Terra Tenebrosa – The Purging : dans l’antre de la démence

La musique véhicule des émotions, c’est un fait. La joie, l’excitation, la tristesse, la mélancolie, l’envie de se faire de la thune (si si, ça se ressent bien chez pas mal d’artistes)… Chaque sentiment peut trouver son pendant mélodique, si tant est qu’on cherche bien.

Le groupe qui nous intéresse ici a choisi sa voie : la noirceur. Parfois enragée, parfois bizarre, parfois glauque mais toujours présente, elle nappe la totalité de cet album si singulier qu’est « The Purging »

Atmosfear

De la première écoute de l’album se dégage immédiatement une ambiance forte. D’expérience, je sais qu’il est difficile pour un groupe « dark » d’insuffler à ses compos ce coté ultra-sombre tant recherché. Cela passe par des arrangements, une recherche de son, des expérimentations, une voix bien placée et capable de coller au tout,  et bien d’autres choses du même tonneau. Terra Tenebrosa n’a rien laissé au hasard de ce coté là, et ça s’entend.

Quand j’ai vu que le groupe s’était vu coller une étiquette post-hardcore (comprenez un croisement chelou entre du punk et du hardcore… oui je sais), je dois avouer que je n’étais pas emballé plus que ça. Mais en fait, rien de tout cela ! Les pauvres chroniqueurs galèrent d’ailleurs pour essayer de classer The Purging, avec des trucs aussi ridiculement longs que « sludge/doom/posthardcore/black-metal ». C’est rigolo à lire, mais ça soulève quand-même un point important : le groupe décide de prendre où il veut les éléments dont il a besoin pour modeler sa musique.

Le son cradingue du post-hardcore, l’ambiance pesante du doom, la rage et la noirceur du black-metal… On prend un peu de tout, on touille et PAF ! Ça ne fait pas des chocapics mais bien une œuvre singulière, empreinte d’une chaotique obscurité. Le son tout d’abord :  assez propre pour être audible, mais juste assez bordélique et crasseux pour apporter un aspect cradingue, il y est pour beaucoup à la réussite de nos amis suédois. Car ne nous y trompons pas : c’est bien par volonté et non par manque de moyens que la production n’est pas aussi léchée, j’en veux pour preuve les nombreux bruitages bizarres qui parsèment les morceaux, discrets mais toujours efficaces, démontrant un véritable travail bien pensé sur le son dans l’ensemble. Alors certes, cet aspect abrasif pourrait rebuter les amoureux de musique propre (ce n’est pas péjoratif, j’en suis un moi-même) mais soyons sérieux, The Purging aurait perdu une grosse partie de son aura s’il avait eu une prod’ sans rien qui dépasse.

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Le chanteur et frontman du groupe : The Cuckoo. Un personnage chaleureux.

Hymne à la joie

Et la musique, dans tout ça ? Et beh écoutez, je ne pense pas vous étonner en disant qu’elle est très réussie, parvenant en à peine quelques secondes à nous immerger dans cet étouffant sentiment de malaise. Le voyage dans l’antre de l’horreur comporte dix étapes, qu’on pourrait grossièrement diviser en trois genres : les morceaux atmosphériques, où règnent les ambiances sonores malsaines et où The Cuckoo récite ses litanies incompréhensibles avec une voix distordue, les morceaux lourds (pas dans le sens « chiants », j’entends) qui font la part belle aux mélodies lancinantes des guitares en disto et où la batterie se fait pesante, et les morceaux plus énervés, où le chaos sonore est au service de la rage du groupe sans qu’il ne sombre toutefois dans le bordel foutraque. 

Les instruments sont accompagnés de la voix cauchemardesque de The Cuckoo. Qu’elle soit altérée par des effets ou non, qu’elle se fasse solennelle ou hurlante, elle est dans tous les cas horrible et marque vraiment les compos de son empreinte, là où elle aurait pu n’être qu’un gros plus.

De gauche à droite : Risperdal, The Cuckoo et Hibernal

Tout un concept

Le premier album du trio suèdois, The Tunnels, avait planté le décor : tout le disque était une plongée dans la psyché torturée de The Cuckoo, une allégorie masquée des plus noirs penchants du monsieur derrière le costume. The Purging continue dans cette démarche et invite son auditeur à chercher tout au fond de lui ses cotés sombres, négatifs, et trouver en eux les outils pour évoluer en quelque chose de meilleur (genre dompter ses vils instincts, m’voyez). Et vu que The Cuckoo est un gars sympa, il a donc composé une musique pour racler le fond de notre âme ! Vous avez pigé ? Ouais non mais je raconte mal, aussi.

BREF au niveau de la psyché torturée, je crois qu’on tient notre grand champion. Il n’y a qu’à voir la monstruosité de ses masques, la joie de vivre (ironie) qui respire des photos et les titres des chansons (« House of Flesh », « Disintegration », « The Redeeming Teratoma ») pour s’en convaincre. Si vous, en tout cas, avez été touchés par les arguments de cette thérapie par le négatif, pensez à The Purging pour vos séances !

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The Purging est un disque qui n’est pas commun. Au beau milieu d’un océan de groupes « trve pvre evil » qui aiment jouer à qui a la plus noire (de musique), Terra Tenebrosa a su imposer une identité forte. C’est le souci du détail qui fait passer l’album du statut de disque violent et dark à celui de véritable ode à la noirceur. Une réussite, tout bonnement.

Attention cependant (même s’il me semble inutile de le préciser, je le fais quand même) : The Purging reste un album de métal extrême et très susceptible de ne pas plaire à tout le monde.

BONUS : L’album complet est en écoute sur youtube. Si vous voulez vous faire une petite idée, comme ça, à brule-pourpoint…  C’est par là !

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