Le Clan des Otori, une épopée poétique

Illustrations de livres avec titres japonais classiques.

« J’étais devenu Takeo, un garçon d’apparence tranquille et douce, un artiste un peu livresque (un déguisement qui dissimulait les oreilles et les yeux auxquels rien n’échappait et le cœur apprenant en secret les leçons de la vengeance). Je ne savais si ce Takeo existait réellement ou n’était qu’une construction artificielle, créée pour servir les desseins de la Tribu et ceux des Otori. »

Le Clan des Otori, tome 1, chapitre III

Résumé

Le pouvoir des Trois Pays est divisé entre trois grands seigneurs : les Seishuu gouvernent l’Ouest, les Tohan l’Est et les Otori le Pays du Milieu. Chacun à sa façon de diriger et de faire régner l’ordre dans son domaine. L’avidité de pouvoir et de dominer d’Iida Sadamu, chef des Tohan, ébranle le système de coexistence pacifique qui existait alors. Les seigneurs des fiefs internes à chacun des trois grands domaines commencent également à se faire bruyants. La Tribu, organisation criminelle, gagne en puissance chaque jour. La sûreté a disparu dans les trois Pays…
C’est dans ce climat instable que Shigeru Otori, héritier légitime du clan des Otori bouleversa la vie du jeune Tomasu. Ce dernier devenu Takeo Otori, aura une place primordiale à jouer, pour le sort de son clan, mais également pour les Trois Pays. Plus important que son statut de guerrier ou celui d’assassin de la Tribu, il semble être l’élu dont parle la Prophétie : « Trois sangs se mêlent en toi, tu es né parmi les invisibles, mais ta vie se déroule maintenant au grand jour et ne t’appartient plus… Tu es destiné à vivre et à apporter la paix sur les Trois Pays. La mort ne pourra t’atteindre que par la main de ton propre fils. Ton domaine s’étendra de la mer à la mer, tu le conquerras en cinq batailles, quatre victoires et une défaite… »

A lire aussi  hybrides

Le Clan des Otori est née de l’esprit d’un auteur comme on en fait peu. Lian Hearn, Gillian Rubinstein de son vrai nom, décida de publier son œuvre sous ce pseudonyme car elle estime qu’un livre doit être jugé par la qualité de son contenu plutôt que par le succès de son auteur. Autant vous dire que ce seul facteur permet au Clan des Otori de se démarquer de ces nombreux livres, choisis par les éditeurs avec pour seul motif la renommée de leur géniteur.

L’intrigue du Clan des Otori se déroule dans un monde imaginaire, les Trois Pays, profondément inspiré du Japon médiéval. Les protagonistes évoluent donc dans un système féodal cruel et implacable. À la manière des daimyo de l’Ère Edo, les seigneurs rivaux se livrent un affrontement sans merci, la guerre menace d’exploser à tout moment. On retrouve une société régit en classes : les aristocrates, les guerriers (ou devrais-je dire samouraïs ?), les moines, les marchands etc.
C’est dans cette réalité historique et culturelle qu’on peut apercevoir d’autres facettes du Japon. La Tribu, organisation de familles d’assassins, est grandement inspirée des clans de ninjas. Quant aux Invisibles, communauté religieuse, leur histoire est étrangement proche de celle des chrétiens persécutés au Japon. L’apparition des armes à feu par des étrangers dans Le Clan des Otori, ne peut que s’apparenter à leur introduction au Japon par les Portugais au XVIème siècle.

« Mes yeux me brûlaient. Le jardin était plein des parfums et des rumeurs du printemps. Éclairés par la lune, les premiers arbres en fleurs brillaient d’un éclat limpide et fragile. Leur pureté me perça le cœur. Comment le monde pouvait-il être à la fois si beau et si cruel ? »

Le Clan des Otori, tome 1, chapitre IV

A lire aussi  l’âge de la voile

Ce qui caractérise la plume de Lian Hearn c’est ce raffinement, cette fluidité de l’écriture, où tout fait sens dans un désir de pureté. Les descriptions et les dialogues se veulent élégants, poétiques.
Et c »est dans ce monde épuré, qui pourrait paraître froid et distant aux non-initiés, qu’apparaît alors un nouveau critère : le mouvement. Lian Hearn a réussi le pari improbable d’associer l’action des scènes de combats, la violence des affrontements, la cruauté d’un système féodal, à la grâce et la beauté délicate d’un monde d’honneur, de courtoisie, qui cache une profonde réserve de sentiments.
Cette alliance peut dérouter aux premiers abords, mais elle possède la magie nécessaire pour charmer les lecteurs les moins réceptifs.

