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Le Roi Arthur de Guy Ritchie, un divertissement à la (dé)mesure de la légende

Vous savez, j’aime beaucoup l’exagération, vraiment beaucoup, surtout au cinéma. Voir des trucs immenses se mettre sur la tronche en détruisant des villes entières, ça me fait kiffer. Quand je vais au ciné, c’est pour en prendre plein les mirettes sinon j’ai tendance à considérer que je n’avais pas nécessairement besoin de me déplacer. C’est comme ça que je suis mais je ne pense pas être le seul ! Forcément, lorsque j’ai vu la bande annonce du Roi Arthur : la légende d’Excalibur je n’ai, bien sûr, pas pu m’empêcher de me dire : ça faut que je le voie au cinéma. (Pour être tout à fait honnête, ma première réaction a été de me demander comment on avait pu trouver les financements pour un projet aussi … casse-gueule, ça avait l’air à la fois très sympa et atrocement mauvais !)

À sa sortie donc, je me suis rendu non sans appréhension dans le cinéma le plus proche et là je dois avouer que je ne m’attendais mais alors pas du tout à ce que j’allais voir !

Omae Wa Mou Shindeiru

Le film s’ouvre tranquillement, comme la plupart des blockbusters actuels, sur un plan large nous montrant une tour moyenâgeuse dont le sommet s’allume tel un phare. Puis un texte défilant apparaît pour contextualiser le récit : « Pendant des siècles les Hommes et les Mages vécurent en paix, jusqu’au jour où le méchant sorcier Mordred vint pour casser les bouches des Hommes … »

Attendez… on peut revenir en arrière deux secondes, c’était bien une pyramide aztèque que je viens de voir juste à côté de la tour ? C’est quoi cette histoire des Mages et des Hommes ?

N-NANI ?? !!

Trop tard, pas le temps de réfléchir, un monstre géant est en train de piétiner des chevaliers en armures. Non, ce n’est pas un monstre c’est un … éléphant … de 200 mètres de haut… sur son dos, une pyramide, et à l’intérieur de cette pyramide le grand méchant Mordred avec des cornes qui balance des boules de feu ! BOOM ! BOOM ! EXPLOSIOOOOOONNN !!

VAS Y UTHER SAUTE SUR L’ÉLÉPHANT EN LAISSANT TOUS LES CHEVALIERS DERRIÈRE TOI !! YAAAAA ! BOOM ! BOOM ! EXCALIBUR QUI FAIT DE LA LUMIÈRE BLEUE ! ATTENTION LE MÉCHANT !! EXPLOSIOOOON !!

 

Alors à ce moment-là il vous reste deux choix : soit votre cerveau a cessé toute activité, est en train de dégouliner par vos oreilles et ce que vous voyez est le résultat des ultimes tressautements de votre raison. Soit vous comprenez que Guy Ritchie est en fait toujours un gamin de huit ans dans sa tête et qu’on lui a donné beaucoup trop de budget pour qu’il soit raisonnable.

On n’est toujours pas arrivé au titre du film et c’est déjà totalement nawak. Vous l’aurez compris, on ne va pas faire dans de l’historique. Heureusement, le film qui n’a aucunement l’intention de s’assagir par la suite fourmille de détails tout à fait pertinents et il en ressort une subtilité particulièrement inattendue.

Tu dois désapprendre tout ce que tu as appris

Moderniser les classiques est à la mode à Hollywood. La question reste cependant toujours la même : « moderniser, oui, mais jusqu’à quel point ? » Ceci étant dit, on a tout de même l’impression que Guy Ritchie ne se l’est pas posée bien longtemps. En allant au bout de sa vision, il pose ses noix sur la table dans un déluge d’effets badass et de costumes extravagants. Si on l’écoute dans le making of, il affirme avoir voulu enlever tout sentiment de noblesse à ses protagonistes. L’idée du chevalier courageux, preux, fidèle etc, ça a du charme mais aux yeux du réal, il n’existe rien de tel en vrai. Les actions ont par conséquent quasiment toujours des motivations personnelles égoïstes : pouvoir, séduction, argent, peu importe et c’est cela qui va donner de la profondeur aux personnages.

Des costumes historiques …

Finalement, à l’écran c’est exactement ce qui ressort : en faisant d’Arthur un gamin des rues élevé à la dure dans un bordel, il le transforme en petite frappe mafieuse, insolent et désinvolte, ses chevaliers sont des gens qui ont tout perdu et qui vivent cachés dans des grottes paumées au milieu de nulle part, et ses plus proches amis sont des villageois vivant sans le sou au jour le jour. Les méchants subissent d’ailleurs un traitement similaire, à part le personnage incarné par Jude Law, Vortigern, qui en fait des caisses, les ennemis d’Arthur sont des soudards qui font juste leur boulot.

