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Teen Titans Go!, ou quand Cartoon Network dynamite DC

Aaaaaah septembre… Les vacances qui s’éloignent, les jours qui commencent à raccourcir, les intros de Roufi qui sentent bon le marronnier… Je pourrais divaguer sur l’odeur des cahiers neufs, l’impatience de voir si on est dans la même classe que ses copains ou la mélancolie inhérente à la chute des feuilles brunies qui nimbent le monde d’un tapis d’or et font briller mes yeux d’enfant, mais je crois que je vais péter le mesuromètre du lieu commun. Donc je vais vous parler de l’autre truc de septembre pour Roufi qui a 8 ans dans sa tête : le retour des dessins animés, wéééééééééé ! Non sérieux, j’étais trop contente de retrouver à la sortie des cours mes séries préférées. Ce qui, vous noterez la pertinence du passage du coq à l’âne et de la métaphore fermière, m’amène à mon sujet du jour : Teen Titans Go!.

Quoi c’est-y Teen Titans Go ! ? C’est une série d’animation américaine, créée par Aaron Horvath et Michael Jelenic et produite par Cartoon Network Studios. Elle est diffusée en France depuis 2014 sur la chaîne du groupe, 2015 sur France 4, et à peu près deux ans sur Netflix. La cinquième saison est sortie cet été, et la série compte maintenant 255 épisodes et un long métrage à son actif. Une ambiance sombre, des ennemis aux motivations complexes à combattre et une narration haletante ? Non, pas du tout. Et c’est tant mieux !

Éteignez-moi ce Batsignal que je ne saurais voir !

Je suis sûre que pour une bonne partie d’entre vous, lire « Teen Titans » a projeté le batsignal « DC Comics » sur les nuages de votre imaginaire. Vous aurez peut-être lu les comics, regardé la série animée Teen Titans, produite aussi par Cartoon Network et programmée par France 3 entre 2003 et 2008, ou l’adaptation en prise de vue réelle Titans sortie en 2018. Si on retrouve bien nos cinq héros des Nouveaux Jeunes Titans : Robin, Starfire, Raven, Cyborg et Changelin, je crains que la ressemblance ne s’arrête là. Car, et ce pour la plus grande joie de votre serviteuse (servitrice ?), Teen Titans Go ! se révèle être une bonne couche de franche rigolade étalée sur une épaisse tranche d’irrespect croustillant. Et les tartines, c’est le meilleur goûter du monde quand on sort du boulot. Si.

Je vous arrête tout de suite, je vais très peu parler du comics ou des autres adaptations. Je ne les connais qu’à peine voire pas du tout : je n’aurais donc pas d’analyse fine et audacieuse à proposer (bouuuuh !), je ne suis pas venue pour vous réciter une page wiki comme certains peuvent le faire sans scrupules en exposé (fais pas l’innocent toi là-bas, on sait) et je risquerai d’enchaîner boulettes et mauvaises interprétations alors que certains peuvent être très chatouilleux (épidermiques ?) quand on aborde leur univers préféré (je juge pas je suis pareille sur d’autres sujets).

Donc, pour ceux qui sont encore là, Grand 1 : à quoi ça ressemble ?

Les épisodes sont très courts, une dizaine de minutes environ. C’est du cartoon, donc c’est rythmé, très coloré et comme beaucoup d’autres séries, animé sous Flash. Ce n’est pas vraiment « feuilletonnant », car produit à une période où les chaînes sont très frileuses avec ça et préfèrent des épisodes détachés les uns des autres qu’on peut rediffuser comme on veut. Regarder dans l’ordre permet quand même de mieux comprendre certains clins d’oeils plus tardifs mais vous ne raterez pas de grands enjeux. Donc, sur le papier, on a un peu tous les critères de la série animée pour enfants lambda. Sauf que non, parce que c’est Cartoon Network, et si vous avez vu Gumball (mais j’en parlerai une prochaine fois), vous voyez vers quoi on se dirige. Non, vous ne voyez pas? Cliquez mes bons : 

Bon, vous l’aurez compris, on n’est ni dans le sérieux, ni dans le sombre, ni dans l’éducatif, ni dans le respect. L’humour est franchement absurde, mais la série se paie quand même le luxe de ne pas être totalement dépourvue de fond, et de ne pas prendre son public, enfants ou adultes, pour un idiot. Les auteurs ont le mérite d’aborder tout un tas de sujets sérieux avec un ton assez cynique, et c’est jubilatoire (par exemple, des titres parfois évocateurs comme : « le système métrique contre la liberté », « l’argent vous veut du bien », ou encore « le système pyramidal »). Je ne résiste d’ailleurs pas à vous mettre une petite chanson extraite de ce dernier, en anglais par contre :

C’est con mais c’est bon

J’ai lu (#wiki) que la version 1980-1996 du comics, créée par Marv Wolfman et George Pérez, met en scène « un groupe de jeunes adultes d’origines diverses dont les conflits internes sont aussi importants que leurs combats contres les vilains » et que « le thème des adolescents apprenant à assumer les responsabilités des adultes fut récurrent dans la série comics ». Teen Titans Go!, héritière sous champotes de ses aînés, se focalise en effet sur la vie quotidienne en colocation des cinq adolescents, régulièrement interrompue par la nécessité de défendre Jump City des super vilains qui la menacent. Il y a peu d’enjeux entre les personnages, à part quelques amourettes ou rivalités prétextes à du n’importe quoi et la morale héroïque est régulièrement mise à mal, les héros n’hésitant pas à ravager Jump City pour le principe de casser du vilain, parce que leurs jambes musclées ont pris le contrôle de leurs esprits ou que c’est le black friday. Si Robin essaie régulièrement de les rendre responsables, il n’y arrive jamais et il s’agit plus d’une nouvelle occasion pour les scénaristes de se moquer de ce qui est censé être raisonnable ou sérieux en soulignant les limites de la bien-pensance et du système. 
La série prend plaisir à jouer avec les codes narratifs des histoires de super-héros, mais ne s’y limite pas : elle s’amuse aussi avec ceux du western, de la série noire, du jeux vidéo… Et comme ses attributs de série Cartoon lui permettent beaucoup d’économies malignes en terme de fabrication, elle peut se permettre une liberté graphique foisonnante dans de nombreux épisodes. On sent qu’il y a un vrai plaisir à déformer la matière plastique de la série, qu’il s’agisse du physique des personnages ou de l’identité visuelle globale, pour faire de gros clins d’oeil aux spectateurs.

