The Haunting of Bly Manor : la poésie desservie par la soif de frissons

Je vous avais parlé lors de sa sortie de l’excellente série Netflix The Haunting of Hill House, je remets donc le couvert cette année avec la petite dernière : The Haunting of Bly Manor de Mike Flanagan. Entre romantisme gnangnan et poésie noire, histoire prenante et scénario trop lent, les avis sur cette série sont plus que partagés. Alors qu’en est-il réellement ?

the-hauting-of-bly-manor-6581053 Il faut l’admettre, les affiches sont quand-même fichtrement classes © Netflix

The Haunting of Bly Manor, une suite loupée ?

En ce qui me concerne, je préfère annoncer la couleur tout de suite, mon avis à propos de cette série reste très mitigé. J’ai essayé à moultes reprises durant mon visionnage de peser le pour et le contre des choix scénaristiques et j’ai parfois eu beaucoup de mal à accrocher avec le nouveau parti pris du réalisateur. Mais vraiment, j’aurai essayé.

On nous a annoncé, ou plutôt nous public avons considéré d’office cette série comme étant la suite tant attendue de The Haunting of Hill House, et c’est bien là que se situe son problème majeur. Bien que l’on retrouve certains acteurs comme Victoria Pedretti dans le rôle principal, Oliver Jackson-Cohen ou encore Henry Thomas, cette saison 2 n’a absolument rien à voir avec The Haunting of Hill House, hormis quelques clins d’œil par-ci par-là.
Nous suivons le personnage de Dani Clayton, une jeune institutrice qui est engagée pour faire la classe à deux orphelins, Flora et Miles. Les enfants, au même titre que tous les personnages présents à Bly, agissent de manière mystérieuse et Dani va se retrouver petit à petit embrigadée dans les secrets qui entourent ce manoir, tandis qu’elle va tenter de se battre contre ses propres démons.
Sur le papier, l’idée est plutôt chouette et la réflexion principale reste joliment menée mais le tout m’a laissé une impression générale brouillonne, celle d’une histoire moyennement finie avec des éléments qu’il aurait clairement fallu creuser.

the_haunting_of_bly_manor-9268468 Les tableaux dans les manoirs, toujours l’angoisse ! © Netflix

Certes on retrouve ce cadrage impeccable, la même utilisation des couleurs, un thème indubitablement sombre et le sujet du deuil omniprésent, mais en aucun cas The Haunting of Bly Manor ne devrait être visionnée avec le même regard que celui que nous avons pu porter à The Haunting of Hill House. Et je pense que c’est d’ailleurs à cause de ça que tant de spectateurs (dont je fais partie) ont été grandement déçus par cette saison.
On s’attendait à du grand frisson, à des jump scare de l’enfer, à un suspens insoutenable… hé bien on peut toujours les attendre, car ils ne sont clairement pas au rendez-vous dans ce second volet !
Pourtant, je les ai cherchés ! J’étais même tellement conditionnée à avoir peur que lors du premier épisode, je passais mon temps à me cacher sous mon oreiller parce que « quelque chose » allait arriver. Déception donc à la fin de ces premières 45 minutes, où aucune frayeur majeure n’a su renverser mon cœur ou mon estomac.

C’est intriguée mais clairement déçue que j’ai continué et terminé la série, sans jamais satisfaire ma soif  de terreur. Plus les épisodes passaient, plus j’attendais un bouleversement quelconque et plus j’étais déçue ! Et qu’on ne vienne pas me dire que la « révélation » de l’épisode 5 doit être considérée comme le twist ultime de cette série, car il est plus qu’évident depuis la rencontre avec le personnage d’Hannah que celle-ci (ATTENTION SPOILER) ne fait plus partie du monde des vivants. Les éléments donnés par le réalisateur pour le faire comprendre au spectateur dès le premier épisode ne sont pas des indices subtils mais des panneaux lumineux constamment placés sous notre museau et que c’est dommage ! Déjà que la terreur n’est pas au rendez-vous, mais si la surprise n’est pas là non plus, il ne reste plus grand-chose…

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Un beau scénario à creuser

Bon, je ne suis pas très sympa depuis le début de cet article tant j’ai pu être déçue par beaucoup d’éléments mais je n’irais quand même pas jusqu’à dire que tout est à mettre directement dans la benne à ordures. Je pense sincèrement que la base du scénario de The Haunting of Bly Manor est plutôt bonne, avec des intrigues qui auraient mérité d’être développées.
Tout comme dans le premier volet, le fait que les personnages aient tous des caractères très forts et distincts permet au spectateur de s’identifier à eux, et provoque ainsi un attachement inévitable.
Bien entendu, les manifestations fantomatiques sont toujours aussi bien travaillées et l’on s’amuse dès le départ à regarder les coins et les arrière-plans sombres afin de trouver fièrement « l’apparition cachée ».

