Peaky Blinders, l’angleterre du XIXème siècle, entre fracas et fureur

Peaky Blinders, l’angleterre du XIXème siècle, entre fracas et fureur

La BBC a lancé il y a peu de temps la saison 2 de cette série atypique créée par Steven Knight (scénariste des Promesses de l’Ombre hein, voilà, au passage) qui marche dans les pas du délire des gangs façon old times

Bienvenue dans la fange prolétarienne et désespérée des bas fonds du Birmingham de 1919.

La Grande Guerre hante tous les esprits. Les hommes sont revenus différents, emplis d’une colère sourde entre déni et frayeur, de celle qui vous glace l’âme et vous ronge de l’intérieur. Ils ont vu, ont combattu comme des chiens enragés dans une arène de mort, et les voilà de retour à une simili civilisation. Certains s’assomment d’alcool, d’autres s’enivrent de violence. Revenus d’une guerre ils en ont trouvé une autre : celle pour la survie.

Ici les trognes à moitié consanguines, abruties de misère sont prises entre moults feux : les querelles de gangs à l’ancienne, à la lame et au poing, les policiers brutaux et sans merci partis à la chasse aux cocos et aux anars, et les fauteurs de troubles, révolutionnaires de l’IRA et leaders syndicaux qui sévissent dans tout le pays pour des idéaux qui baignent dans le sang.

Les hauts fourneaux de la révolution industrielle crachent leur poison de charbon et nimbent cette Angleterre d’un voile de grisaille poisseux. Les feux grondent, les villes s’élèvent, les ouvriers s’acharnent, ça fourmille, ça gueule, ça tousse et crache.

Tout semble recouvert de boue, sali, avili. Et cela se ressent sur les hommes eux-mêmes qui évoluent dans cet environnement malsain qu’on dirait tout droit sorti des tableaux des Enfers de Dante.

Peaky Blinders, le gang des détrousseurs

À la base, le gang des Peaky Blinders a bel et bien existé. Loin des Robin des Bois et autres brigands rebelles mais proches du peuple, les Peaky étaient une bande de dégénérés qui cousaient des lames de rasoirs sur leurs bérets et s’en servaient comme arme de corps à corps – d’où leur nom Peaky Blinders,  littéralement « visières aveuglantes », car ces bâtards visaient les yeux pour aveugler leurs victimes et ainsi pouvoir dévaliser et calmer toutes les velléités de résistance des récalcitrants.

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Voilà les vrais, des vrais de vrais comme on n’en fait plus. Tout droit sortis d’un roman de Cormac McCarthy.

Caban, écharpe en soie, pantalon à pattes d’éléphant, bottes coquées et surtout casquette vissée sur la tête, les Peaky semaient l’anarchie dans les quartiers pauvres de Birmingham. M’enfin… Loin de leur avatars de la série, les Peaky Blinders IRL n’ont pas vraiment fait carrière finissant tous soit en taule, soit assassinés.

Le gang des Shelby. Ils font rêver hein ?

La saison 1 : Cauchemars, Opium, Violence et Ambition

Dans Peaky Blinders, on suit les pérégrinations du gang Shelby, cette fratrie revenue brisée des Dardanelles et qui a monté une organisation criminelle faisant son biz sur les paris sportifs. À la baguette Thomas Shelby (incarné par le génial Cillian Murphy), le benjamin de la fratrie qui gère le bordel d’une main de fer, à la manière d’un Don Corleone du début du XXème. Dans la saison 1, on suit l’expansion de cette petite bande dans ce Birmingham industriel, marmite proche de l’explosion. Le Parlement s’attend à une violente révolte et Winston Churchill mobilise des forces spéciales pour contenir les menaces. 

Cilian Murphy a beaucoup, beaucoup trop la classe en fait. D’ailleurs les travelling qui le pourchassent dans les rues insalubres sont quelquefois un peu redondants (le fameux triptyque du swag : allumage cigarette-volutes de fumée-marche bad-ass au ralenti). Au passage : à droite, Arthur, véritable bête blessée revenue grillé de la guerre. On saluera l’acting mémorable de Paul Anderson !