Cette liberté fait vraiment partie de l’âme de la série, tout en étant parfaitement jubilatoire pour le spectateur. Les personnages ont d’ailleurs régulièrement conscience de leur état de personnage, ce qui leur permet de mourir ou se blesser sans conséquences et de se transformer à l’envi. Véritable pendant du jeu visuel, la musique occupe aussi une place prépondérante dans la série, nous gratifiant de nombreux petits clips là aussi complètement débiles et drôles qui restent dans la tête plus que de raison. Et ça, moi, j’adore. Mon épisode préféré, 40%, 40%, 20%, repose d’ailleurs complètement sur la question de la musique, puisque Cyborg saoule tout le monde avec une chanson 80’s super kitsch (mais ô combien fabuleuse) qu’il passe en boucle parce que « le pouvoir de la musique » l’inspire. Toute ressemblance avec l’auteur de cet article n’est que fortuite évidemment, et non je ne connais pas « la nuit s’allumera » par cœur. Je ne résiste pas à vous en mettre un extrait, le premier de cette compile non-exhaustive de leurs meilleurs designs, allant du cartoon à l’ancienne au film d’animation de festival un peu trop léché : 

Crossover sur Jump City

J’ai lu à plusieurs reprises que Teen Titans Go! n’avait aucun lien avec les autres séries sur les titans. Or, s’il est vrai qu’il n’y a pas de continuité narrative avec le comics ou la série de 2003, les références pullulent néanmoins, et la série a tout à fait conscience de la famille à laquelle elle appartient. Les autres héros DC interviennent d’ailleurs régulièrement dans la série, et nos héros savent être des parodies de la série de 2003. Et c’est d’ailleurs en bonne partie sa liberté visuelle qui lui permet de faire le pont avec ses aînés. En témoigne cet extrait de Robin nous racontant ses origines : 

En dépit de ses atouts, la série semble avoir reçu un accueil assez mitigé. Son premier long métrage est sorti dans l’indifférence générale, principalement faute de la moindre communication à son égard, en juillet 2018. Le sujet ne démentait pourtant pas la volonté critique et parodique de la série : Robin y tente désespérément de convaincre Hollywood qu’il est digne d’avoir son propre film, sa propre franchise. À l’heure où les voix s’élèvent de plus en plus contre le mercantilisme de DC et Marvel qui enchaînent les sorties de films aussi rapprochées que possible pour exploiter jusqu’au trognon la rentabilité de leurs nombreuses licences, Teen Titans Go! to the movie en fait son sujet principal et s’en moque ouvertement, avec plus ou moins de subtilité selon certains, en brossant un tableau grotesque mais pertinent.  
Le premier long métrage ayant fait un four en France, sa suite Teen Titans Go! vs. Teen Titans ne sortira qu’en version digitale le 24 septembre (bientôt !) et en DVD courant octobre. Réalisé par Jeff Mednikow et produit par Marly Halpern-Graser et Jeremy Adams, il s’agira cette fois d’un crossover entre les héros de Teen Titans Go! et ceux, plus inspirés des codes animes et mangas, de la version de 2003, qui devront d’abord se battre en arène puis s’allier pour triompher des deux version de Trigon, le papa démon de Raven. Une première bande annonce, en anglais, et déjà disponible : 

Je n’ai pas l’intention de vous faire croire que Teen Titans Go! est une série incontournable, ou exempte de défauts. Mon objectif ici est simple : vous proposer un cartoon parfaitement con et très malin, marrant mais cynique, à vous mettre sous la dent pour combattre le blues automnal en un dimanche matin pluvieux ou une fin de journée en demi-teinte. Il est vrai qu’elle n’apporte aucune pierre à l’édifice DC, mais elle est jubilatoire par de nombreux aspects, en pur produit Cartoon Network. Ça reste surtout un très chouette produit d’animation, un objet qui s’amuse avec lui-même et rappelle au spectateur toute la variété et la densité visuelle des techniques animées. 
Si vous n’êtes pas complètement rebutés par ce que vous venez de lire et voir, je vous invite ardemment à regarder quelques épisodes, car il est difficile de rendre vraiment justice à tout ce que cette série comporte de grinçant. Dans la vraie vie quand je la recommande je trépigne un peu, j’empile les exemples et je dois avoir l’air un peu tarée, mais par écrit je vous dirai ceci : allez à la rencontre du lapin de Pâques le plus cringe du monde, des soirées pyjama de Gordon et Batman et de la danse du popotin, vous n’en sortirez probablement pas grandis mais vous vous serez fait des abdos en béton à force de ricaner. Et ça, ça n’a pas de prix.

Roufi

La Roufi est une variété angoumoisine (donc stylée) du Troll des campagnes. Elle aime le gros son qui tâche comme le gras sur la nappe, le vidéoludisme et le café sucré. Attention cependant, à chaque pleine lune, elle souffre de Kitschophilie et apprend la choré de "petite pomme". Armes : stylos, micro, vidéo, biscottos.