Hellblade Senua’s Sacrifice : SENUA… OSKOUR !!!

Qu’allais-je bien pouvoir choisir de chroniquer pour cette semaine Folie ? Peut-être disserter quelques temps sur The Wall, malgré mes lacunes béantes en analyse musicale ? Parler d’un certain Dr Lecter, au risque de revenir au cliché du fou en tant que serial killer ? Ce que l’on cherchait d’ailleurs plutôt à éviter au cours de cette semaine. Non décidément, je ne savais pas sur quoi me lancer. Et puis, survint un petit rappel de mon cerveau reptilien, qui garde en mémoire les réflexes de survie les plus basiques (toujours frapper un Lazylumps à terre, ne jamais nourrir un Fly après minuit…). Me revint en tête un petit jeu qui avait marqué pas mal de gens pour sa direction artistique soignée et son propos assez novateur.
Hellblade, puisque c’est bien de lui que je parle, prend en effet le parti de nous conter l’histoire de Senua, jeune Celte avec quelques légers problèmes psychotiques puisqu’elle n’est pas toute seule dans sa tête. Avouez que ça faisait un bien beau sujet pour notre semaine spéciale. Ni une ni deux, voici donc la review de ce jeu indé à gros budget développé par les gars de chez Ninja Theory, et disponible sur PC, Playstation et Xbox !

Le cas Senua.

On incarne donc Senua, jeune picte originaire d’Orkney partant à l’assaut d’Hel, l’enfer des Scandinaves, afin d’y libérer l’âme prisonnière de son amant Dillion. Amant dont elle trimballe la tête fraichement décapitée par des Vikings partout avec elle. Oui la bonne ambiance est au rendez vous, et ce dès l’arrivée de Senua sur les rives d’Hel. Alors que la jeune femme remonte une rivière pour trouver un lieu où accoster, on observe des cadavres pourrir sur la berge…
Tandis qu’elle rame avec abnégation, les voix commencent à se faire entendre. La voix d’une narratrice d’abord, puis un trio de voix féminines, qui se questionnent, se moquent, encouragent ou rabaissent constamment Senua. J’insiste sur le constamment, puisque les moments de silence seront très rare dans Hellblade. Et autant vous le dire, si le jeu est sous-titré et totalement compréhensible par un non-anglophone, le sous-titrage n’est pas forcément à la hauteur, en loupant beaucoup (vraiment beaucoup) des disputes ou remarques que se balancent les petites voix. Pour le coup, une bonne maîtrise de l’anglais aidera grandement à profiter du jeu et de la folie de Senua.

Alas, poor Dillion ! I knew him, Horatio

Après quelques déambulations, on arrive près de la porte menant à Hel. Pour la traverser, il nous faudra abattre deux êtres de la mythologie nordique, respectivement Surt et Valravn. Et là, vous vous dites « Mais t’as pas déjà testé God of War la semaine dernière Narfi ? Pourquoi qu’il y a des créatures mythologiques à buter dans un récit où l’on dirige une psychotique ?… Oh… ».
Eh oui, lecteur. Après seulement quelques minutes de jeu, on comprend que la perception du monde que possède Senua diffère très grandement de la nôtre. Ce qui fait que l’on doute de tout ce que l’on voit, et de ce que l’on expérimente. On tente de comprendre les métaphores, on cherche les traces de traumatismes, on décrypte les miettes de vérité que l’on nous donne pour essayer de comprendre le récit à travers sa construction mystico-perchée. Par cette forme de narration assez libre et abstraite, plusieurs thèmes viennent s’enchâsser dans le récit, comme le rejet, le deuil, la folie, l’acceptation, et ce, avec une bonne grosse liberté d’interprétation laissée au joueur, ce qui est un gros plus.
Mais tout de même, on se serait bien passé de cette scène de fin putassière, avec une musique complètement hors contexte. Après un voyage aussi éprouvant, finir là-dessus n’est même pas décevant, mais juste rageant.

On va chez toi ou on va Senua ?

Mais à quoi ressemble le jeu dans tout ça ? Hellblade ressemble pas mal à un walking simulator, en cela que vous allez principalement passer votre temps à vous déplacer et à explorer les environs à la recherche de runes pour ouvrir les portes qui bloquent votre passage. Cachées au sein même de l’environnement (les ombres de poutres mal branlées, forment la rune une fois projetés au sol, ce genre de truc), les runes sont rarement difficiles à trouver, puisque leur présence est indiquée par de nombreux indices visuels.
Pour les addicts à la collectionnite, il vous faudra également fouiller les niveaux à la recherche de pierres runiques spécifiques, qui, une fois inspectées, vous conteront un récit mythologique nordique : que ce soit la mort de Baldr, Ragnarök, ou la création du monde à partir du corps d’Ymir.
En bref, si vous appréciez la contemplation et les voyages, la principale composante du gameplay est faite pour vous.
Sauf que.

