L’homme aux poings de fer : le Wu Xia Pian par le Wu Tang Clan
L’Homme aux Poings de Fer : une jaquette de DVD qui a étrangement attiré mon regard comme seuls normalement les décolletés en ont le pouvoir. Imaginez vous, comme moi, cherchant désespérément dans un bac de DVD à prix bas LA perle. Derrière une comédie obscure avec Eddie Murphy apparaît alors ce boitier. Il me semble bien reconnaître Russell Crowe… Lucy Liu aussi… Et tout en haut du DVD, ressortant sur une petite bande rouge sang, un très intéressant « Quentin Tarantino présente ». On dirait bien que ma fouille dans ce bac à DVD n’aura pas été vaine.
Après avoir payé le DVD pour le prix d’un café, je rentre chez moi et me documente sur le film. Et là, c’est la révélation. Il se trouve que le monsieur aux poings de fer sur le devant de l’affiche plus haut n’est autre que le réalisateur du métrage, j’ai nommé : RZA, l’un des fondateurs de l’illustre Wu Tang Clan. On connaissait la passion de ce groupe de hip-hop pour les films d’arts martiaux asiatiques, et bien voilà : l’un de ses membres a décidé, plus de vingt après la formation du collectif, de rendre l’ultime hommage à ce genre qui les a tant inspirés. Avec Tarantino comme parrain (RZA avait signé des morceaux pour Kill BIll Vol.1), le rappeur prend son bébé en main. Il s’occupe de la réalisation, écrit le scénar avec Eli Roth (connu pour les deux Hostel) et s’occupe aussi de la BO avec un certain Howard Drossin. D’ores et déjà emballé par ces infos, je décide de regarder le film, des espoirs plein le cœur.
Jungle Town : sa plage, sa cuisine, ses gangs, ses bastons sanglantes
Je vous livre vite fait le pitch : L’Empereur de Chine a pour projet d’envoyer vers le nord une quantité astronomique d’or, escortée par les redoutables Tueurs Gémeaux et son mystérieux Émissaire. Problème : pour ce faire, le convoi qui l’achemine doit passer par Jungle Town, une sympathique bourgade régie d’une main de fer par des clans guerriers impitoyables. L’arrivée du convoi impérial mettra le feu aux poudres dans cette ville où, déjà, le sang coulait à flots.
L’Homme aux Poings de Fer a une qualité indéniable : c’est un film de fan. RZA a toujours été connu comme étant un bouffeur de films de kung-fu (d’ailleurs, lorsque le Wu-Tang sort un jeu sur Playstation, c’est évidemment un jeu de baston). Il digère pour son métrage tous les codes du genre et nous les ressort avec une maîtrise remarquable pour un si « jeune » réalisateur. Malgré quelques cadrages étranges et des petits dérapages pendant les scènes de baston, les chorégraphies travaillées regorgent de bonnes idées. L’action reste cependant lisible, merci de ne pas avoir sur-utilisé cette shaky-cam de merde, on pourra donc apprécier la violence des coups et les véritables geysers d’hémoglobine qui feraient pleurer de jalousie les bénévoles du Don du Sang. Inévitablement, chaque belligérant aura sa technique de combat, histoire de voir quel kung-fu est le plus fort. On aura aussi droit aux surnoms typiques, style « Lion d’Or », « Poison Mortel », « Corps de Cuivre ». Petite trouvaille rigolote : l’action se situant à Jungle Town, tous les clans en présence arborent un nom d’animal. Hyènes, loups, veuves noires… Une trouvaille sympa, c’est pas grand chose mais moi, ça me fait tripper.
Le gang des lions, crinières au vent
This is Wu Xia Pian, madafaka’
Mais ce qui fait aussi l’attrait de l’Homme aux Poings de Fer, c’est la patte que lui apporte RZA. Baigné, est-il besoin de le préciser, dans la culture hip-hop, notre réal se permet de remuer un petit peu son cahier des charges. La BO est la première à en bénéficier, intégrant des morceaux crées par les Black Keys, Ghostface Killah, Kanye West ou même RZA himself. On pourra entendre parfois de la musique plus typique des vieux films de ce genre, à laquelle a été adjoint un petit beat discret. Bien vu.
Sorti des scènes de bagarre, le scénario est un peu en deçà. Pas toute naze mais bon, on sent que ça a pas été la principale préoccupation quoi. Quelques pertes de rythme de ci delà et un poil de banalité, rien d’alarmant je vous rassure ! A dire vrai, je préfère ce genre de scénars, classiques mais qui amènent le spectateur là où il le veut, plutôt que les films qui pensent avoir une idée et qui en oublient leur concept (Godzilla, on pense fort à toi). J’ai quand même souri en entendant le personnage de RZA se la jouer narrateur en voix-off, avec de jolies images poétiques qui rappellent plus les rues de New-York que les montagnes chinoises, du style (traduit en français) :
« Ils avaient une putain de mitrailleuse, et autant de munitions qu’il y avait de riz dans toute la Chine »
Niveau casting, on a droit à de sacrées pointures, Lucy Liu et Russell Crowe en tête. Je pose une mention spéciale à Byron Mann, le Lion d’Argent, qui a vraiment l’air de se faire très plaisir à jouer là-dedans et qui nous sert en conséquence une excellente prestation. RZA par contre n’est pas un acteur et ça se voit, mais je peux difficilement le blâmer. Tant qu »à réaliser son rêve de gosse, autant jouer dedans non ?
Cette expression lui tiendra 90% du film. C’est beaucoup.
Je ne m’attendais pas à un chef-d’oeuvre, mais je ne m’attendais pas non plus à une aussi bonne surprise. Qu’on aime ou qu’on aime pas, on ne peut pas nier que RZA a fait d’énormes efforts pour nous pondre cet hommage. Utilisant et manipulant les codes du genre à sa guise, notre nouveau réalisateur s’éclate comme un môme tout en n’oubliant pas de soigner ses scènes de baston. Malgré des imperfections inévitables, il serait dommage de se priver de ce défouloir.
