Sushi : une autre manière de conter

Raconter une histoire à un enfant, on ne dirait pas comme ça, mais c’est tout un art. Évidemment, tout le monde est très capable de poser son fessier devant un ou plusieurs gamins, livre en main, et de lire des mots qui s’enchaînent de manière horriblement monocorde. Mais si vous voulez que les enfants soient captivés, qu’ils en retirent quelque chose (et pas simplement une envie d’être ailleurs), là c’est une autre paire de manches. On travaille le ton, on se met dans la peau des personnages, on n’hésite pas à faire de grands gestes pour mimer les actions. On peut aussi, pour ceux qui aiment les expérimentations, changer de support.

Si je vous parle aujourd’hui de Sushi, ce n’est pas juste pour la qualité de l’histoire mais surtout parce qu’elle utilise une technique encore peu connue dans la patrie du camembert (bien que les bibliothèques et les intervenants en crèche et autres nids d’enfants l’utilisent de plus en plus) j’ai nommé le

KAMISHIBAÏ

Kamishibai EstampeCeci est un kamishibaï. En son sein repose une estampe, « La Grande Vague de Kanagawa » qui vous donne un indice quant à la provenance de l’objet

C’est quoi, ce kamibidule là ?

Et oui, le kamishibaï (littéralement « pièce de théâtre sur papier ») nous vient tout droit du Japon de la fin du XIXème siècle et est arrivé chez nous dans les années 1970. Le concept est très simple : on s’arme d’un butaï, une sorte de mallette en bois qui se déplie en petit théâtre, et on y glisse une série images que l’on fait défiler au fur et à mesure que l’histoire avance. L’arrière de la mallette est évidé, car derrière les dessins se trouvent la dite histoire ainsi que toutes les indications nécessaires pour bien la raconter. En effet, à la différence d’un livre dont on tourne simplement les pages, les images du Kamishibaï peuvent s’enchaîner différemment. Selon les indications de l’éditeur dans le texte, il faudra parfois passer à l’illustration suivante très lentement, parfois d’un seul coup. Il arrivera même qu’on ne doive l’enlever qu’à moitié, pour masquer une partie du dessin suivant qu’on ne fera apparaître qu’un peu plus tard (pour faire durer le suspense, par exemple). 

Note : Le jeu vidéo japonais Black Knight Sword empruntant énormément à l’univers du conte, il n’est pas étonnant de voir ses cinématiques présentées comme un kamishibaï

1280px-Kamishibai_Performer_In_JapanL’un des tout premiers super héros japonais, Ogon Bat, est né dans un kamishibaï

Il est donc nécessaire de préparer son histoire avant de la raconter, si l’on ne veut pas que les petits « jeux d’images » prévus par l’éditeur ne s’écroulent lamentablement. Entraînez-vous devant un miroir, testez votre compétence sur quelqu’un de votre entourage, mettez-vous l’histoire en tête pour plus de fluidité. Il serait dommage que vous proposiez une expérience inédite à vos lardons mais que vous ratiez la totalité de vos enchaînements. Car quand les enfants arrivent devant cette petite mallette de bois d’apparence anodine, ils ne se doutent absolument pas de ce qui les attend. D’expérience, une bonne partie de la magie opère dès le démontage du butaï, lorsque les ailettes se rabattent et qu’apparaît, devant leurs petits yeux glauques, la toute première image de l’histoire au milieu de ce théâtre Transformer.

Revenons à nos poissons

Passons maintenant si vous le voulez bien au titre de l’article : Sushi. Vous êtes néophyte dans le monde du kamishibaï et vous ne savez pas avec quelle histoire charger votre engin ? Si je puis me permettre, les aventures de ce petit poisson jaune seront parfaites pour débuter, autant pour vos jeunes spectateurs que pour vous.

sushi
Oui, Sushi est un poisson. C’est drôle, non ?

Voilà donc la chronique d’un jeune poisson qui ne sait pas quoi faire de ses deux nageoires. Un jour qu’il fait des bulles à coté de sa copine l’étoile de mer, celle-ci lui apprend l’existence d’un caillou magique qui chasse l’ennui. Ni une, ni deux, Sushi part à l’aventure tête baissée, sans aucun indice ni quoi que ce soit. Il est comme ça, Sushi. Durant son périple, il croisera de nombreux personnages tels que la pieuvre, la petite tortue et même le méchant barracuda. Je ne vous spoile pas la fin parce qu’il y a un putain de twist, mais si ça vous démange tant que ça, il y a des vidéos sur youtube avec l’intégralité de l’histoire racontée.

Alors pourquoi Sushi et pas autre chose ? Et bien parce que les « jeux d’images » dont je vous parlais précédemment sont nombreux et extrêmement réussis : les allers et venues du barracuda en chasse se traduisent par exemple par le va-et-vient de son illustration dans le butaï. Il arrive aussi quelques fois que Sushi croit avoir trouvé la pierre magique (l’image n’est dévoilée qu’au quart) mais qu’elle se révèle être en fait tout autre chose (on finit de révéler l’image pour découvrir ce que c’était réellement). Bon, il faut avouer que la qualité des dessins (exceptionnelle) y est pour beaucoup, et il n’est pas rare d’entendre des « Ooooh » d’admiration lorsqu’apparaît la pieuvre, magnifique.

sushi crâne
Il faut reconnaître une certaine qualité dans le dessin

Attention ! Comme je le conseillais plus haut, n’hésitez pas à vous entraîner avant de produire Sushi devant un public. Bien que l’éditeur ait tracé des traits derrière les illustrations, nous aidant ainsi à bien les placer, il vous faudra quand même vous habituer au gabarit de votre butaï. Tous les modèles ne sont pas identiques, ce qui fait que les repères pourraient être un peu décalés (je le sais, je me suis fait avoir).

10742718_10204115763826704_824066312_oL’histoire trop mignonne de ce petit poisson jaune est donc un excellent moyen d’aborder l’art délicat du kamishibaï. Simple, joli et fascinant pour les enfants grâce à ce système de jeux d’images, ce conte est néanmoins indissociable de son outil. Sushi est livré avec un support butaï en carton qui montre vite ses limites, aussi ne pourrai-je que vous conseiller de vous en procurer un véritable si vous désirez continuer dans cette voie, voire de vous en fabriquer un pour les plus bricoleurs.

Petrocore

Tout comme Narfi, Petrocore est issu de la sous-espèce des Trolls du Périgord (d'où son nom). Il se nourrit de tout ce qui passe à sa portée du moment que ça a été cuit dans de la graisse d'oie, voire de canard. Parce qu'il aime le gras, Petrocore est surtout versé dans la musique métal brutale et toutes sortes de produits faisant preuve d'un bourrinisme sans failles ou d'un humour pas fin.

Lâche ton cri

  • 14 novembre 2014 at 14 h 36 min
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    J’ai assisté une fois à une représentation de Sushi (le petit poisson, hein, je dis pas que je suis allé dans un resto japonais) et c’est vrai que le support change absolument tout, quel plaisir de pouvoir voir les images en même temps que l’histoire plutôt que d’attendre que le conteur ait fini de lire avant de pouvoir apercevoir brièvement une image fixe lorsque celui-ci retourne le livre pour le montrer aux enfants. Ici, ça bouge, c’est original et c’est magnifique! J’en garde un très bon souvenir! Comme le dit Petrocore, à essayer au plus vite!

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