The Haunting Of Hill House : la série de l’angoisse
En ce mois de novembre, il était temps pour moi de vous parler frissons, cauchemars et angoisse. Quand la période d’Halloween bat son plein, de multiples séries ou films labellisés « horreur » font leur apparition pour le meilleur… et souvent le pire. Immenses clichés, surplus d’hémoglobine, mauvais acteurs; difficile de trouver une perle dans cette surenchère d’une frayeur qui n’en est plus tellement. Et c’est plus ou moins à ça que je m’attendais quand est apparue sur Netflix la série The Haunting of Hill House adaptée du roman éponyme de Shirley Jackson, créée et réalisée par Mike Flanagan. Une maison hantée ? Pouah quel cliché ! Encore une série au jump scare facile et au scénar moisi… J’avais rarement eu aussi tort !
https://www.youtube.com/watch?v=G9OzG53VwIk
Où suis-je ? Où vais-je ?
J’ai finalement décidé de me laisser tenter par ce mélange de drame familial et de fantastique, submergée par l’ennui d’un dimanche nuageux. Après tout pourquoi pas, sait-on jamais ? Courageuse mais pas téméraire – faut pas déconner non plus – je me suis tranquillement installée sur mon canapé avec une lumière de fond. Et dès les premières minutes, je me suis littéralement faite happée par cette étrange maison et la curieuse histoire de la famille Crain.
On ne sait pas trop à quelle époque nous sommes projetés, mais une chose est sûre, on est immédiatement plongé dans une ambiance sombre et stressante que seuls ces immenses manoirs aux couloirs interminables peuvent créer d’office. Enfin… moi perso, ça m’angoisse. Et puis, ils ont même rajouté des statues, ça fait peur les statues #doctorwho.
Cette ambiance est sans doute également due au fait que cette curieuse maison semble dotée d’une vie qui lui est propre… oui, carrément. Les différentes pièces se dévoilent à leur guise et surtout, cette immense porte pourpre refuse de révéler son secret et ça ben, ça fait flipper ! (bordel mais qu’y a-t-il derrière cette foutue porte rouge ?!!!)
Bref, il fait noir, il y a une enfant qui pleure et quelque chose semble scruter la scène dans la pénombre. Ou serait-ce mon imagination qui s’emporterait déjà ? Le papa rassure les enfants avec un joli petit discours, ferme la porte pour aller voir son autre fille – attends, ils ont combien de gamins ? C’est une secte ou quoi ? J’en ai compté 5 – et rebrousse chemin pour… refermer la porte de nouveau, hum subtil. On retrouve les enfants, on le sait, on va flipper, il y a un truc, on le voit à peine ça y est et… aaaaah mon dieu. Et non, pas de jump scare mais en à peine 7 minutes, le décor est posé. Nous avons rencontré tous les membres de la famille que nous allons suivre et le message est clair. Il y a quelque(s) chose(s) dans cette maison, vous êtes prévenu.
C’est après le générique – encore des statues … pas cool les gars ! – que l’on commence à comprendre (ou pas) la chronologie empruntée par cette série. Le choix aurait pu être risqué, mais au final fonctionne à merveille.
On va constamment être projeté dans plusieurs espaces temps pour pouvoir suivre simultanément le passé de la famille Crain au moment de leur séjour à Hill House et le présent qui dévoile la vie actuelle de chaque enfant devenu adulte. Il est donc très facile de s’y perdre quand vous suivez 5 personnages différents dans le présent puis une famille entière dans le passé. On avance, on recule, on revoit la même scène sous un point de vue différent, on recommence. Cette scène s’est-elle produite avant ou après celle que l’on vient de voir ? Difficile de savoir parfois mais peu importe, car à aucun moment cette série ne perd de sa cohérence. Et ça franchement, chapeau ! Je n’ose même pas imaginer à quel point les scénaristes ont dû s’arracher les cheveux afin de construire une histoire qui tient la route sans perdre des détails en chemin.
Ce choix scénaristique permet au spectateur de mieux comprendre chaque personnage. Quel élément précis du passé, traumatisme ou apprentissage a modelé l’adulte face auquel nous nous retrouvons maintenant ? En tout cas, il est apparemment clair que l’été passé à Hill House a déterminé de nombreuses choses dans la vie de la famille Crain. Alors, que s’est-il réellement passé ? Et surtout, que se cache-t-il derrière les épais murs de Hill House ?
Vers la mort et le deuil
Hormis les mystères qui entourent cette maison et la famille Crain, cette série parle avant tout de la mort (et de la folie… un peu quand même). Eh bien oui, encore une fois, il va être difficile d’y échapper. Entre les morts qui se transforment en fantômes et les morts qui le sont vraiment mais hantent les esprits des personnages, on est servi.