Cette dualité est propre à l’histoire japonaise et c’est dans cette culture que je la trouve la plus flagrante. La voie du guerrier – le Bushido, code d’honneur et guide de vie des samouraïs – est elle-même basée sur cette antinomie : la beauté dans la mort, la grâce dans le mouvement, la précision dans l’action.
Si Lian Hearn est bel et bien anglo-saxonne, on peut voir dans Le Clan des Otori toute sa passion et son affection pour le pays du Soleil Levant. Emporté par ses mots, on se laisse facilement convaincre que le récit est écrit d’une main japonaise. À propos de cette inspiration nippone, l’auteur s’exprime elle-même selon ses termes :

« Dans la littérature et les arts japonais, c’est l’utilisation du silence et de l’asymétrie qui me fascine. […] Je voulais voir si je pouvais utiliser le silence dans l’écriture. Le style est donc dépouillé, elliptique et suggestif. Ce qui n’est pas dit est aussi important que ce qui est énoncé »

Cette saga ravira tous les styles de lecteurs grâce ses divers niveaux de lecture. Écrit à la façon d’un conte philosophique japonais, mêlant beauté et violence tout en créant une ambiance envoûtante cette lecture vous troublera c’est certain. Pour finir, vous ne pourrez que vous laissez emporter par les destins croisés de ces personnages complexes et vulnérables, embarqués dans une histoire où le bien et le mal n’existent pas, chacun étant la proie de ses propres démons…

Vous aimerez aussi

  • Far West

    20 février 202020 février 2020 LazyLumps Au commencement de cette nouvelle décimale, le froid mordant s’est insinué entre mes vêtements et m’a fait autant greloter qu’un Pétrocore en manque de skavens de Total War : Warhammer 2. Frigorifié, je me suis donc retourné vers mes premiers amours en quête de chaleur désertique, de sueurs acre,…

  • assassinat

    4 décembre 20167 février 2017 LazyLumps Il se faufile dans les ruelles, empoisonne la tasse à mémé Jackie, et exécute le petit chat d’un coup de Read More 2 décembre 20163 février 2021 LazyLumps Pour cette semaine Assassin, nous avons longtemps débattu sur le cœur de notre sujet, l’essence même du thème. L’assassin, ou Read…

  • humour

    19 mars 202019 mars 2020 KaMelaMela Fleabag, la meuf la plus cynique/déjantée/drôle d’Angleterre par Kamelamela, c’est par là ! Read More 12 mars 20202 avril 2020 Roufi La musique adoucit les mœurs, mais elle peut aussi faire gonfler les pecs, reluire une armure, ou exercer les zygomatiques. Si vous n’avez pas peur des riffs qui…

  • Ninja

    23 janvier 201822 mars 2018 Narfi « Mais il est teubé ce Narfi là, à nous parler des influences du Japon sur Zelda ? C’est développé au Japon, Read More 7 février 20179 septembre 2019 Petrocore Les aficionados du Cri du Troll le savent : j’ai un alter-ego maître-ninja nommé Maître Jean-Jacques. Shinobi et vidéaste à Read…

  • New York

    « La croisée des chemins », voilà une expression qui décrivait plutôt bien mon sentiment quant aux derniers travaux de Rowling. C’est Read More 29 septembre 201629 septembre 2016 KaMelaMela Sorti en 2002, La 25 eme heure est un film de Spike Lee, réalisateur entre autres de Malcom X, He Read More A lire aussi  sans spoil

  • requin

    Ta da… Ta da… Tada tada tada tada ! Nemarth ne se déplace plus qu’avec la musique des Dents de la Mer en fond sonore sur son portable, et c’est la faute à Maneater, un jeu où vous incarnez un requin en quête de chair fraîche. Et dans cet article, il va vous expliquer pourquoi…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *