’Azathoth et de ses potes.

Leur logo est étonnamment lisible pour un groupe de black metal

Y a pas que les montagnes qui hallucinent

The Great Old Ones en est à son troisième album (le dernier est sorti en cette année 2017, mais nous y reviendrons) et le moins que l’on puisse dire, c’est que nos cultistes ont oublié d’être des branquignoles. Il suffit d’écouter leur deuxième méfait Tekeli-Li (je ne connais que trop peu leur premier pour en parler) pour être convaincu de leur degré de professionnalisme. Il s’y trouve déjà un sens de la composition solide, qui fait honneur à l’effet recherché : n’espérez même pas en rêve une structure couplet-refrain-couplet-refrain-pont-refrain torchée en 3 minutes 30 (Cthulhu n’est pas sur VEVO) mais plutôt des morceaux longs, imprévisibles et riches. Neuf minutes chaque pièce en moyenne, mâtinée d’une musique qui sait prendre son temps et enchaîner ses plans à la manière d’un orfèvre ayant perdu la raison.

N’attendez pas non plus une avalanche de brutalité non-stop avec du blast-beat à la pelle. Même si certains passages sont bien énervés, il faut l’admettre, il est extrêmement fréquent d’entendre certains passages lents, à la limite du doom, pour faire honneur aux mélodies des guitares chargées d’effets ou à la lourdeur étouffante d’un riff bien senti. Le chant typiquement black-métal est lui aussi modifié pour apparaître lointain, presque spatial. Vraiment, tout a été calculé, pensé comme un hommage aux œuvres de Lovecraft et aux monstruosités qui les peuplent.

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Dagon with the wind

A ce moment là de l’article, vous n’avez bien sûr plus aucun doute sur les thèmes abordés dans les textes de The Great Old Ones. Si le premier album Al-Azif s’inspire très généralement de l’univers de Lovecraft, les deux suivant Tekeli-Li et EOD : a Tale of Dark Legacy sont rattachés, de manière très explicite, respectivement aux œuvres les Montagnes Hallucinées et le Cauchemar d’Innsmouth (voir interview plus bas). Au-delà des paroles et des titres qui ne laissent planer aucune ambiguïté, on a aussi carrément droit à quelques passages narrés (en français sur Tekeli-Li, puisque ces messieurs sont Bordelais) qui ancrent encore plus fort le travail de The Great Old Ones dans son inspiration.

Mais bon, qui de mieux placé que les principaux intéressés pour parler de tout ça ? Place donc à l’interview de Benjamin Guerry, guitariste et chanteur du groupe :

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Bonjour à vous The Great Old Ones ! Alors pour commencer, partons sur du classique : comment décrieriez-vous votre groupe à des gens qui ne le connaissent pas (ce qui est le cas de nombreux lecteurs du Cri du Troll)

Benjamin GUERRY (Guitare, chant) : Salutations ! Nous proposons un Black Metal atmosphérique mêlant violence, ambiance, et univers lovecraftien. Les partie assez planantes et l’utilisation de certains effets font que nous sommes généralement catégorisés comme appartenant à la scène Post Black Metal. Cela ne nous dérange pas, mais nous nous sentons émotionnellement plus proche d’Emperor que de Deafheaven par exemple.
Le but est vraiment d’immerger l’auditeur dans une aventure, tel que le ferait un bon livre, en explorant divers sentiments comme ceux ressentis par le protagoniste de l’histoire que nous racontons.

Comment vous est venue l’idée de mêler tout l’imaginaire Lovecraftien à ce bon gros black metal que vous nous servez ?

BG : J’ai démarré le projet seul, en composant de la musique dans mon coin sans trop savoir ce que ça allait donner ensuite. Cependant, je suis fan de Lovecraft depuis mon adolescence, et après avoir bouclé quelques morceaux, j’ai ressenti des émotions en totale adéquation avec celles qui m’animaient quand je lisais les écrits de l’auteur. Lovecraft avait déjà souvent été adapté dans la musique Metal, mais cette fois-ci cela était un peu différent. Au lieu de se focaliser uniquement sur la partie purement horrifique du bestiaire lovecraftien, les endroits, les ambiances, les personnages, le background prenaient une importance égale au reste, et permettait un voyage autre dans cet univers. Du coup cela est resté, et est devenu la base de notre musique.

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Notre premier album Al Azif peut être vu comme un recueil d’histoires et de poèmes lovecraftiens. Notre deuxième album Tekeli-li est une adaptation directe de la nouvelle Les Montagnes Hallucinées. Et enfin notre dernier disque sorti cette année, EOD : A Tale of Dark Legacy, est une suite au Cauchemar d’Innsmouth.

La pochette du dernier opus. N’y verrait-on pas les tentacules du plus connu des Grands Anciens ?

Quelle est votre œuvre préférée de notre bon ami H.P. Lovecraft ?

BG : Je ne peux pas parler pour tout le monde, mais je pense que nous sommes tous d’accords sur l’Appel de Cthulhu, Le Cauchemar d’Innsmouth, Les Montagnes Hallucinées, la Couleur Tombée du Ciel, Celui qui Chuchotait dans les Ténèbres, ainsi que la Musique d’Erich Zann. Comme tu le vois, je ne peux pas te citer une seule œuvre car elles comportent toutes des éléments primordiaux de l’ambiance qui émane des écrits de Lovecraft.

Cela est très subjectif, mais je trouve que ces nouvelles résument bien l’œuvre de l’auteur.

Revenons à des trucs un peu plus terre-à-terre. Ça se passe comment pour The Great Old Ones en ce moment ? Plutôt pas mal ? Quelles sont vos actualités ?

BG : Notre dernier album est donc sorti le 27 janvier dernier. Les chroniques ont toutes été très bonnes, et nous sommes vraiment satisfaits des retours du public. Nous avons beaucoup travaillé le show live afin de proposer une pure expérience lovecraftienne.
Nous jouons au mois d’août au Brutal Assault en République Tchèque, ainsi qu’au Motocultor en Bretagne. A la rentrée, le 16 septembre exactement, nous serons à l’affiche du Mfest. En fin d’année, nous serons à Berlin au De Mortem et Diabolum Festival, puis au Eindhoven Metal Meeting. Nous travaillons sur plusieurs choses, et espérons pouvoir annoncer ça très bientôt.

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Y a toujours plein de débats sur la scène métal française, que l’on dit parfois moribonde (à tort ou à raison). Vous en pensez quoi, vous ?

BG : Il y a toujours eu une scène française très active, mais elle n’était surtout pas reconnue. C’est encore très difficile aujourd’hui mais les choses s’améliorent. Dans tous les styles de Metal des groupes sortent leur épingle du jeu. Gojira bien sûr, mais en plus underground tu as Deathspell Omega par exemple qui a une vraie reconnaissance à l’internationale. Il y a un potentiel artistique très important en France, et les groupes de qualité se multiplient.

Et enfin, un grand classique : on vous laisse le mot de la fin, dites ce que vous voulez, c’est la fête !

BG : Merci pour l’interview ! Venez nous voir en concert, et continuez à nous soutenir si vous aimez notre musique, nous n’avons pas prévu de nous reposer sur nos lauriers !

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The Great Old Ones est un groupe rendant magnifiquement hommage à H.P. Lovecraft, comme avait su le faire dans son domaine Summoning avec J.R.R Tolkien. Que ce soit la musique, les ambiances, les paroles ou l’artwork des albums, le groupe bordelais est bien décidé à offrir à ses auditeurs autre chose qu’un simple enchaînement de morceaux : c’est bien une aventure dans l’univers des Grands Anciens qui s’ouvre à nous à chaque début d’album, et ce jusqu’à la fin sans aucune fausse note. Pari ambitieux certes, surtout vu la singularité du domaine abordé, mais indéniablement gagné grâce au soin apporté aux compos et à l’excellent niveau général de The Great Old Ones.

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