Jeux vidéo

Doom Eternal : quand les développeurs ont des id

Si vous jouez un peu aux jeux vidéo, il ne vous aura pas échappé que l’une des plus légendaires licences du milieu, Doom en l’occurence, a fait un retour en fanfare en 2016. Brutal, nerveux, sanglant et bourré de fun, j’avais moi-même été subjugué par le boulot monstrueux opéré par id Software.  Il était évident qu’on allait pas s’arrêter en si bon chemin et voilà que 4 ans plus tard, Doom Eternal débarque sur nos PC et consoles avec la ferme intention de transformer l’essai et de bien montrer à tout le monde qui c’est le patron dans le monde du fast FPS ultra-violent.

Bourre l’arène

Nous revoilà donc aux commandes de notre bon vieux Doom Slayer, chargé de sauver la Terre de l’invasion des démons. Pas d’exorcisme prévu ou de longs rituels mystiques, la seule manière que connaît votre personnage pour contrer les sbires des enfers est de leur coller une tempête de plomb entre les gencives. C’était la grande force de son prédécesseur et Doom Eternal continue sur la même lancée : on a droit à des combats sans merci (et encore moins de s’il te plaît) où l’hémoglobine gicle au rythme des détonations de votre arme. La musique, toujours composée par ce génie qu’est Mick Gordon, s’accorde parfaitement au maelstrom de tripes qui va s’abattre sur votre écran et reste clairement l’un des gros GROS points forts du titre. Il y a pourtant une évolution notable dans toute cette tambouille ! Là où le Doom de 2016 laissait part… disons à votre « créativité », le système de jeu et les choix des développeurs vont vous obliger à aborder le combat sous un angle bien particulier.

Je vous présente le Gladiateur… C’est autre chose que Russell Crowe

La première chose qui va vous frapper, c’est que le Slayer peut emporter beaucoup moins de munitions dans sa besace et perd de la vie à un rythme surprenant ! Ce n’est pas une augmentation stupide de la difficulté, rassurez-vous, mais une altération du gameplay. Pour récupérer de la santé, il vous faudra faire des glory-kills, c’est à dire presser sur un bouton pour exécuter (de manière ultra-gore bien sûr) un ennemi étourdi par les shoots que vous lui aurez administrés. De la même manière, c’est en découpant vos adversaires avec votre compagne de toujours, j’ai nommé la tronçonneuse, que vous pourrez glaner ces fameuses munitions qui vous font tant besoin. Pour ce qui est de l’armure enfin, la combi du Doom Slayer embarque une petite nouveauté, le lance-flammes, qui fera lâcher aux démons incendiés de précieux bonus. Ça va, pas besoin de sortir de Saint-Cyr pour piger le truc… mais l’appliquer au beau milieu de bastons où ça pète de partout, c’est une autre paire de manches.

Doom Eternal rajoute ainsi à la brutalité crue de celui de 2016 un coté « tactique ». En plus d’identifier les cibles prioritaires, de devoir vous positionner pour les descendre tout en évitant les dizaines d’autres menaces, vous devez avoir en tête la gestion de ressources qui fondent à vue d’œil et que vous devez récupérer en trouvant des méchants à dessouder de la bonne façon. Pfouh, c’est pas évident je vous le dis ! Comme évoqué plus haut, le niveau de difficulté s’en voit considérablement revu à la hausse, et les premiers affrontements vont vous malmener tant que vous n’aurez pas pigé le truc. Bon en même temps, le jeu te sort des arachnotrons et des cacodémons dans le quart d’heure de début, ça aide pas non plus hein.

Rien de personnel mec, j’ai juste besoin de munitions

Dans le rayon nouveauté, on témoigne aussi de l’arrivée des points faibles sur certains ennemis. Défoncez la tourelle d’un arachnotron et c’en sera fini de sa mitrailleuse plasma, pétez les canons jumeaux d’un revenant ou d’un mancubus et son potentiel destructeur confinera au misérable, envoyez une grenade dans la bouche d’un cacodémon et vous n’aurez plus qu’à lui infliger un glory-kill pour vous en débarrasser beaucoup plus aisément, voici des exemples parmi tant d’autres. Non content d’approfondir encore le coté tactique des combats, les points faibles vous forceront à utiliser un plus grand éventail d’armes, là où certains joueurs de Doom 2016 ne lâchaient pas le fusil à canon scié depuis son obtention jusqu’au générique de fin. Je préviens cependant les consoleux : vous allez beaucoup plus galérer à viser précisément au stick que vos collègues pécéistes !