Alors oui c’est un classique, mais une piqûre de rappel ne fait pas de mal. La mort reste encore l’un des sujets les plus tabous de notre société et c’est d’ailleurs à cause de cela qu’elle fait encore si peur. Et aussi accessoirement parce que c’est difficile de savoir ce qui nous attend et qu’il est plus facile de susciter l’angoisse avec l’inconnu.
Bref, cette série parle ouvertement de la mort et du deuil, et j’en ai personnellement beaucoup apprécié le point de vue.
Le fait que l’une des filles de la famille tienne une maison funéraire propose une vision peu commune dans les séries (sauf dans Six Feet Under, certes…) et permet de lever le voile sur une certaine réalité du deuil. Car là réside tout l’enjeu de cette série.
Tant que cette famille n’aura pas accepté le décès de ses êtres chers, ses membres seront indéfiniment hantés par ce qu’ils refusent d’admettre.
Plus les personnages vont souffrir de la perte de leurs proches, plus les manifestations surnaturelles vont se multiplier. Un peu comme si les créatures obligeaient les personnages à faire face à leurs émotions les plus douloureuses et profondes.
Cette série est donc également l’histoire d’une famille, qui a beaucoup perdu et qui essaye de survivre aux événements tragiques qui l’ont accablée. En tant que spectateur, nous sommes donc témoins d’un processus complet de deuil et de toutes les étapes que les personnages vont devoir franchir avant de parvenir au but ultime.
En somme, une très belle leçon de vie qui n’est pas gâchée par cette angoisse constante, mais qui s’en trouve au contraire embellie. La peur ne fait pas oublier le fait que les personnages sont en deuil mais met en évidence que c’est un processus lent et effrayant qu’il est difficile, mais pas impossible, de surmonter.
Une belle histoire donc, qui parvient à toucher le spectateur qui, grâce aux multiples personnages dépeints, trouvera forcément celui auquel il pourra le mieux s’identifier afin de se laisser happer par la magnifique noirceur de cette série.
Je dirai que le seul bémol (oui, il en faut bien un) réside peut-être dans son rythme. Le fait que ce soit un drame familial suppose la présence de nombreux dialogues existentiels entre les membres de la famille Crain. Ils sont nécessaires certes, mais parfois un peu longuets, ce qui m’a valu une fois ou deux de scruter mes murs afin de détecter une éventuelle fissure.
Cependant, ces moments sont vites oubliés car les changements de points de vue ramènent vite le spectateur au cœur de l’action.
Hill House ou le festival de l’angoisse
Vous l’aurez compris, comme la majorité des histoires d’horreur bien ficelées, cette série n’est pas uniquement faite pour vous faire sauter de votre canapé.
Esprits et monstres sont utilisés pour capter l’attention du spectateur et ne sont en réalité que les représentations physiques des angoisses humaines les plus profondes.
Cette idée est extrêmement bien représentée dans The Haunting of Hill House. Durant mon visionnage, j’ai très vite constaté que les membres de la famille ne rencontraient jamais les mêmes entités de la maison. Ainsi, le petit Luke va faire face à un homme au chapeau melon (une créature que j’aurais crue tout droit sortie de mes peurs enfantines d’ailleurs) alors que la petite Nellie va subir les apparitions d’une femme au cou tordu. Je vais arrêter là mes descriptions, je vous laisse les joies de découvrir ces monstres par vous-même (et bonne nuit !).
Personne ne voit la même chose, tant et si bien que j’ai par moment douté de la réelle existence de ces créatures. Au final, j’étais clairement à côté de la plaque en me posant cette question et je l’ai compris vers la fin de la série. Réelles ou non, ce n’est pas la question. Chaque entité représente en fait une émotion, un état, une angoisse. Peur, mort, folie, temps, colère, culpabilité, dépression, les voilà les thèmes majeurs abordés qui sont à mon sens, les véritables monstres de cette histoire.
Enfin, intellectualiser tout ça c’est bien, mais quand on regarde une série « d’horreur » ce qu’on veut à la base ben… c’est avoir peur !
Je trouve difficile de juger du niveau d’angoisse procuré par un film ou une série car la peur reste propre à chacun. Tout dépend de vos frayeurs ou du niveau de stress que vous pouvez endurer avant de devoir vous cacher sous votre couette durant toute la nuit.
Pour ma part, j’ai toujours été une froussarde avec une grande imagination donc il est vrai que je me fais vite peur toute seule ! En revanche, j’ai quand même trouvé que les méthodes employées pour susciter peur et suspense étaient très bien utilisées. Pris dans le drame quotidien de la famille Crain et leurs conversations intenses, on en oublie souvent que l’on se trouve dans une série « qui fait peur », ce qui personnellement m’a valu des gros coups de flip que je n’avais absolument pas vu venir !
