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Split : 23 personnalités pour un seul slip

_ Bonjour John, entrez, je vous en prie, asseyez-vous. Vous m’avez envoyé une dizaine d’e-mails demandant un rendez-vous avec moi au plus vite, que puis-je faire pour vous aider ?

John : Eh bien, je suis allé voir un film. Réalisé par M. Night Shyamalan, ça s’appelait « Split » avec James McAvoy.

_ Et pourquoi souhaitiez vous m’en parler si urgemment ?

John : Parce que c’est un film qui parle de nous.

_ Qu’en avez vous pensé ?

John : Je …

Snob : Je ne sais pas vraiment pourquoi mais j’aime l’utilisation du grand angle en gros plan, j’aime sentir l’haleine pleine d’angoisse des héros aux prises avec des situations désespérées. Jamais je ne suis plus impliqué dans un film que quand l’objectif s’approche à faire perler le souffle des protagonistes sur le verre froid de la caméra.

Bourrin : En gros t’en peux plus dès qu’un réal mouche ses comédiens à grand coup d’objectif. Tu as dû avoir un petit orgasme devant The Revenant dis-moi ? Attend, quelques variations dans les plans ce n’est pas forcément demander la lune. The Revenant avait au moins la délicatesse de filmer autre chose que les comédons gras de Di Caprio. Perso devant l’engin l’effet que ça m’a produit c’était plutôt de flipper pour que la gamine ne parte pas en crise d’asthme massive… Globalement mon pote, même quand Shyamalan a tenté de nous refiler de la tension j’ai pas tellement claqué des fesses sur mon siège. Et pourtant, il en a fait des caisses ! On sent bien qu’il tente de poser des situations les plus angoissantes possibles en amenant ses personnages dans diverses situations bien bien chaudes mais c’est tellement surfait par moment que ça ne transmet pas plus d’émotion que la cuisson du riz ou le curling.

Snob : Il serait bon de sortir d’une monolithique position de spectateur en mal d’émotion et regarder davantage quelles sont les recherches dans les situations. Le conflit de statut social, la dénonciation de la dictature des gens lisses et bien pourvus par l’existence… La séquestration des deux péronnelles avec une paria amène un renversement des codes dans lesquels les protagonistes ne sont plus adaptés de la même façon que dehors. Et en cela, certains personnages sont bien construits.

Cinéphile : Moi j’aime les personnages. J’aime les voir de face, de dos, en train de rire et en pleurs. Plus il y en a, mieux c’est, on dit toujours ça non ? Alors là, niveau personnage principal, j’étais contente, t’imagine même pas ! Le mec n’a pas 1, ou 2 , mais 23 personnalités différentes. De quoi foutre sur le cul n’importe quel psychiatre ! Alors forcément, au début du film, j’ai eu un peu peur, je me demandais comment James McAvoy, l’acteur principal, allait réussir ce grand écart sans se froisser un muscle. Plusieurs magazines parlant déjà de la « performance de sa vie », je me devais d’aller le voir.

Misanthrope : Non mais écoutez la, celle-la! Elle est bien bonne avec ses « J’aime les personnages ». Ça va, on a compris, le mec est taré. Dès la bande annonce, tu flaires bien que le mec est pas net quand même. Le gars, pépouze, il enlève 3 gamines dans les cinq premières minutes du film. Bon, sur les 3, il y en a 2 que tu avais déjà envie de tuer toi-même tellement elles sont insupportables, et la 3ème, on te fait vite comprendre que c’est sûrement la seule qui a une chance de s’en sortir. Dès le début du film, tu sais qu’il va y avoir un gros twist de porc de toute façon, on est quand même chez Shyamalan, donc dans la catégorie « intrigues à la mords moi que je te règle à coup de surprise à la fin », on se place là.

Cinéphile : Mais t’as rien compris au film en fait toi. C’est comme ce que disait le snob tout à l’heure, il y a un vrai travail de recherche sur la condition des filles enlevées par exemple. Là où on nous présente une jeune fille en mal être par rapport aux autres, à la société, et à sa famille (Bonjour, le tonton bien pervers), on nous la transforme en survival-girl, où, pleine de bon sens, elle joue sur le tempérament des différentes personnalités du héros pour tenter de sortir vivante de son enfer. Et ça, c’est pas malin peut être ?