Mais alors est-ce que ça marche ? Et bien oui, l’immense majorité du temps. Le stress est encore plus intense qu’avant avec tous ces éléments à prendre en compte. On se surprendra à pousser un grand « ouf » à la fin de certaines batailles ultra corsées qui vous ont bien mis la tête à l’envers. D’un autre coté, il m’est aussi arrivé de devoir parcourir une arène de long en large pour dénicher un zombi tout pérave dans le seul but de le tronçonner, récupérer des munitions et pouvoir ainsi faire claquer le bouclier du Doom Hunter contre lequel seul le fusil à plasma est efficace. Bon, le fait est très très rare mais ça montre les quelques limites du truc. Si vous me le permettez (vous avez pas trop le choix) je vais aussi m’attarder sur un petit nouveau qui a fait couler beaucoup d’encre : le fameux Maraudeur.

Toi, tu rejoins le club très fermé des ennemis qui me font hurler de vilaines choses

Le Maraudeur est un peu différent de tous ses potes, en cela que vous allez devoir un peu tout mettre en pause pour vous occuper de lui. Alors c’est difficile, mais ça à la limite ça me dérange pas tant que ça, un peu de challenge ça fait plaisir. Non ce qui est vraiment casse-couilles, et je rejoins la cohorte des râleurs (pour changer), c’est que vous allez devoir vous adapter à son rythme, le bougre ayant la fâcheuse manie de repousser vos attaques du moment que vous ne les avez pas placées quand il vous charge à la hache en faisant briller ses yeux verts. Donc voilà on attend, on esquive, on attend… Ah ! il lance son attaque… Boum on tire. Puis on attend, on esquive… Lourd. Dans la catégorie trouvaille naze qui casse le rythme effréné des combats, ça mérite un Game Award ! Et ce n’est malheureusement pas la seule chose qui plombe l’harmonie de l’aventure.

Mario Maykr

Toutes sortes de bandes-annonces et de coups de comm’ ont émaillé les quelques mois précédant la sortie de Doom Eternal. On y parlait des bastons intenses bien entendu, et nous avons vu qu’on ne peut pas reprocher à id Software grand-chose de ce coté là, mais d’autres petites promesses ont titillé notre curiosité. L’une de celle qui m’a donné le plus d’espoir, c’est cette sorte de créature aux allures angéliques qui adressait des mots menaçants au Doom Slayer. Allait-on en plus des démons de l’enfer devoir affronter les forces du paradis ? J’avoue, ça aurait été un chouette retournement de situation avec des possibilités de nouveaux ennemis complètement délirants ! Au bout de quelques cinématiques, j’allais bien vite ravaler toutes mes aspirations.

Ah pourtant j’y ai cru…

Je vais pas y aller par quatre chemins : le scénario de Doom Eternal ne mérite pas un oscar. Il est fourni, plutôt pas mal écrit, il y a du travail derrière et on sent une réelle volonté de bien faire, mais il est bouffi d’un premier degré que je trouve vraiment hors-sujet quand on parle de ce gros jeu de shoot bien fun qu’est Doom. C’est une sorte de croisement entre de la science-fiction kitsch, du sous-Clive Barker et du style biblique qui rend le tout caricatural à souhait.  Y a quand même un niveau où tu es guidé par un espèce de loup fantomatique jusqu’à une salle du trône où un roi spectral à peine digne d’une quête secondaire de Skyrim te fait un sermon sur le fait que « tu ne peux pas tuer les prêtres de l’enfer car ils sont du même sang que les Sentinelles bla bla bla ». Arrêtez les gars. Remballez vos peuples antiques extra-terrestres et vos délires de guerrier prophétique légendaire, ça sent le renfermé et surtout ça n’a rien à foutre ici. Il semblerait pourtant que l’histoire ait été majoritairement saluée dans la critique professionnelle comme dans les commentaires des joueurs, et faut avouer -je le répète- qu’il y a eu un gros effort de fourni. Faites-vous votre propre idée là-dessus, c’est peut-être moi qui suis devenu aigri et blasé, mais vous irez pas dire que je vous ai pas prévenus en cas de gros facepalm.

