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Mélo de Méla : Locke, huis clos sur quatre roues

Alors aujourd’hui, cher petit lecteur fifou, je vais te causer d’un film particulier, qui tient une place spéciale dans mon petit coeur de troll fragile. Ce film, il s’agit de Locke, sorti en 2013, et ayant connu une distribution limitée en France.


Le film est réalisé par Steven Knight. Mais si, on t’en a déjà causé de lui. C’est le créateur de la géniale série Peaky Blinders, avec Cillian Murphy. Il a aussi co-crée la série Taboo, dont Lazylumps et moi t’avons déjà parlé, c’est dire si on est obsédés par le mec. Côté cinéma, c’était lui derrière le scénario du film Les Promesses de l’Ombre de David Cronenberg, plongée ultra violente au cœur de la mafia russe. Changement complet de décor avec Locke donc, qui met en scène le trajet en voiture d’un homme ordinaire.
Mais alors, en quoi le film est-il différent de ce que l’on peut voir à l’heure actuelle sur nos écrans ?
La réponse va certainement en refroidir plus d’un, mais pas toi, mon petit, je te fais confiance : car l’intégralité du film se passe en voiture. Alors, oui je sais, des huis clos, tu en as soupé ces dernières années, entre le mec coincé dans une cabine téléphonique (Phone Game) ou encore celui qui se retrouve dans un cercueil sans trop savoir comment (Buried).

Le principe est pour moi alléchant, sur le papier, malgré ma claustrophobie notoire. En effet le huis clos impose une contrainte qui oblige le réalisateur à être créatif dans sa manière d’aborder un récit, et c’est toujours divertissant de voir un artiste se challenger. Steven Knight allait-il réussir l’examen du film de genre ? Réponse un peu plus bas !

En voiture, Ivan

Oui, oui je sais, le synopsis d’un film qui se passe intégralement en voiture ne fait a priori pas rêver. En effet, le film commence avec le personnage principal qui monte dans sa bagnole pour ne plus la quitter de tout le film. Il est seul en voiture, et il organise sa soirée et sa journée du lendemain au téléphone. Dit comme ça, le scénario fait à peu près autant rêver qu’une après-midi à comparer le prix des clous à Leroy Merlin, mais il est extrêmement bien ficelé, et surtout porté par un interprète principal magistral.

Ne souhaitant pas jouer avec tes nerfs plus longtemps, parlons en un peu du personnage principal et de l’acteur qui l’incarne. Il s’agit de Tom Hardy.

Je le présente pour ceux qui ne le connaissent pas, même si j’espère qu’ils sont peu nombreux : héros de Mad Max Fury Road, de Bronson ou sidekick de Dicaprio dans Inception, il a été présent un peu partout sur nos écrans ces dernières années, notamment dans les séries Peaky Blinders et Taboo, ce qui en fait un acolyte privilégié de ce bon vieux Steven Knight. C’est un acteur qui joue beaucoup de son apparence physique et de son coté quasi animal, utilisant son corps à la manière de Christian Bale par exemple, pour construire un personnage (malgré les ratés du film, la transformation physique d’Hardy sur The Dark Knight Rises était impressionnante). Le choix de l’utiliser dans un rôle comme celui-ci est aussi audacieux qu’intelligent, dans la mesure ou ses mouvements sont limités par l’habitacle du véhicule, le contraignant à ne jouer pratiquement qu’avec son visage (chose qu’Hardy réussit haut la main, étant l’un des meilleurs acteurs actuels).
Ivan Locke est un mec tout ce qu’il y a de plus banal. Il a un boulot, une famille, des enfants. Au début du film, il monte dans sa caisse à la fin de sa journée de travail, et doit passer des coups de fils. Mais on se rend vite compte que le trajet que l’on suit est sûrement le plus important de sa vie. Effectivement, à chacun des appels qu’il reçoit ou passe, sa vie part un peu plus en sucette.


Le film repose sur une question simple. Comment une décision peut foutre en l’air la vie que l’on passe des années à se construire en 1h25 de trajet ? Ivan a fait un choix, que je ne spoilerai pas ici, et qui va remettre en question toutes les fondations de son existence. L’utilisation du terme « fondation » n’est pas ici choisi au hasard, car Ivan Locke travaille dans le béton, et on ressent une sorte de parallèle entre ce métier, qu’il effectue avec passion et rigueur, et le sens moral qui l’anime.

L’ordre et la morale 

Et entre un collègue alcoolique qui flippe à l’idée de devoir assurer un chantier, un patron pour le moins pas très compréhensible, des enfants perdus dans une situation qu’il ne comprennent pas, et une femme qui fait une découverte pas terrible sur lui, Locke est pour le moins légèrement dépassé par ce qui lui arrive.
Il y a un coté extrêmement captivant à regarder cet homme dont la vie s’effondre de part en part, et un peu plus à chaque coup de fil. Il essaye de garder son calme, de contenter tout le monde, de recoller les morceaux, tout en ne se départissant quasiment jamais de son ton sobre et apaisant.
Un des grands questionnements du film est le sens moral. Ivan veut faire ce qui lui semble juste et droit, quitte à foutre son existence et son confort quotidien en l’air. Il assume chacune de ses décisions, se construisant ainsi en opposition à son père, avec qui il dialogue de façon irréelle (je vous rappelle qu’il est seul dans la voiture) et imaginaire tout au long du film. Locke veut prouver que l’on est pas forcé de reproduire le schéma familial, et que l’on peut être un homme décent malgré un paternel peu glorieux. Dit comme cela, ça fait un peu fumeux, comme propos, mais t’en révéler plus gâcherait l’élément majeur du film.

Parlons aussi deux secondes de la réalisation. A l’image du film et de la prestation de Hardy, elle est sobre mais très subtile , notamment dans ses jeux de lumières. On ressent un véritable effort de mise en scène, à travers des plans fixes travaillés mais aussi une photographie superbe et maîtrisée de bout en bout. La mise en scène a un effet quasi hypnotique, dans ce sens ou l’on retrouve vraiment le sentiment que l’on peut avoir d’être bercé, comme lors d’un long trajet en voiture, de nuit.
N’oublions pas aussi les dialogues, très touchants et justes, et interprété par des acteurs assez solides pour distiller de l’émotion uniquement au travers de leur voix. On retrouve entre autres, au téléphone avec Hardy, Ruth Wilson (vu dans Luther) Andrew Scott (le Moriarty de la série Sherlock) ou encore Tom Holland, le nouveau Spiderman. Un casting de premier choix, donc.

Locke est une petite pépite méconnue. Intense de par ses questionnements et son scénario, il met en avant l’interprétation de son acteur principal, Tom Hardy, qui est ici au service d’une histoire universelle. Ivan Locke pourrait être ton frère, ton père, ton patron ou ton voisin, et c’est bien là ce qui fait le tour de force du film. On ne s’ennuie jamais devant cette histoire, banale de prime abord, tant elle est habilement traitée.

KaMelaMela

Kamélaméla aime deux choses: la blanquette et Eddy Mitchell. Sinon, de temps en temps, elle va au ciné. Voila, vous savez tout.

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