La rédac’ propose ses livres Post-Apocalyptiques
Pour changer un peu et parce qu’on sait aussi lire, cette fois-ci la rédac se lance dans un top livres post-apocalyptiques. Allez, on se retrouve à la librairie les trolls ?
Metro 2033
par Lazylumps
Eh oui les petits loupiots, vous avez sûrement déjà entendu parler de cette bête là. Métro 2033 est, à la base, un roman de Dmitri Glukhovsky qui a fait un tabac phénoménal en Russie avant de s’exporter et de devenir un bon gros jeu bien bourrin à base de kalachnikov, de radiations et de nouveaux nazis. Alors dit comme ça c’est sûr que ça peut faire un peu peur, mais attardez vous, je vous prie, sur ce petit ovni post-apocalyptique.
L’histoire se déroule vingt ans après un ravage atomique qui a bousillé le monde entier et rendu la surface du globe radioactive. Les quelques survivants de la population moscovite n’ont pu trouver un refuge adéquat que dans le métro (d’où le titre, bien vu sherlock !) où la survie se fait précaire. Organisés en « tribus » ou micro-sociétés, on les découvre dans ces longs tunnels et de stations en stations. Certaines sont « libres » et sont des repaires de truands et de marché noir, d’autres sont contrôlées par des fous furieux du 4ème Reich qui rêvent d’un renouveau nazi, d’autres encore sont dirigées par les fanatiques du culte du quatrième Ver… Enfin, certaines sont purement et simplement abandonnées, dans lesquelles des créatures bien étranges semblent sortir de failles de la surface pour prendre possession de l’obscurité des lieux.
Nous allons suivre Artyom, un jeune de la station VDNKh parti en quête d’aide et de vérité dans ce dédale kafkaïen après une attaque brutale de créatures (les « Noirs »). Avec des compagnons aguerris et rompus aux combats, les célèbres Stalkers, il va plonger petit à petit dans un monde au bord de la folie et va tenter d’avertir la Polis (Whoop whoop assassins de la la polis ! ahem…), seule confédération de stations qui se bat pour un avenir meilleur. Bref, le roman de Glukhovsky est une sacrée découverte, assez déroutante tant par l’écriture que par le scénario alambiqué. Je recommande donc pour ceux qui cherchent un roman de mystères radioactifs et d’obscurité malveillante ! Sinon, vous pouvez aussi vous mettre au jeu qui commence à dater, mais qui était très bien foutu et qui s’est vu accoucher de plusieurs suites tout aussi bonnes.
Je suis une légende
par Nemarth
Loin, très loin de la malheureuse adaptation cinématographique (uniquement quelques scènes au début du film sont à sauver pour l’ambiance qu’elles dégagent) Je suis une légende de Richard Matheson est un récit d’une puissance narrative inégalée. Le livre nous compte l’aventure du tout dernier homme sur Terre dans sa lutte quotidienne pour ne pas faire disparaître son espèce au profit d’une nouvelle humanité, nocturne et agressive rappelant non pas des zombies mais des vampires, les pouvoirs surnaturels en moins.
Si le récit possède une temporalité très précise, les thématiques qu’il aborde sont quant à elles tout à fait intemporelles. La question de la Fin, la vraie, le bout du bout de l’apocalypse est omniprésente, à quoi bon lutter si on est le dernier ? Quel espoir reste t’il ? La culpabilité, aussi, celle paradoxale du survivant, pourquoi Robert Neville, notre héros lutte alors qu’il n’a plus de famille, plus d’amis ni de voisins et que ceux-ci l’appellent toutes les nuits à les rejoindre ?
Ne prenez cependant pas peur, c’est bien d’une aventure dont on parle, toutes ces questions métaphysiques sont distillées dans une histoire très pragmatique. Le livre ressemble à un journal découpé en plusieurs périodes qui montrent la progression du personnage, comment il a (re)construit sa maison en la transformant en bunker anti-vampire, comment il passe ses journées à aller chercher vivres et connaissances, ses tentatives plus ou moins fructueuses d’adopter un chien errant et comment il passe ses nuits contre cette nouvelle humanité qui ne compte pas le laisser tranquille.
Suspense haletant ponctué par des moments extrêmement touchants Je suis une légende s’impose de lui même dans cette liste des livres post-apocalyptiques par cette incroyable capacité à combiner réflexion métaphysique et suspense insoutenable. Comment l’Humanité va t’elle finir ? Lisez-le et vous aussi vous saurez.
La Route
par Bolchegeek
Le monde est mort. Genre vraiment. Plus rien ne pousse, la faune est dégommée, le climat en veut à ta vie. Le monde est mort de chez mort. Et nous suivons un père et son fils sur la route, cherchant à rejoindre l’océan sans trop savoir en quoi ça pourrait les sortir de là. La Route, c’est la face la moins sexy du post-apo : ni bagnoles vrombissantes, ni punks fous, ni animaux mutants rigolos. Ça vous dégoûterait presque de la fin du monde, tiens.