Tant qu’on est dans les sujets qui fâchent (et cette fois j’en ai lu plus d’un grogner), parlons de ces longues phases de plate-forme qui jalonnent les niveaux de Doom Eternal. On avait déjà eu droit en 2016 à des séquences nous demandant de bondir tel un cabri de l’espace le long de canalisations, tout en haut d’un générateur ou que sais-je encore. Ces moments, assez nombreux, avaient le bon goût d’être relativement courts et surtout accompagnés d’affrontements en dehors des classiques arènes, ce qui était plutôt cool et rafraichissant. Il n’est plus question ici que de faire des doubles sauts et se hisser sur des surfaces, il faut aussi s’agripper à des barres pour se balancer, faire des charges en l’air, des doubles charges même, escalader des parois, nager etc. et tout ça sur des séquences qui occupent aisément 50% des niveaux (même plus si vous vous acharnez à récupérer les trouze-mille collectibles à l’utilité parfois discutable) . Non seulement ça peut être chiant sur certains passages, mais en plus c’est très TRÈS long ! Dans le genre cassure de rythme, ça se pose là. Ajoutons à cela des obstacles assez risibles pour parfaire le tableau, comme ces espèces de grandes barres de flammes tournoyantes rappelant plus un niveau de Mario Galaxy que l’un des sept cercles de l’enfer, ou ces rangées de canons à patterns dignes des meilleurs jeux d’arcade des années 80 : y a pas mieux pour bien ruiner l’immersion et nous rappeler de manière grossière qu’on est dans un jeu vidéo. 

It’s-a me ! Doom Slayer ! (Je vous jure que des fois on pourrait s’y méprendre)

Je ne peux pas conclure sans parler des graphismes du jeu et du soin apporté au design. Quelques fautes de goût mises à part (je pense à une séquence dans des immeubles bien terne et vilaine), c’est très joli. On se prendra à s’arrêter quelques instants pour admirer les jolis décors de montagnes en arrière-plan (pendant une phase de plate-forme relou par exemple, vous pouvez vous permettre) ou à pousser un « oooh » ébloui devant certaines architectures, genre la magnifique cité démoniaque de Nekravol. Votre vaisseau personnel, dans lequel vous pourrez vous rendre entre chaque mission, est aussi sympathique : il vous permettra de découvrir quelques bonus et de profiter de quelques-uns des collectibles que vous vous serez embêtés à dénicher. Dommage que vous n’y ayez plus accès à partir des deux tiers de l’aventure (sans rire, qui a eu cette idée débile ?). Ah et le multijoueur, j’ai failli l’oublier ! En même temps il est tellement anecdotique que personne ne m’en aurait voulu. Y a qu’un seul mode qui est pas folichon et même pas de Deathmatch ou de coop. Voilà, super.

Doom Eternal pousse sa formule dans ses retranchements en proposant aux joueurs des combats d’une rare intensité, bien plus difficiles et tactiques que la mouture de 2016 qui faisait pourtant déjà très fort ! Cette orientation, largement saluée, est pourtant  accompagnée d’autres éléments eux aussi beaucoup plus développés mais pas toujours pour le meilleur. Je parle surtout de l’exploration, bien trop présente et qui tacle clairement le rythme global, ainsi que du scénario, caricatural au possible. Si Doom 2016 sonnait un retour en fanfare du shoot violent en alliant simplicité et brutalité, ce qui lui permit de décrocher son macaron « coup de cœur » pour l’occasion, ce ne sera pas le cas ici au vu des nombreux soupirs et des quelques facepalms qui ont ponctué mon aventure. Je vous invite tout de même à vous pencher sur Doom Eternal : le jeu a reçu une montagne de louanges et je ne voudrais pas que mon article de vieux Périgourdin grincheux vous fasse passer à coté de ce qui reste somme toute un excellent jeu.

Ah par contre ces guignols de chez Bethesda ont réussi à saloper le boulot de Mick Gordon sur le CD de la bande-originale. Bravo les champions !

 

Petrocore

Tout comme Narfi, Petrocore est issu de la sous-espèce des Trolls du Périgord (d'où son nom). Il se nourrit de tout ce qui passe à sa portée du moment que ça a été cuit dans de la graisse d'oie, voire de canard. Parce qu'il aime le gras, Petrocore est surtout versé dans la musique métal brutale et toutes sortes de produits faisant preuve d'un bourrinisme sans failles ou d'un humour pas fin.