BoJack Horseman : Why the long face ?

BoJack Horseman, c’est la série Netflix de l’été. Partant comme une satire classique du monde d’Hollywood et de la célébrité, la série entame assez rapidement une mue avant de devenir un conte philosophique incroyable sur le bonheur, la gloire, et l’héritage que nous laissons derrière nous.
Déprimante à souhait, mais aussi très drôle, la série a sa place dans notre dossier des indispensables dessins animés pour adultes. Et je m’en vais vous narrer pourquoi !

The BoJack Horseman Story. Chapter 1.

L’histoire suit les déboires de BoJack Horseman, star Hollywoodienne ayant joué dans une sitcom familial, Horsin’ Around, dans laquelle il incarnait un cheval adoptant trois enfants. 20 ans après le succès de son show, Bojack ne fait rien d’autre que se saouler et vivoter dans sa luxueuse demeure d’Hollywood. Oui, vous pouvez le considérer comme un Charlie Sheen équestre.
Son dernier projet en date est d’écrire son autobiographie, sauf que le bonhomme est aussi prolifique qu’un troll de l’antre en période de vacances.

Du coup, rien ne s’écrit, et la maison d’édition lui impose une Ghostwriter (désolé de l’anglicisme, mais notre mot français est dégueulasse), Diane Nguyen, qui va le forcer à révéler ses blessures, et à dresser un portrait de lui amenant notre étalon à remettre en perspective ses décisions passées, et sa vie au sens large. Voilà pour les prémices de notre histoire, et ce qui constitue l’intrigue de la première saison.
Autour de notre beau BoJack gravite toute une palanquée de personnages truculents : Todd, son colocataire/squatteur humain, branleur vivant des aventures folles à chaque épisode ; Princess Carolyn, une chatte partageant les casquettes de petite amie et agente de l’équidé ; sans oublier Mister Peanutbutter, un labrador voisin de BoJack et mari de Diane, que le cheval ne peut pas supporter pour des raisons qui apparaissent assez vite évidentes.

Si notre aventure démarre comme une satire déjà vue et rerevue de la vie à Hollywood, la série s’en éloigne assez rapidement. En vérité, à partir de l’épisode où Hollywood devient Hollywoo, après que BoJack ait délogé la lettre D de sa célèbre colline (pour des raisons purement égoïstes), le show se transforme en un véritable conte philosophique, où chacun cherche la réponse à ses névroses et le chemin vers le bonheur et la plénitude. Que ce soit Princess Carolyn, Bojack, Diane, ou même Todd, tous vont à un moment ou à un autre se remettre en question et chercher un sens à une vie qui ne les satisfait plus. Et parfois ça donne lieu à des épisodes qui touchent la corde sensible de n’importe quel être humain avec un peu de vécu dans les pattes, et de regrets dans sa vie. C’est à dire, une immense majorité d’entre nous.
Je pense ici par exemple à l’épisode Downer Ending, qui n’a laissé absolument personne indifférent, ou encore aux deux derniers épisodes de la saison 3, qui dans le genre dépressif, se posent là…

Doublages et patte graphique

Tous nos personnages se voient attribuer une belle brochette de doubleurs (en V.O., comme d’hab), en commençant par BoJack, doublé par l’inénarrable, le sublime, l’immense Will Arnett, à la voix rocailleuse si reconnaissable. Ancien d’Arrested Development où il incarne sans doute le meilleur personnage de la série, c’est aussi la voix de Batman dans les films Lego.

Todd est lui doublé par Aaron « BITCH ! » Paul de Breaking Bad. Hooray !

Diane est quant à elle doublée par Alison Brie, ancienne de Community, excellente série que je vous recommandais déjà en parlant de Rick & Morty, mais que je vous rerecommande maintenant. Et je n’ai aucun remord.


La musique qui a bercé mes premières années de fac.

C’est sans parler des très nombreux guests que se tape la série, de J.K. Simmons, en passant par Lisa Kudrow, Olivia Wilde, Liev Schreiber ou encore Patton Oswalt, sans oublier les nombreuses stars jouant leurs propres rôles, que ce soit Daniel Radcliffe, Margo Martindale, Paul McCartney, Naomi Watts, j’en passe…
Bref vous m’aurez compris, le casting est cinq étoiles.

« In this terrifying world, all we have are the connections that we make. » BoJack

Du côté du style graphique, on a affaire à du cartoon classique, assez simpliste et aux couleurs acidulées et très flashy, ce qui tranche totalement avec le sujet profond de la série et les questionnements assez négatifs de nos personnages. Voir une chatte rose bonbon ressasser les échecs et actes manqués de sa vie, ça vaut son pesant de pesos, juste pour pouvoir ressortir cette phrase au cours d’un dîner ou sur un site rédactionnel à vocation culturelle.

Zootopia 18+

Mais depuis tout à l’heure, vous m’entendez parler de chevaux, de labradors et de chattes. Parlerais-je de zoophilie de façon détournée ? Du tout !
J’ai tout simplement oublié d’aborder une originalité importante de l’univers de BoJack, mais qui a du vous sauter aux yeux d’après toutes les images et extraits éparpillés dans cet article : la série se déroule dans un monde où les animaux sont tous anthropomorphisés. Ce qui amène bien entendu bon nombre de blagues et de jeux sur ce à quoi pourrait ressembler la vie quotidienne d’un monde rempli de bestioles bipèdes intelligentes, mais toutes très différentes. En cela, la série est à rapprocher d’un Zootopia, l’aspect adulte, dépressif et parfois cradingue (le bonjour aux Lémuriens) en plus.