« Tu peux venir, fiston. La voie est libre : aucun signe de fun à l’horizon. »
Il faut dire que le style de Cormac McCarthy, génie derrière No Country For Old Men, est d’une austérité à déprimer un spartiate. Les figures de style, c’est du luxe. Ici on aime les courtes phrases déclaratives au présent avec un point bien net à la fin. Pas de guillemets pour les dialogues, même pas un petit « s’exclama-t-il d’un air printanier », juste un enchaînement de répliques, de pensées et de faits posés là en mode « c’est tout ce que vous avez besoin de savoir ». Quand on n’est pas habitué, ça fait un peu bizarre. « Il fait ça. Il prends ça. Il se lève. Il te bouscule. Tu ne te réveilles pas. Comme d’habitude. » Mais bordel, qu’est-ce que ça fonctionne bien…
La rudesse de l’écriture s’accorde parfaitement à ce monde sans vie, tristement, affreusement, désespérément crédible. Tout le livre tourne autour de la survie et de la relation entre un homme et le fils qu’il fait tout pour protéger avec la ferveur de l’illuminé qui n’a plus rien d’autre à perdre. Ils ne sont même pas nommés, c’est vous dire le niveau d’épuration (oui comme les stations).
« Je devrais poser le livre mais j’ai très envie de savoir s’ils vont trouver des chaussettes avant d’assister à une atroce démonstration des pires choses dont une humanité en perdition est capable »
Un film de très bonne facture et à l’interprétation impeccable en a été tiré mais échoue là où il ne pouvait remplacer un bouquin, à savoir raconter presque chaque heure de chaque jour de ce périple, dans un déroulé éprouvant où le moindre détail est un enjeu. Car la seule chose qui importe, c’est la survie et elle tient à si peu. La Route égraine chaque trajet et ses conditions, chaque repas et chaque inventaire des comestibles, l’état de chaque pan de tissu vital pour se protéger du froid, de la marche incessante ou des éléments. Ça peut rebuter, expliqué comme ça, et pourtant, ça tient de l’état de grâce : car en lisant La Route, vous allez franchement vous inquiéter du temps qu’il fait et de la distance pour atteindre cette bicoque avant la nuit ; vous n’en aurez pas rien à foutre qu’ils mangent une demi-boîte de haricots (mais pas cuits parce qu’il n’était pas sûr de faire du feu) et vous vous souviendrez jusqu’au prochain repas qu’il ne reste que l’autre moitié (mais que peut-être là ils pourront les faire cuire ! youpi !) ; vous serez tenu aux tripes par des histoires de chaussettes usées et trop mouillées qui gèlent leurs pieds en sang, au point de rêver qu’ils tombent enfin sur une paire de chaussures même trop petites. Vous allez vivre l’état de fatigue, de maladie et de satiété comme si vous aviez des électrodes branchées sur les protagonistes. Alors imaginez ça dans des moments plus extrêmes encore, où la morale est profondément questionnée et où on assiste au pire comme au meilleur de l’humanité.
La Route peut sembler être l’antithèse du fun. Ça tombe bien : c’est ce qu’elle est. Mais c’est ce qui fait d’elle une expérience d’immersion intense qui dénude pour une fois le post-apo de son folklore habituel.
Ravage
par Flavius
S’il est un ouvrage avec lequel j’entretiens des rapports étranges, mais dans les limites des bonnes mœurs, c’est bien celui-là. A la fois j’adore son ambiance, son scepticisme et ses véritables qualités immersives, et à la fois je reste très dubitatif concernant son/ses messages qui sentent un peu trop l’idéal idéologique et la naphtaline conservatrice à base de « la tradition il n’y a que ça de vrai ma bonne Lucette ».
Mais venons-en au fait. Cet ouvrage décrit l’effondrement violent d’une société moderne technologique après un black-out électrique complet. Le thème de notre extrême dépendance à la technologie et au confort plus largement est très commun dans de nombreux courants de pensée, au moins depuis l’Antiquité. Antisthène et Diogène ne préconisaient-ils pas un affranchissement total des bien matériels pour libérer l’homme de son asservissement ? Barjavel revisite ce rapport de dépendance et fait suivre à son héros, vivant dans un Paris surpeuplé de l’année 2052, une véritable quête initiatique dans un monde en voie d’effondrement. C’est la portion de l’ouvrage que j’ai le plus apprécié. On ressent toutes les rudesses d’un retour à l’état de nature, toutes les calamités d’une brutale rupture d’avec nos habitudes d’existence et nombre d’aspects qui en découlent immédiatement. Barjavel a su nous pousser à l’identification avec son héros, à nous amener à nous questionner sur notre propre rapport à une catastrophe similaire et à notre attachement inconscient aux biens matériels, consubstantiel de notre société.
Finalement l’ouvrage est une bonne anticipation sur certains aspects (même si l’auteur n’avance que peu d’idées sur l’informatique par exemple) puisque depuis son époque, 1943 tout de même, notre attachement à des objets est devenu beaucoup plus prononcé, notamment en ce qui concerne les télécommunications. En conséquence c’est avec encore plus de profondeur que l’on peut en aborder actuellement la lecture afin d’admirer la prégnance de ce que certains philosophes appelleraient notre aliénation. Néanmoins la dernière partie de l’ouvrage, la reconstruction et ses règles, ne sont clairement pas ma tisane. Le contexte dans lequel est paru l’ouvrage a laissé penser à des sympathies vichystes ; je ne me lancerais pas dans ce débat et vous laisse seul juge. Ce que je peux en dire malgré tout c’est que le recours aux bonnes vieilles traditions d’antan n’a jamais été une réponse absolue mais bien davantage une chimère d’un retour à un âge d’or fantasmé, derrière lequel l’humanité cours depuis des lustres…