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Mr Robot : le coup de pied dans la fourmilière

Série d’été 2015, c’est un peu sortie de nulle part que la série Mr Robot s’est présentée aux télé-spectateurs de la chaîne USA Network plus habitués aux séries grand public (Monk, les 4400…). Le pari était donc de taille et c’est avec le talentueux Sam Esmail que l’aventure commence, mais au bout d’une saison on peut le dire sans détour : Esmail fait parti des nouveaux génies du paysage sériel.

La loi des deux mondes

Eliott est un hacker. Associable pirate de l’internet, il travaille de jour dans une compagnie de cyberdéfense et lutte la nuit contre les puissants pourris de ce monde. Il est un nihiliste, qui ne comprend pas les interactions humaines mais visualise en revanche parfaitement les vices et les failles de chacun d’entre nous. Du commun des mortels, il s’en contrefout. Lui ne veut que se venger de cette société qu’il considère bien plus timbrée que lui. Un seul grand ennemi : le Capital. Incarné à lui seul dans le conglomérat E Corp, qui deviendra aux yeux des protagonistes de l’histoire « Evil Corp » et qui contrôle le monde.

Toute ressemblance avec notre monde actuel serait BIEN ÉVIDEMMENT fortuite…

 

 

Alors qu’il se fait remarquer dans son job (AllSafeSecurity) pour un « debug » qui menace l’intégrité de sa boîte, il va alors parallèlement  croiser la route d’un inconnu qui va lui ouvrir les portes de la révolution, la vraie : Mr Robot. Mr Robot deviendra aux yeux d’Eliott ce messager, ce prodige, qui va sortir le petit Eliott de la solitude et lui faire entrevoir les possibilités d’un monde qu’il désire, d’une revanche qu’il recherche. Avec lui, les clefs de l’avenir semble être enfin entre ses mains, et les bad guys intouchables semblent enfin à sa portée. Car seul, on ne peut rien, mais ensemble, on peut faire tomber des murs que l’on croyait immuables. Accompagné par ce nouvel ami et par sa société de hackers, la Fsociety, on suit donc Eliott évoluer entre sa propre vie et son action virtuelle décisive.

Mais voilà, Eliott est psychiquement très instable. Habitué aux rendez-vous avec la psy et aux rails de morphines pour lutter contre la solitude, il s’enferme dans une posture au bord de l’implosion. Le tout alimenté par cet élan nihiliste qui l’entraîne plus loin dans la misanthropie.

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Alors oui, il y a bien Shayla, cette « éphémère », qui lui fournit sa drogue et qui incarne une détresse orpheline qui pourrait répondre en écho, en miroir, à la solitude d’Eliott. Et puis il y a Machine, la seule personne stable de l’entourage du gamin. Son amie d’enfance, celle qui le connait vraiment et qui est bien ancrée, elle, dans cette réalité, ce monde réel qu’Eliott fuit et ne veut plus comprendre. Elle est en quelque sorte la passerelle entre la bulle d’Eliott et le vrai monde. C’est en ce sens qu’elle reste son point d’ancrage, tout en s’éloignant de lui à mesure qu’il s’enfonce dans sa révolte intérieure et militante.

Voilà bien tout le piment de la série, qui jongle entre l’évolution de son personnage principal incarné par le renversant Rami Malek (précédemment révélé dans The Pacific dans le rôle du soldat Snafu) et la poursuite de sa quête, le grand hack révolutionnaire. Avec un rythme soutenu d’épisode en épisode on se laisse happer par l’intrigue proche de V pour Vendetta et par la psyché vacillante de ce héros ordinaire. Révolte numérique qui redistribuera toutes les cartes, voyage au bout de la folie … On ne pourra s’empêcher de comparer Mr Robot à certaines références incontournables que je ne pourrais pas citer ici sans vous spoiler sur la teneur de cette série.