J’ai beaucoup aimé la manifestation de l’ex-petit ami de Dani qui n’est ni plus ni moins que la représentation physique de sa culpabilité et qui est finalement l’élément qui va l’aider à assumer la personne qu’elle est réellement. Tant que Dani n’embrasse pas complètement sa vraie nature, cette figure va la hanter, la harceler et l’empêcher de regarder son reflet comme pour lui dire « tu n’es pas celle que tu prétends être ». C’est uniquement au moment où Dani décide de faire face à son propre démon intérieur et à l’apprivoiser que l’apparition va soudainement disparaître à jamais. Très belle métaphore donc, et manière assez chouette d’aborder d’une nouvelle façon le sujet de l’homosexualité et de l’acceptation de soi. Bien vu Flanagan !

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En ce qui concerne les enfants, on ne sait pas trop au départ sur quel pied danser avec eux, et il est plutôt sympa de pouvoir se demander si nous sommes face à des serial killers en herbe ou juste à des enfants qui communiquent avec les morts. Cependant, je trouve que l’on comprend encore une fois assez vite ce qui se trame avec eux, balayant rapidement l’angoisse que ces deux personnages auraient pu susciter (ben quoi, c’est flippant les gamins!).
On retrouve également le thème assez classique de la maison de poupées qui sert en quelque sorte de « carte des fantômes » dans le manoir, mais qui, encore une fois, n’est pas totalement exploitée.

huigbluygkf-4014195 Petit portrait de famille © Netflix

Pour ce qui est des autres personnages, hormis celui d’Hannah qui nous offre un voyage temporel assez WTFequesque dans l’épisode 5, chacun s’est vu alloué un background mais l’histoire n’en fait pas grand-chose. Cela donne l’impression qu’ils ont été créés chacun de leur côté et ont été ajoutés après coup dans un même scénario sans fil conducteur suffisamment solide pour les relier.
On découvre leur background (humains ou fantômes), on nous donne une explication un peu vaseuse de comment ils se sont retrouvés là et POUF, c’est fini, on passe à autre chose. Du coup, les épisodes manquent de rythme, l’histoire est saccadée et peu cohérente et paradoxalement, les backgrounds des personnages ne sont pas assez développés ce qui donne dans l’ensemble un scénario assez flou. Je pense en particulier à l’oncle frappé par une culpabilité telle que son doppelgänger lui apparaît soudainement à la suite du décès de son frère et de sa femme. Alors dans l’idée oui, c’est méga cool ! Mais dans la pratique… bordel qu’est-ce que ça vient faire là ?????

On passe finalement d’une histoire à l’autre sans vraiment comprendre ce qui peut bien les relier entre elles et au moment d’arriver à l’explication ultime du « pourquoi les fantômes ils sont tous méchants », c’est un flop total.
Le spectateur est gratifié d’un épisode exceptionnellement leeeeeent qui nous explique d’où vient le fameux fantôme du Lac et pourquoi il est trop vénère, et franchement, cette histoire est si décevante ! Elle est tombée malade, a été tuée par sa sœur, cherche à retrouver sa fille et tue tous ceux qui se trouvent sur son chemin les jours où elle décide justement d’attendre son enfant devant son lit. Mouais… je ne suis pas convaincue.
Ce fantôme était flippant, intriguant et je pense qu’il y aurait vraiment eu matière à le travailler tout au long de la série pour faire gagner le scénario en suspense, intrigue et intensité. C’est vraiment dommage !

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Pour finir sur une note positive, là où certains ont pu voir une vision très gnagnan, j’ai trouvé à cette série un côté assez poétique qui mérite d’être souligné (cela dit, c’est peut-être mon côté très fleur bleue, va savoir). Chaque relation amoureuse qui s’y développe peint quelque chose de très fort et spirituel entre les personnages. Des liens que rien ne pourra ébranler, pas même la mort. La présence des fantômes appuie ce sentiment et rappelle au spectateur que certaines choses peuvent être éternelles si elles sont suffisamment fortes. Par le biais de la violence de certains personnages, Flanagan rappelle que haine et amour sont des sentiments tellement proches qu’il est parfois complexe voire impossible de les démêler. Il dit lui-même à ce sujet : « Il existe un lien merveilleux entre une histoire d’amour et une belle histoire de fantôme. Les deux sont intimement liés. En tombant amoureux, chacun de nous donne naissance à un nouveau fantôme. »
Et en réalité, c’est franchement joli ! La réflexion qui en résulte garde un côté très mélancolique et romantique, cherchant à répondre à cette ultime question : « les personnes qui meurent nous quittent-elles réellement ? ». Réponse que Flanagan nous apporte avec brio à la fin de la série et qui m’a je dois l’admettre beaucoup émue. The Haunting of Bly Manor se termine donc sur une touche de pure poésie qui comble tant bien que mal les manques scénaristiques ressentis au cours de l’intrigue.
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Un bilan mitigé donc pour la série The Haunting of Bly Manor, qui possède tous les ingrédients de la réussite mais qui n’est pas parvenue à bien les mélanger pour offrir un résultat final aussi bon que le premier opus. C’est une série qui reste tout de même très agréable à regarder et qui saura vous émouvoir si vous acceptez de vous laisser porter par les histoires de ses personnages. Un conseil donc : n’attendez pas de The Haunting of Bly Manor le grand frisson mais plutôt un voyage poétique au pays de la mélancolie, et vous risqueriez bien d’apprécier la manière dont le réalisateur l’a pensée.

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