Seul sur Mars, solitude spatiale

En ce moment je ne sais pas pourquoi j’ai une marotte ; c’est l’espace. Est-ce que ça a été stimulé par Rogue One ? Je ne sais… ou plutôt je n’espère pas car cela signifierait que ce film peut inspirer quelque chose. Non, j’exagère, il n’est pas si terrible, il est juste insipide. Non, c’est peut être davantage à cause d’Interstellar, oui, un film stimulant celui-là, avec de véritables idées de cinéma et de mise en scène. On y suit un ancien pilote qui part dans l’espace pour trouver une planète habitable afin de sauver l’humanité finissante sur une Terre à bout de souffle. Et surtout une œuvre qui expose de façon relativement pédagogique les grandes théories de la physique actuelle. Imaginez comme programme une mise en image de la relativité générale d’Einstein confrontée à la physique quantique et vous aurez la grande et inaccessible théorie du Tout comme socle du scénario. Vertigineux.

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« Dans l’espace personne ne t’entendra péter », Flavius, 2016

Bienvenue dans les étoiles

En tout cas j’ai pris le parti de voyager un peu dans l’immensité silencieuse du cosmos. Quand on y réfléchit deux minutes l’espace est un thème très présent dans le cinéma, depuis que Georges Mélies a collé un projectile spatial dans l’œil de la Lune. La raison ? La même qui a poussé les Grecs et d’autres avant eux à lever les yeux vers les étoiles et se demander ce qu’il peut bien s’y passer. Les constellations se sont vues donner des noms de créatures mythologiques, de héros et toute une suite d’Histoires servirent à se donner une représentation tangible du ciel. Les philosophes, eux, posèrent les premiers les bases d’une conceptualisation scientifique des planètes et des étoiles, expliquant la révolution des astres, calculant la rotondité de la Terre au moyen d’ombres et de puits. Ératosthène puisque c’est de lui dont il s’agit eût l’idée de mesurer la projection des ombres à Alexandrie et Syène plus au Sud, permettant ainsi d’obtenir un angle et de mesurer le rayon d’une Terre que l’on sût dès lors ronde et en se trompant de façon minime sur le résultat. Ils sont forts ces Grecs.

eratosthene_mesure_terreLe cinéma, lui, offre cette possibilité fabuleuse de s’affranchir des contraintes technologiques par quelques astuces, et de permettre d’aller jusqu’où l’imaginaire peut nous porter. Mais ce n’est jamais sans, là aussi, comporter des défis d’ordre technique. Quand Kubrick réalise son Odyssée de l’espace il s’agit pour lui de représenter à l’écran une gravité reconstituée dans un anneau rotatif. Comment scotcher au sol un bonhomme dans de telles conditions ? Le réalisateur et son équipe s’y arrachent les cheveux pour nous offrir l’abolition des contraintes du réel de notre époque, enfin des années 60. Puis Star Wars est passé par là et a révolutionné les effets spéciaux au moyen d’idées avant-gardistes. Caméras fixées sur des grues motorisées, objectif mobile autour d’une maquette pour simuler ses mouvements, utilisation d’ordinateurs… sont quelques-unes des idées de l’équipe de Lucas, rendant les combats aériens dynamiques. Du jamais vu à l’époque. Il est certain que de nos jours l’arrivée des images de synthèse à grandement facilité le travail… mais aussi rendu le spectateur plus exigeant, plus expert dans la détection des subterfuges de truquage. On le remarque dans le phénomène Gravity ; ce qui marque dans ce film n’est pas tant l’excellence de son scénario ou sa profondeur métaphysique ou psychologique comme dans le cas du film de Kubrick, mais bien la magie de l’image, son illusion supérieure permettant une immersion instinctive du spectateur dans le vide spatial.

Question d’images

Mais attention, l’emploi récurrent et automatique des images de synthèses finit par tomber parfois dans une facilité non-avenue. Aussi brillantes soient-elles, elles finissent par ne pas faire suffisamment tangible et se transforment progressivement, à mesure surtout que la technique progresse, en mauvaises bouillies de pixels. Les regrettables préquelles de Star Wars en sont de vibrants exemples et c’est sans doute aussi ce qui a poussé J. J. Abrams a réutiliser des méthodes de truquage plus traditionnelles, mêlées aux CGI afin de donner un cachet plus léché et concret à son film. Et effectivement d’un point de vue visuel c’est une franche réussite. Pour le scénario… moins… genre moins moins. Parce que si le bougre a donné de façon pertinente dans le traditionnel en matière d’effet spéciaux, il s’est vautré dans la facilité putassière en matière de récit, nous proposant un produit calibré, rempli de ce qu’il a pensé comme des clins d’œil et qui sont en fait d’énormes appels du pied lancés par un routier ivre en excès de liquide séminal.