MR. ROBOT -- "hellofriend.mov" Episode 101 -- Pictured: (l-r) Christian Slater as Mr. Robot, Rami Malek as Elliot -- (Photo by: Peter Kramer/USA Network)

On retrouve ici un sujet que l’on aime à voir traité, comme un cathartique besoin primaire : la lutte des faibles contre les puissants, ces demi-dieux de la religion argent qui écrasent le monde et restent intouchables. Effectivement, quoi de plus agréable que de suivre la croisade illuminée d’un jeune paumé qui n’a pour seul besoin que de « sauver le monde » avec ses armes à lui. Comme un David contre Goliath, l’ordinateur remplaçant la fronde ! En ces périodes de troubles où les libertés tendent à se réduire comme peau de chagrin et où le monde semble dangereusement partir en couille dans tous les sens, on aimerait être Eliott ou même le croiser, l’aider. Même avec ses faiblesses, il est ce qui ressemble le plus à un héros, ou oserai-je dire, un héraut qui apporterait une réponse concrète, une dose de chaos qui remettrait les jauges à zéro et tout le monde sur la même ligne de départ.
Finalement, pourquoi sommes-nous si accros à ces séries/films où les protagonistes mettent à mal l’ordre établi, plongeant la société entière dans un bordel nécessaire ? Au fond, ne l’attendons nous pas ce messie prophétique qui foutra un coup de latte dans l’immobilisme général ?

Mr Robot nous rappelle en quelque sorte, nous murmure, que le changement est encore possible. Mais qu’il fera mal. Très mal.

Déluge de talent

organize-fishIl n’y a que peu de séries qui m’ont réellement marqué d’entrée de jeu, comme une claque intellectuelle qui vous scotche à l’écran et vous pousse à dévorer, consommer la gourmandise comme un goujat. Mr Robot fait partie de ces séries-là grâce à une pertinence touchante et profonde qui vous fait vous interroger sur le monde dans lequel vous vivez. Tant et si bien que l’on se doit de la savourer pour en saisir toutes les aspérités.

Oui Mr Robot est une grande série et je la range volontiers à côté de la difficilement détrônable True Detective pour le frisson qu’elle m’a provoqué.

 

Tout au long de ses dix épisodes, on jubile d’entendre les monologues intérieurs d’Eliott dans cette société qu’il vomit, où les prophètes sont des pantins du Capital et les moutons sont guidés par leurs propres objets de consommation. Il crache sa bile sur un monde rongé et pourri par l’argent et le pouvoir sans jamais ouvrir la bouche, et consume sa solitude dans son seul repère : le piratage des données personnelles des gens qui l’entourent. Comme un noyé en manque d’oxygène, Eliott cherche désespérément à se nourrir des autres faute de pouvoir leur parler, échanger, aimer et vivre. Et devient bouleversant de fragilité.

Épaulé par des acteurs splendides comme le vieux baroudeur Christian Slater qui semble s’habituer au format série, ou encore la jeune Portia Doubleday qui s’illustre aussi, Rami Malek porte un premier rôle principal d’une grande classe, entre fragilité et force révoltée. Un rôle important, qui va à coup sûr faire décoller la carrière du jeune acteur bourré de talent.

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Mr Robot, de la finesse, de l’intelligence, du militantisme, de la profondeur, de la pertinence, de l’émotion, du talent… Une série accessible, importante et nécessaire.

Mr Robot prouve au terme d’une saison incroyable, que les séries sont définitivement des havres de créativité où le génie scénaristique peut s’exercer pleinement et en toute liberté et ce, même sur des chaînes câblées moins en vue que les grosses écuries comme HBO ou AMC.

Bref : un énorme coup de cœur, tout simplement.
À voir. Vite. Très très vite.

Et à ne pas oublier.

anonymous-psn-hacker

 

 

 

LazyLumps

Déjà petit, le troll Lazylumps collectionnait les cailloux. Après en avoir balancé un certain nombre dans la tronche de tout le monde, il est devenu le "Rédak' Chef" de la horde, un manitou au pouvoir tyrannique mais au charisme proche d'un mollusque. Souvent les nuits de délire on l'entend hurler "ARTICLE ! ARTICLE ! IL FAUT UN ARTICLE POUR DEMAIN".

2 réflexions sur “Mr Robot : le coup de pied dans la fourmilière

  • GrosseVerge87

    LazyLumps….. je suis là pour toi.

  • C’est tellement plein de talent que la crédibilité du truc (qui tient plutôt bien la route dans le premier épisode) ne devient même plus un critère au fur et à mesure des épisodes… C’est tellement supérieur dans le traitement vis à vis des autres séries/film sur le sujet que je n’ai eut quasi aucun remords à fermer les yeux sur les quelques ficelles un peu grosses !

    Le genre de série où après chaque épisode on a l’envie de pousser un gros « waaaaaaaaah ! » et d’aller le décortiquer façon « tu te rends compte, ils ont fait ça!!! » (mi-hystérique mi fasciné) avec la première personne qui passe.

    Un gros coup de cœur également, vous l’aurez compris.

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