Misanthrope : Non mais elle est maline la petite, c’est pas le problème. Le problème, c’est que le film est pas fin. C’est son souci à Shyamalan, le mec n’a jamais su faire dans la dentelle. Il faut toujours qu’il y ait des ficelles grosses comme mon poing, qu’il fasse un caméo, qu’il soit dans les mêmes registres. En fait, depuis Sixième sens, il nous fait toujours le même film le type. Je veux bien payer 10 balles pour manger de la soupe une fois, mais si tu me la réchauffes et que tu me la ressers tout les 3 ans, ça risque de commencer à être indigeste. 

Bourrin : Voilà, voilà un mec qui a autre chose que de la soupe au rutabaga dans la cervelle ! Shyamalan tu le laisses deux minutes avec une caméra il va t’expliquer les coulisses de son tournage plutôt que te laisser tranquille suivre l’intrigue la kro coincée dans les bourrelets de la panse !

Gamin : Pouuuh, pourquoi ils ne savent que s’engueuler ceux-là ? Non mais le film je l’ai trouvé plutôt bien même si des fois ça fait un peu peur.

Bourrin : Putain, mais il n’est pas encore couché celui-là ?!

Snob : Paix, je vous prie, et reprenons des considérations un peu plus élevées. Dans vos verbiages douteux mes pauvres Bourrin et Misanthrope, vous ne cessez de vous focaliser sottement sur des détails et échouez à comprendre l’œuvre de manière globale. Par exemple, se focaliser sur un pauvre cameo, n’est-ce pas là le plus sûr moyen de prouver que vous n’avez rien à dire d’intelligent, vous qui tombez en extase quand Peter Jackson pointe le bout de sa joviale barbe dans les épisodes du Seigneur des Anneaux ?

Bourrin : Mais arrête ton baratin tantine, Jackson on le voit une demi-seconde, l’autre chevelu il se sent obligé de bouffer l’écran pendant deux plombes en jouant comme un fer à repasser.

Snob : MAIS TAISEZ-VOUS ! TAISEZ VOUS!!!!

Bourrin : Oula mais il va se calmer le péteux.

Cinglé : Allons on s’énerve, on s’énerve… Mon cœur tabasse l’intérieur de ma poitrine et… oh… me voilà… oui ! Ha ! Me voilà ! Tu vois je crois qu’ils continuent à passer un peu à coté du sujet… Ils effleurent à peine le thème, l’éludent, les inconscients, l’oublient pour bavarder et se complaire en inconsistant verbiage. Mais la vérité derrière tout ça c’est que Shyamalan essaie de comprendre et de représenter la folie ! Il pénètre la chose, l’observe, tente de la disséquer, maladroitement, certes… mais un coup de scalpel qui dérape n’est pas QUE douloureux ! Ha ! C’est rare qu’un bonhomme invite à réfléchir la folie et la présente comme une possible transcendance de l’être humain et de ses capacités !

Bourrin : On l’a pas enfermé celui-là ? Il me colle un peu les jetons avec son air halluciné… Encore, s’il ne disait pas de conneries… Il fallait bien qu’il nous rabatte les esgourdes avec cette idée stupide du dépassement de notre condition humaine avec le super-pouvoir de la dinguerie. On se serait cru devant Lucy du gros Besson…

Spoiler : N’empêche la fin est pas mal du tout, parce qu’il …

Misanthrope : Qui l’a détaché ?

Gamin : Oups … C’EST PAS MOI !!

Cinéphile : Spoiler, tu vas pas nous gâcher la fin du film encore une fois !

Spoiler : Tout de suite, les grands mots. Genre ça « gâche » vraiment le film de savoir la fin avant de l’avoir vu ! Ya des trucs bien plus terribles dans la vie…

Snob : Oula …

Spoiler : La Shoah, ça, c’était vraiment affreux !

Snob : C’est le pire et le plus stupide des arguments de la journée.

Spoiler : Oui, mais ça permet de clarifier les choses. Maintenant qu’on a bien vu qu’il y avait plus grave, je vais pouvoir tranquillement raconter la fin. Donc je disais, à la fin, c’est pas mal du tout parce que mmmhmuuhmhhmmggnnmuhhmm….