Une des pierres runiques vous contant les aventures des dieux nordiques.

De temps en temps, des guerriers nordiques apparaitront comme par magie pour un petit peu de baston face à Senua. Et là c’est un poil ennuyeux, pour ne pas dire un véritable carnage.
Niveau commandes, on a droit à un bouton de parade, un bouton pour briser la garde, un coup normal, un coup fort. Classique. Le problème survient au niveau de la manière de cibler les ennemis, qui se fait sans indications, et qui est surtout obligatoire. En bref, à partir du moment où un ennemi se pointe, Senua le prend pour cible et se focalise dessus.
Le hic, c’est que lorsqu’un ennemi se matérialise dans votre dos pour vous mettre une patate à la surprenante, sans autre indication qu’un « Behind you ! » murmuré par une des voix de Senua, bah ça devient vite la fête à votre cul. Parce que si les premiers affrontements ne vous confronteront qu’à deux voire trois ennemis à la fois grand max, sur la fin, on se retrouve avec des mêlées absolument dégueulasses, où la caméra nous braque dans une direction alors qu’on a BESOIN de se déplacer librement, et pas de tourner autour d’un ennemi qui a quinze copains dopés aux stéroïdes à ses côtés.

Les Scandinaves, des êtres tendres.

Bref, le système de combat est angoissant, pas parce qu’on a peur de mourir de décès, mais parce qu’on a peur de devoir refaire un truc super chiant depuis le début si l’on venait à crever. Fort dommage, puisque c’est là le principal point noir d’Hellblade, qui aurait du rester ancré dans la contemplation et l’abstrait.

Craque pas, Senua !

Le plus gros point fort de Hellblade c’est donc son ambiance, qui passe particulièrement par le biais de vos tympans ! En effet, il est recommandé au lancement du jeu d’utiliser un casque pendant vos sessions, et ô combien je vous conseille de vous plier à cette simple demande des développeurs. Les voix qu’entend Senua, je vous le disais, sont constamment présentes. Les avoir directement dans les oreilles, à murmurer un coup à droite, la seconde qui suit à gauche, est une expérience forte et nécessaire pour bien profiter du jeu. Un passage du jeu se déroulera d’ailleurs dans un noir des plus complets, où seule votre ouïe vous permettra de vous guider réellement. En cela, le travail audio tant au niveau des bruitages qu’au niveau de l’architecture des sons et de leur spatialisation, est à saluer tant il participe à la réussite du titre.
Se faire insulter et traiter de moins que rien par toutes les voix qui passent, c’est un plaisir de masochiste mais que voulez-vous, on ne se refait pas !

Ma petite voix me dit que la grosse voix devrait arrêter d’embêter la voix bizarre qui plaît à la voix narquoise.

Rarement un jeu n’aura autant mérité le qualificatif d’expérience que ce Hellblade : Senua’s Sacrifice. Pas forcément plaisant à jouer lors de ses principales phases de gameplay, dépaysant dans ses moments de contemplation et d’interprétation, Hellblade s’en sort surtout par la manière qu’il a de nous présenter les luttes intérieures d’une psychotique rongée par l’angoisse et le deuil, mais aussi par sa réalité aussi distordue qu’inquiétante. On aurait pu se passer d’une fin putassière et mal branlée, mais comme le disent les Vikings : « L’important, ce n’est pas la destination, c’est le pillage ! » Ou quelque chose dans ce goût là.
En tous les cas, si vous voulez vivre une expérience unique pendant 7 à 8 heures, parfois malheureusement entrecoupée de combats à rendre fou un Grand Ancien (c’est comme une division par zéro), Hellblade est tout indiqué pour vous satisfaire !

 

 

Narfi

Narfi a été accueilli au sein du Cri malgré sa nature de troll des forêts du Périgord, une sous espèce cohabitant rarement avec ses cousins des plaines Limougeaudes (Petrocore constituant la seule exception connue des Trollologues) Crasseux et vulgaire, poète dans l'âme, il aime à rester au fond de la tanière pour lire des bédés et jouer sur son PC, insultant de sa bouche pleine de poulet frit tous ceux croisant son chemin dans les dédales des internets.

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