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Un bel exemple de décor tangible ensuite retravaillé par ordinateur

Ridley…

Or donc effectivement j’ai la tête dans les étoiles et pense continuer ainsi encore un moment. Il y a matière et je pense que le prochain sera 2010, l’année du premier contact. La suite du film de Kubrick, réalisé par Peter Hyams, dont une émission du Fossoyeur de films vient de me rappeler ce matin même que je me suis procuré le DVD il y a quelques temps déjà. C’est un peu le syndrome des films restés sous blister et qu’on accumule par souci de thésaurisation culturelle, et puis on oublie joyeusement de les regarder. On se retrouve tous devant notre PC à se dire : « bordel, je regarderais bien un film ce soir… mais quoi ?…» Et puis on bulle de sites en sites à la recherche d’une idée, on va sur sens critique pour consulter des listes et puis on s’égare, on se disperse et on échoue sur une page wikipédia à se documenter sur la reproduction des palourdes en mer de Chine inférieure… Quoi, ce n’est qu’à moi que ça arrive ce genre d’aventure ? Mais je vous merde… Bon, je ne rentre pas à ma maison comme disait le philosophe, mais gare hein, j’ai ma petite susceptibilité quand même.

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C’est une palourde royale… pas ce à quoi vous pensez, satires !

Bref, où en étais-je. Oui, il fallait que je vous parle d’un film de l’espace… Oui, voilà, j’y viens, un certain Seul sur Mars de l’inénarrable Ridley Scott, le génie qui a accouché de Blade Runner et Alien et la tanche de rivière bourbeuse qui a gerbé Prometheus et Robin des boisCe mec doit être un des plus gros schizophrènes de cette foutue planète avec un côté malin éclairé et un côté couillon frontal, et force est de constater qu’il est souvent resté coincé dans la niaiserie depuis des lustres. Si j’ai trouvé Gladiator et Kingdom of Heaven tout à fait corrects je suis nettement plus dubitatif pour ce qui a suivi. Et je ne pense pas être le seul. D’Exodus je n’ai vu qu’une bande annonce et mes globes oculaires ne s’en sont toujours pas remis… Alors bon, il m’aura fallu une chronique de Yannick Dahan disant de Seul sur Mars que c’était le premier film de Scott regardable depuis longtemps pour me décider à y jeter un petit coup d’œil curieux. D’autant que je suis dans l’élan du spatial et j’ai déjà vu Mission to Mars, Ghost of Mars et Last day on Mars… Autant continuer à arpenter le relief aride et tourmenté de la planète rouge. Bon, accompagné de Scott c’est un peu comme y aller avec un Soviétique ivre qui rote mouillé dans sa combinaison spatiale… Cela ne remplit pas de sérénité. Or la bande annonce est correcte, Matt Damon est un bon acteur et en plus il y a la sublime Jessica Chastain présente déjà dans Interstellar. Qu’est-ce que je risquais ? Pas grand-chose. Je me suis donc collé les miches dans mon fauteuil, je me suis emmitouflé dans un gros plaid en pilou, je me suis fait un thé (noir nature du Kenya avec un nuage de lait ; les vrais savent) et j’ai lancé le machin.

Ô dilemme ennemi

Et là moment de doute… Je regarde la durée du film ; 140 minutes à potentiellement se faire chier ça fait un peu réfléchir. Avec le cinéma c’est pas les exemples qui manquent. Me revint en mémoire dans un flash brutal la purge Warcraft. Un moment que je décrirais comme une singularité, une parenthèse de mon existence. Vous savez c’est comme quand vous avez un peu honte pour quelqu’un et que vous devez quand même sourire de façon protocolaire. Cela me fait toujours l’effet d’un dîner avec des gens que l’on connaît à peine et que le tonton raciste se lance dans une tirade sur l’inégalité des races. Eh bien, la même impression quand j’ai vu à l’écran des bonhommes en armures rutilantes de plastique, coiffés comme des chanteurs pour midinette évoluer dans un univers de cartoon bariolé. Lancinante, émergea dans ma région rectale une douleur ; c’était le déchirement brutal des 10 euros donnés pour admirer cette connerie vaguement cinématographique. Ma seule consolation fut un numéro d’Opération Frisson dans lequel Dahan extermina la bouse à coup de lance-roquette. Ô plénitude. Or là… s’il s’avérait que je déteste, je n’aurais même pas cette consolation, juste un timide « c’est pas si pire » de Dahan. Devrais-je aller glaner du venin sur Chronicart ? Le site de la critique pédantesque où l’arrogance du propos le dispute à la vacuité du fond ? Ô dilemme, ô terreur culturelle.

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Yannick Dahan

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Alors… je l’ai vu… je suis arrivé au bout. Qu’en penser ? Je crois que, très sincèrement, allez vous faire votre propre opinion, on en discute dans les commentaires.

Flavius

Le troll Flavius est une espèce étrange et mystérieuse, vivant entre le calembour de comptoir et la littérature classique. C'est un esthète qui mange ses crottes de nez, c'est une âme sensible qui aime péter sous les draps. D'aucuns le disent bipolaire, lui il préfère roter bruyamment en se délectant d'un grand cru et se gratter les parties charnues de l'anatomie en réfléchissant au message métaphysique d'un tableau de Caravage.

Lâche ton cri

  • 9 février 2017 at 22 h 17 min
    Permalink

    Moi j’ai adoré Arrival.

    Bisous

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