Tous ces changements apportés à la légende contribuent à rendre tous les personnages crédibles malgré un contexte qui, lui, ne l’est absolument pas. La première comparaison qui vient en tête est alors Chevalier avec Heath Ledger et Paul Bettany où l’on retrouve cette même folie des costumes, ces comportements en totale inadéquation avec l’époque, une BO rock et un résultat beaucoup trop cool qu’on regarde avec énormément de plaisir. On pense également aux précédents films de Guy Ritchie, les deux Sherlock Holmes. Exactement comme pour les deux volets des aventures du détective, le Roi Arthur est un gigantesque pavé dans la mare de la mythologie arthurienne. Le réalisateur n’a que faire de la fidélité au texte, le coup des rageux qui pleurent parce qu’il n’y a pas Tom Bombadil, il s’en débarrasse à vitesse grand V dès l’introduction du film. Si pour vous le mythe arthurien c’est sacré et que vous trouvez déjà que Kaamelott, ça va trop loin, fuyez ! Par contre si vous êtes prêts à tout oublier et à monter dans la montagne russe qu’est ce film, vous ne regretterez pas le déplacement !

I’m not killing the king before he’s even become one !

La Mage est par contre bien classe

Il y a deux points sur lesquels j’aimerais m’entretenir un peu plus avec vous, la magie dans l’univers du film et sa musique. Commençons par cette dernière. La BO du Roi Arthur quand on regarde la bande annonce est d’un basique affligeant et on se dit qu’à l’écoute on ne sera absolument pas capable de faire la différence avec le reste des blockbusters actuels. Pourtant il s’agit en vérité d’une composition particulièrement ambitieuse de la part d’un musicien que je ne connaissais pas, Daniel Pemberton et dont j’aurai plaisir à suivre l’évolution.

La musique d’un long métrage nous donne le rythme et transmet les émotions au fil de la narration, c’est un outil extrêmement efficace pour qui sait un minimum en saisir les subtilités. Dans le Roi Arthur, la musique devient carrément la respiration du film. Les passages calmes de l’intrigue nous permettent de nous poser et de souffler un coup mais c’est quand on revient dans le feu de l’action que la bande originale prend toute son ampleur. On se retrouve avec une composition qui est littéralement haletante, on a l’impression qu’on va étouffer ou qu’on court comme des dératés avec nos joyeux lurons. Cette sensation presque désagréable nous immerge dans une histoire à bout de souffle dont l’urgence et le spectaculaire sont sublimés par des sons à la fois orchestraux et électro. L’empressement, le danger, la peur sont concentrés dans quelques mesures et ce n’est que lorsque Arthur se saisit d’Excalibur que l’on peut prendre une grande respiration avant de replonger dans la mêlée.

L’épée magique me permet une transition parfaite (t’as vu c’est comme si j’y avais réfléchi avant d’écrire) mais prenons tout d’abord quelques secondes avec elle. Moderniser Excalibur n’est pas forcément évident, d’autant que l’épée en elle-même dans les textes n’est pas franchement exceptionnelle, si on omet le côté « je révèle qui est le Roi ». Alexandre Astier s’est amusé à la transformer presque en sabre laser. Guy Ritchie a choisi une autre direction, plutôt que rendre la lame incroyable ou qu’elle soit indestructible, il décide qu’elle donnera à son porteur des capacités surhumaines. En effet si elle est tenue à deux mains, l’épée ralentit le temps (et donne des visions aussi mais ça je vous laisse regarder le film, je ne vais pas tout vous raconter) et augmente la force de son porteur de manière exponentielle. Cela donne un résultat très proche d’un jeu vidéo : on voit qu’Arthur saisit son arme à deux mains et on sait que ça va barder, à l’instar des jeux God of War ou Devil May Cry où l’on pouvait passer pendant quelques secondes en mode « vénèr » pour être bien plus destructeur. C’est très satisfaisant comme effet et dans le film, le sourire nous vient immédiatement sur le visage lorsque ça arrive.

Et un caméo de David Beckham… on n’est plus à ça près

Mais la magie n’est pas qu’effet de jeux vidéo, rappelez-vous, le film s’ouvre sur l’attaque d’un éléphant de 200 mètres de haut. Il s’agit là d’une magie assez originale. La plupart des films, pour symboliser la magie, vont faire des boules de feu ou des créatures mythiques. Dans le Roi Arthur, la nature est à l’honneur, certes toujours en version géante mais j’apprécie le fait qu’on ait réussi à se passer de griffons, dragons etc. Une chauve souris ou un serpent feront tout autant l’affaire, la part de mystère reste entière et la sensation de danger également. Et cela rappelle les contes avec leurs énormes serpents, loups ou autres aigles géants. La magie est animiste et cela la rend presque crédible tout en l’ancrant dans ce monde où les mages et les hommes sont deux peuples très différents, les premiers en communion avec la nature et les seconds bien plus industriels.

Avec son action menée tambour battant et ses personnages hauts en couleur, le dernier film de Guy Ritchie avait pourtant de quoi inquiéter. La bande annonce donnait effectivement l’impression d’assister à un énième blockbuster sans âme. Il n’en est finalement rien et le Roi Arthur, la légende d’Excalibur est une franche réussite. Porté par un casting fabuleux, un montage furieux et une musique à bout de souffle, ce divertissement de haut vol saura vous donner la patate, à une condition cependant : accepter le parti pris de l’adaptation d’un mythe résolument infidèle à son matériau d’origine.

Kung Fu George, chevalier de la table ronde

Nemarth

Cet individu est un gobelin fait homme. Hautement imprévisible, il représente un danger pour la Société. A éliminer à vue.

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