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Dans un jardin qu’on dirait éternel

Initialement sorti au Japon en 2018, Dans un jardin qu’on dirait éternel aura mis deux ans à nous parvenir et à atterrir dans nos cinémas en août 2020.

Difficile d’ailleurs de comprendre comment un film comme Dans un jardin qu’on dirait éternel a pu se retrouver dans les salles obscures de Limoges. Tout transpire le Japon dans ce film qui est véritablement un éloge du temps qui passe. J’étais donc content de le voir diffusé, qui plus est en version originale sous-titrée, dans un cinéma plus habitué à passer des blockbusters que des films plus confidentiels. 

Affiche française du film. Source : allociné.

Dans le jardin de Kirin Kiki

La raison est peut-être l’actrice principale, Kirin Kiki, qui campe ici le rôle de la maîtresse de la cérémonie du thé : Takeda-sensai. Très connue de longue date au Pays du soleil Levant, il aura fallu attendre le film franco-germano-japonais (oui tout ça) Les Délices de Tokyo ( An dans sa version originale) de Naomi Kawase, en 2015, pour qu’elle se révèle aux yeux du grand public dans nos contrées. Kirin Kiki y jouait là encore le rôle d’une vieille dame tendre et transmettant son savoir (en l’occurrence dans ce film la préparation de la pâte de haricots rouges Azuki, la pâte « An ») à un plus jeune, abimé par la société, préparant des Dorayakis sans grande passion.
 
Dans Un jardin qu’on dirait éternel, sa prestation, est, comme dans tous ses films, magistrale et pleine de justesse. Elle offre là sa dernière prestation, son dernier film car elle s’est éteinte en septembre 2018, quelques mois après la sortie initiale du film. Et certains passages sonnent réellement comme des conseils à la jeune génération ou prêtent à sourire comme lorsque dans le film elle se demande en riant si elle atteindra les 100 ans. Hommage à une grande dame en filigrane. 

« Chaque jour est un bon jour » 

L’histoire est à l’image du film : simple mais pas simpliste. Deux cousines, Noriko et Michiko, essayent de trouver leur place dans la société japonaise. L’une est d’un caractère explosif et franc et l’autre plus réservée, introvertie. Âgées d’une vingtaine d’années, par curiosité et par jeu au départ, elles vont décider d’apprendre la cérémonie du thé auprès de Madame Takeda. Pour l’une, Noriko, ce rite va devenir une partie intégrante de son épanouissement personnel. 

Maître et élève (Copyright Art House)

 

Le rythme du film est très lent, très contemplatif. Cela fait quelques années que je suis habitué à ce style de réalisation nippone où le silence, les gestes, les non-dits, sont autant de dialogues que le parler véritable. Mais j’avoue que, pour le spectateur non averti, cela peut déconcerter. La cérémonie du thé est filmée de telle façon qu’elle retranscrit cette répétition d’une cérémonie millénaire ultra-codifiée, où chaque geste doit être répété, où chaque enchainement est une succession de mouvements millimétrés, précis et aussi inutiles en grande partie aux yeux d’une des protagonistes. « C’est cela l’art du thé » répondra Takeda Sensai qui, au fil des saisons, ne cessera d’apprendre ces gestes à ses élèves. Manipulations et répétitions changent au fil des saisons et la connexion avec les éléments naturels fait partie intégrante de ce qui est vécu à ce moment-là. La partie technique est d’ailleurs assez bluffante car filmer dans un espace aussi restreint qu’un pavillon de thé a demandé un placement des caméras et des lumières bien réfléchi.

Ce film ne triche en aucune façon, il raconte une tranche de vie, avec un rythme très lent et qui parfois s’accélère brutalement, comme la vie elle-même, par des évènements qu’on ne peut contrôler mais que nous devons traverser pour continuer. Sur ce point je dois avouer que transportés dans le rythme zen et calme des cérémonies du thé, ces événements brutaux sont autant de low-kick qui prennent aux tripes car justement ils sont inévitables. 