Au final, le jump scare est très peu utilisé et le cadrage ainsi que l’atmosphère très particulière suffisent aisément à créer une angoisse quasi permanente qui est fichtrement efficace ! On stresse pour nous ou pour les personnages, on ne sait plus très bien mais en tout cas on a peur et c’est top. Aucun détail n’est laissé au hasard dans cette série et le résultat est bien là. D’ailleurs, pensez à scruter les arrières plans, vous risquez d’être surpris…
Pour finir, j’ai trouvé l’apparence des créatures plutôt classique pour certaines (bien que toujours efficace) tandis que d’autres restent vraiment bien travaillées. Elles feront sans doute ressurgir à grands pas vos peurs enfantines.
Une série pleine de surprises donc. En revanche, si vous attendez une adaptation fidèle au roman de Jackson, vous pouvez d’ores et déjà passer votre chemin. L’histoire d’origine décrivant une exploration pseudo scientifique du manoir pour y détecter des événements surnaturels a été complétement remaniée afin de pouvoir la porter à l’écran. Personnellement, je trouve que cela ne gâche en rien la richesse de cette série qui a tout simplement décidé de privilégier un autre point de vue.
Si les films anciens ne vous effraient pas, je vous conseillerai de regarder The Haunting de 1964 afin que vous puissiez vous faire votre propre avis sur la question.
The Haunting of Hill House est donc pour moi un franc succès car cette série utilise à la perfection nos émotions les plus sensibles afin d’installer un suspense de l’enfer qui ne se relâche jamais, pour notre plus grand plaisir ! Les thèmes de la mort et du deuil sont abordés avec une grande justesse et apportent une dimension dramatique magnifique à cette histoire.
Face au succès remporté par la série, l’éventualité d’une saison 2 a été abordée. Cependant, Mike Flanagan précise aux spectateurs que si celle-ci a lieu, elle ne devrait pas impliquer les personnages de la première saison. Quel soulagement ! Car s’il y a bien une fin de série qui ne suppose pas une suite, c’est celle-ci et c’est vraiment bien comme ça.
Je ne pourrais donc que vous conseiller de vous plonger dedans. The Haunting of Hill House ne fera qu’une bouchée de votre témérité.
Lazylumps : Je suis une flipette. C’est un fait. Et j’adore me faire peur, car je suis un masochiste. The Haunting of Hill House me faisait donc de l’œil, mais pas trop, parce que les fantômes c’est quand même ma Némésis (avec les clowns, ces saletés). Bon, prenant mon courage à deux mains, je me suis lancé dans cette petite série qui s’avère être une grande réussite comme l’a dit Ams (Diam’s ?) tant visuelle, que scénaristique. En très peu de temps on s’attache à ces personnages écorchés de la vie qui trimballent leur lot de névroses et de surnaturel. Un surnaturel qui leur colle à la peau comme un vêtement mouillé, impactant jusqu’au fil rouge de leur vie. Chaque épisode se centre sur un personnage et on vit avec lui son enfance entremêlée avec son présent d’adulte. On se retrouve donc avec une bien belle narration qui nous projette dans le quotidien de ces traumatisés qui ont essayé de se construire comme ils ont pu après un « drame familial ». Et c’est bien là tout l’intérêt de cette série qui choisit de mettre en avant une reconstruction familiale tout en expliquant les traumatismes par le prisme du fantastique. Une sacré réalisation + une angoisse omniprésente = une vraie bonne série.
Narfi : Mes deux acolytes ayant déjà bien dégraissé la bête et donné des avis qui rejoignent le mien, je ne peux qu’également vous conseiller de regarder cette petite série d’horreur fort bien foutue. Pourquoi ? Comme l’a dit Ams, pour le rapport qu’elle fait entre les fantômes « tangibles » et bien réels, et les fantômes du passé de nos personnages. C’est à mon avis la plus grande réussite de la série avec sa réalisation. Je m’explique pour la seconde, qui a parfaitement su aller piocher ce qu’il fallait chez le Shining de Kubrick. Je pense à ces faux raccords volontaires mais très discrets pour créer un sentiment d’incertitude, ou à ces plans avec une focale qui exagère la profondeur de champ pour nous inviter justement à nous y perdre, à faire monter l’anxiété, et à nous faire des frayeurs quand on spotte un spectre dans un miroir. Pas de quoi hurler à s’en cacher sous la couette, mais drôlement efficace. Et ENFIN une œuvre cinématographique qui comprend l’intérêt du jump scare. Utilisé ici avec parcimonie (plusieurs épisodes en sont dénués), il n’en est que plus horrible quand il arrive à des moments complètements inattendus. Et donc parfaitement réussi. Bref, chapeau bas à la Maison Colline, c’est un carton plein !
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