De plus là où Zootopia omet certaines questions pourtant capitales dans un monde où les animaux vivent tous en « harmonie », BoJack les aborde de front. Par exemple, d’où vient la viande ?
Un épisode de la saison 2 traite directement de cela, en s’attaquant au passage à une célèbre chaine de Fast Food originaire du Kentucky, dans un cynisme assez morbide.

Mais la principale force de ce monde anthropomorphisé, ce sont toutes les blagues qui se font à partir de la race de nos personnages : Mr Peanutbutter a une haine farouche des postiers, adore les décapotables, et a un comportement de fidélité, de gentillesse et de loyauté envers ses proches tirant parfois sur la débilité. Exactement comme un vrai chien.
Les Abeilles sont les ouvriers/maçons du monde, tandis que les Lémuriens sont assimilés à des junkies notoires, à cause de leurs grands yeux dilatés.
Beaucoup de cet humour passe d’ailleurs par l’arrière plan, ou, alors que nos personnages discutent, des gags assez bien trouvés se déroulent dans le feutré.

C’est qui le bon toutou à son pépére ? Hm ?

The Legend of Zoë and Zelda : A BoJack to the Past

Comme mentionné plus haut, les thèmes abordés par la série sont assez nombreux, de la recherche du bonheur à l’héritage que l’on souhaite laisser.
Chaque saison s’intéresse d’ailleurs à un thème fort qu’elle explore : la première s’attache à la recherche du bonheur pour les gens programmés pour être malheureux, thème souligné par l’allégorie de « Zelda et Zoë ». Dans l’ancienne série de Mr Peanutbutter, Zelda était une jeune fille enjouée, solaire et extravertie, là où Zoë était… Le contraire : une introvertie cynique, et plus sombre dans son regard sur le monde.

Force est de constater que beaucoup de personnages de la série peuvent se ranger dans une des deux catégories : Todd et Mr Peanutbutter sont clairement des Zelda, là où Bojack, Diane, et Princess Carolyn sont des Zoë.
Il apparait alors impossible à certaines personnes, les Zoë, d’être heureuses, car toujours à ressasser les choses et à se questionner sur leur existence et leurs choix, plutôt qu’à profiter de la vie et du moment présent, comme les Zelda.
BoJack en est l’exemple parfait, lui qui courait constamment après la célébrité et la richesse en pensant qu’elles allaient lui apporter le bonheur, avant de se rendre compte tardivement du mirage qu’étaient ses ambitions.

Dans la saison 2, BoJack et les autres Zoë de la bande inspectent tous leurs décisions passées, à se demander si oui ou non, la vie qu’ils ont mené jusqu’ici, est bien celle qu’ils désiraient. Celle qui correspondait le plus aux espoirs et aux attentes qu’ils portaient en eux.
Bref, ils remettent tout en question et parfois très violemment, comme c’est le cas pour Diane, qui se retrouve être une paumée totale, ou pour BoJack, qui se convainc que la solution à tous ses problèmes se trouve dans son passé qu’il s’empresse de rejoindre en courant, abandonnant tout au passage, y compris son plus grand rôle. 

Finalement la saison 3 s’intéresse plus particulièrement à l’héritage que l’on laisse derrière nous, que ce soit la gloire et notre nom au pinacle de l’histoire, ou plus simplement des enfants, ou encore des souvenirs dans la mémoire de nos proches.
La thématique de la filiation est ici beaucoup plus poussée que dans les saisons précédentes, particulièrement avec l’épisode Fish Out of Water, épisode muet et absolument grandiose se déroulant dans une cité sous marine de l’Atlantique, et où Bojack se voit contraint de s’occuper d’un bébé hippocampe (seahorse en anglais) tout au long de son aventure océanique.

Toujours sur ce thème de la filiation et de l’héritage, il y a aussi la relation de BoJack avec Sarah Lynn, actrice qui incarnait sa fille adoptive à l’écran il y a 20 ans, et avec qui il entretient aujourd’hui des rapports tumultueux. Relation qui finit, vous l’aurez deviné, mal. Tristement mal.

BoJack Horseman est une série dépressive au plus haut point. Suivant le parcours d’un cheval anthropomorphisé, auto-destructeur et paumé, la série aborde bon nombre de thèmes assez peu joyeux, mais qui nous permettent de remettre en relief nos questionnements personnels. Tout en nous rappelant que le plus important, c’est d’avancer, encore et toujours.

It gets easier.

Narfi

Narfi a été accueilli au sein du Cri malgré sa nature de troll des forêts du Périgord, une sous espèce cohabitant rarement avec ses cousins des plaines Limougeaudes (Petrocore constituant la seule exception connue des Trollologues) Crasseux et vulgaire, poète dans l'âme, il aime à rester au fond de la tanière pour lire des bédés et jouer sur son PC, insultant de sa bouche pleine de poulet frit tous ceux croisant son chemin dans les dédales des internets.