Snob : Merci de l’avoir bâillonné.

Bourrin : Mais de rien ma gueule.

La nonne : Grâce à vous, Monseigneur, et être en perdition, cet agneau égaré, a quelque chose d’extrêmement touchant. La relation qu’il entretient avec une de ses victimes, nous permet quand même de voir qu’au delà de l’aspect sacrificiel qu’il leur confère, il les considère aussi parfois comme des êtres humains. Un moment du film m’a particulièrement émue, mais je vais laisser Spoiler en parler…

Bourrin : Mais elle va pas la boucler la grenouille de bénitier ? Spoiler, il est bâillonné, il risque plus de moufter grand chose. On peut changer de disque là, ça commence à me gonfler. Toi l’intello, parle nous en un peu plus ! 

 

Scientifique : D’un point de vue psychologique, cependant, il faut bien reconnaître que Shyamalan a quand même fait ses devoirs. En se basant sur un cas réel, il permet de mettre en lumière un trouble, notre trouble, comme une réalité et pas comme une affabulation d’auteurs de science fiction ou une mise en scène de patients délirants.

Misanthrope : Le message aurait été plus clair s’il avait pu s’empêcher d’affabuler à son tour avec des théories bien fumeuses.

Scientifique : Et il ponctue son histoire d’anecdotes et de faits bien réels. Le personnage principal est un fait réel ! Le film change son nom mais on peut le retrouver facilement. Le patient s’appelait Billy Milligan et en lui cohabitaient 23 personnes avec des personnalités majeures, qui ressortaient souvent, et des indésirables, enfouies profondément dans l’inconscient du jeune homme, comme dans Split !

Bourrin : Ouais enfin dans le film c’est plutôt Kevin et ses 4 personnalités avec d’autres qui font des apparitions de 8 secondes de temps en temps.

Snob : Mais bougre d’imbécile, ne peux-tu pas comprendre que c’est une question de clarté du récit ?

Misanthrope : Le bourrin a raison. Une campagne de pub entièrement axée sur les 23 personnalités pour au final en voir une petite poignée, c’est un peu décevant. Le film aurait très bien pu se passer des 23 et créer un personnage avec ne serait-ce qu’une dizaine de personnalités, ça aurait été tout aussi impressionnant.

Scientifique : Mais le fait réel ..?!

Bourrin : Je l’emmerde ton fait réel, c’est un film pas un documentaire !

 _ Revenons à John, je vous prie. Même si vous êtes tous passionnant c’est tout de même lui qui m’a écrit.

Cinglé : Tu rêves ma poule si tu penses que je vais me la fermer maintenant que je suis réveillé !

Bourrin : Ah mais t’inquiètes pas, tu vas la fermer.

_ John ?

John : Je suis là.

_ Après avoir pesé le pour et le contre entre vous, quelle est votre impression finale du film ?

John : Split est un bon film, il apporte juste ce qu’il faut d’angoisse et d’originalité pour rester dans les mémoires. Bien qu’il ne soit pas exempt des tares habituelles de Shyamalan, une narration par moment un peu forcée et l’inénarrable twist de fin, la performance d’acteur de McAvoy suffit à les faire oublier. C’est simple, rarement on a pu voir autant de subtilité dans le jeu d’un comédien. Il déplace ses épaules, Dennis est arrivé. Une petite moue, et c’est le retour de Patricia. En clair, il porte le métrage sur ses larges épaules.

Les personnages secondaires sont cependant un peu laissés pour compte, entre deux greluches dont on n’a que faire et une psy largement sous exploitée, on reste un peu sur notre faim. Heureusement l’héroïne est un personnage suffisamment travaillé pour compenser cette lacune. Notre impression finale est positive, c’est certainement un des meilleurs Shyamalan malgré tout ce que ça peut comporter.

Flavius

Le troll Flavius est une espèce étrange et mystérieuse, vivant entre le calembour de comptoir et la littérature classique. C'est un esthète qui mange ses crottes de nez, c'est une âme sensible qui aime péter sous les draps. D'aucuns le disent bipolaire, lui il préfère roter bruyamment en se délectant d'un grand cru et se gratter les parties charnues de l'anatomie en réfléchissant au message métaphysique d'un tableau de Caravage.

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