Fer de lance de cette mobilisation d’urgence, Churchill demande à Campbell de nettoyer la ville avant l’émeute. Campbell est un « briseur ». Il s’est révélé dans la traque aux sorcières sanglante et brutale des militants de l’IRA à Belfast. Raillé pour sa déshonorante non participation à la Grande Guerre, ce personnage incroyable joué par un Sam Neill de très haut vol (Jurassic Park style nom de dieu !) va alors déverser sa colère et sa frustration sur cette nouvelle mission et va tout faire pour faire tomber les Shelby qui luttent pour la suprématie mafieuse et la stabilité familiale.

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Se shootant à l’opium pour oublier l’enfer des tranchées, emplis de haine et de désespoir à l’image du grand frère Shelby – Arthur – les Shelby sont à l’image de leur époque : entre souffrance et ambition, révolution et cauchemars. Ils auront donc fort à faire entre leurs démons intérieurs, Campbell, Billy Kimber le chef de gang local, et la petite sœur s’étant amourachée de l’ancien pote de Thomas, Freddie – un coco révolutionnaire qui veut foutre le feu au monde entier. D’autant que la mystérieuse Grace, une blonde semblant tombée du paradis, ne laisse pas le Thomas insensible.
Ah ces femmes !

Tout au long des 6 épisodes qui maillent cette première saison, on suit donc cette guerre de position dans un environnement incroyablement réaliste. La BBC voulait faire des Peaky une série historique, atypique et témoin d’une époque désormais très loin de nous, et c’est gagné.

Le tout porté par le choix brillant de la musique de Nick Cave et de Jack White (White Stripes) !

La BAC de l’époque, elle déconnait moyen-moyen.

Saison 2 : Expansion, rhum, Tom Hardy

Out Birmingham, direction LONDRES (prononcé « Leundeune ») pour les Shelby qui n’en finissent plus de vouloir croquer l’Angleterre. C’est donc naturellement que Thomas et sa famille, toujours en proie à leurs vieux démons, tentent la capitale.

Et c’est en s’incrustant dans le combat des deux clans locaux qu’ils mettent le premier pied de péquenaud gitan des campagnes à Camden.

Je l’aime très, très fort ce Tom.

Car voilà, juifs et ritals s’entretuent gentiment pour l’exclusivité de la vente de la gnôle et le rapport de force commence à balancer fort du côté des Italiens.
Menées par des leaders dégénérés (Tom Hardy incarnant le juif Alfie Salomon, et Noah Taylor en Darby Sabini) les deux mafias vont devoir composer avec l’arrivée en force des Shelby sur leur territoire.

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Les nouveaux acteurs, avec leurs accents tonitruants, et leurs dégaines crédibles à souhait proposent une interprétation grandiose pour cette seconde saison où les tensions sont permanentes. Cilian Murphy crève de plus en plus l’écran en manitou du crime, partagé entre la douleur amoureuse et les nombreux coups du sort et mauvais choix stratégiques qui entachent son ambition dévorante. Les femmes qui gravitent autour de Thomas, déjà présentes dans la première saison, prennent ici une importance grandissante. Que ce soit May, la richissime dresseuse de chevaux, ou Poly, la tante gypsy style, qui est à la recherche de ses enfants disparus, on y croit.

 On y croit même tellement, que l’on saute d’un épisode à l’autre comme on s’enfilerait des bonbons PEZ à la chaîne.
Tout comme pour la saison un, ici c’est PJ Harvey (ainsi que d’autres voix féminines moins connues mais tout aussi efficaces comme Laura Marling) que l’on retrouve à de nombreuses reprises le long des six nouveaux épisodes de la saison.

Mes oreilles en redemandent.

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Peaky Blinders, c’est la fresque d’une époque. C’est un bon trip pour tous ceux qui aiment les séries sur les mafias (Sons of Anarchy, Sopranos…) et qui en sont sevrés depuis un bail (parce que bon, Sons of anarchy c’était bien pendant 4 saisons hein, après…). Peaky Blinders, c’est des acteurs qui envoient du pâté, et vous emmènent loin dans la crasse anglaise du petit peuple. C’est des accents aussi chantants qu’un brelan de phalanges en pleine tronche. C’est Cillian Murphy en état de grâce. C’est des personnages attachants et crédibles. C’est une histoire profonde, excitante, et rondement menée. C’est 12 épisodes sur 2 saisons (saison trois commandée).

Bref, les Peaky Blinders c’est de la balle.

Et puis avec une bande son pareille, on ne peut qu’apprécier cette série assez unique en son genre.

« Il est pas bon mon rhum ? Heing ? Ilépabon? »

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