En cela le film a eu l’intelligence d’utiliser peu de superflu, se transformant presque en huis clos. On s’attarde rarement sur les autres personnages et on se concentre sur les principaux protagonistes dans leurs perceptions, leurs évolutions et leurs ressentis personnels. La transmission et l’accomplissement sont ainsi, dans ce film, des éléments centraux. Le fil rouge est amené par les nombreux messages des Kakejiku, ces rouleaux de parchemins qui contiennent dessins et calligraphies que l’on accroche dans l’alcôve prévue à cet effet. Ils constituent à la fois des étapes visuelles de la progression de Noriko mais sont également les supports de compréhension de son propre cheminement intellectuel. Le film commence quand elle lit  « Chaque jour est un bon jour » et la réponse ne sera comprise que bien plus tardivement, par la répétition, par la pratique et par l’ouverture au monde. À l’heure où j’écris cela je ne sais pas s’il y a un équivalent pour la cérémonie du thé mais au sabre cet état s’appelle « Zanshin » et peut se traduire par « l’esprit demeure », la « vigilance », faire attention au lieu, faire attention à l’autre, faire attention au monde autour. Ressentir et ne pas trop se poser de question, « laisser faire » car « c’est comme cela l’art du thé » comme le dit Madame Takeda.

À ceux qui ont déjà pratiqué des arts martiaux je ne peux que dire que beaucoup de passages du film vont vous parler. La mémoire des mains, le fait de ne pas intellectualiser chaque geste, mais la laisser faire, sont autant des conseils donnés par Madame Takeda que des échos propre à ma pratique, du sabre notamment. En entendant certaines répliques, je me revoyais me faire enguirlander par mon propre sensai car « tu réfléchis trop, laisse faire tes mains, agis et répète les mouvements ». Il y a là des connexions évidentes et il est certain que ces passages parleront davantage à ceux les ayant déjà expérimentés, car la mémoire des gestes est effectivement d’une grande puissance. 

Le pliage du Fukusa, le morceau de tissu en soie qui sert à la cérémonie. Son pliage est très codifié. (source : mcjp)

 

À propos d’une autre œuvre, l’ami Pedro du Cri disait « c’est une œuvre qui vous change, qui vous grandit, et découvrir et apprécier une œuvre dépend étroitement du contexte ». Je ne peux que vous dire que si de son côté ce fut  Ce n’est pas toi que j’attendais , ce fut pour moi Dans un jardin qu’on dirait éternel. Confronté en ce moment à la frénésie du travail qui me parait de plus en plus dénué de sens, et avec un pont avec le Japon en train de se dessiner, sortir de ce film et me retrouver avec le masque sur la figure dans le centre-ville bondé me ramena vers cette folie que j’essaye pourtant de fuir. Et quand je regardai au-dessus de moi les affiches des films en salle je m’amusai de constater que côte à côte il y avait les deux extrêmes. À coté d’Un jardin qu’on dirait éternel, trônait l’affiche de Tenet. 

 

 

 

 

 

 

Véritable coup de cœur pour moi. Je partais déjà à cette séance confiant, sachant que j’allais certainement voir une œuvre au rythme très lent, mais ayant aimé des films comme Après la pluie (Takashi Koizumi) je m’attendais à cette ambiance calme, zen et apaisée. Je voulais également voir ce qui est la dernière pépite de Kirin Kiki et là encore je n’ai pas été déçu. Difficile de ne pas lire en filigrane les fruits de son expérience livrés à la jeune génération. Je recommande donc chaudement d’assister à une des projections ! 

Shal

Shal aime se nourrir de viande volante et observer les lumières dans le ciel, il a donc poussé sa croissance jusqu'à n'avoir plus qu'à tendre la main pour choper la volaille et les martiens. Sa taille équivalente à deux Narfi et un Petrocore et demi est pratique pour intimider les autres trolls qui lui arrivent à la ceinture au max de leur croissance. Toutefois il n'a toujours pas trouver le moyen de se curer les pieds sans faire de roulé-boulé. Ainsi va la dure vie du Shal.