Tarzan, le gland de la jungle : quand « tendance » rime avec « inconséquence »

Le 06 juillet dernier sortait Tarzan, de David Yates. Pourquoi écrire un article si longtemps après sa sortie ? Parce que son sujet est délicat (et aussi parce que je suis un peu long à la détente). Annoncé comme un film d’aventure tendance et réfléchi, comme la rédemption d’une figure héroïque héritée d’un passé colonial difficile, le projet me fit espérer une petite entorse originale au terne univers des blockbusters contemporains. Quand bien même le film serait moyen, que ne donnerait-on pas pour une petite bouffée d’air frais entre les sempiternels films de super-héros et autres Fast and Furious ? À plus forte raison, lorsque les créateurs d’une telle oeuvre se proposent intelligemment de réinventer tout un imaginaire négativement connoté, en le modernisant. Quelle ne fut pas ma déception lorsque le destin me précipita, du haut de la roche Tarpéienne du spectateur naïf, dans les abîmes merdeux de la désolation cinématographique. Médamzéméssieu, voici pour vous la critique bête-sauvage et méchante de Tarzan.

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« Bad Actors. CGIed Nature. The Legend of Narzan ».

Du kung-fu chez les Humbus

Commence la projection. Une brève mise en contexte historicisante conforte le candide dans ses espoirs d’un divertissement correct, héritier putatif d’un Indiana Jones et autres nobles entertainments. L’espace d’un instant, nous suivons avec intérêt la progression d’un groupe de marsouins s’aventurant dans la jungle congolaise de 1884. Celle de tous les Conrad et autres Burroughs, sombre, brumeuse, primitive, où l’homme devient proie…  Mais l’homme est traître : ce n’est hélas que pour mieux se faire gland à nouveau. Après cette mise en bouche immersive et plutôt soignée, le besoin impérieux de baston  commence à frétiller dans l’esprit du scénariste. Ainsi surgit le premier combat, édifiant, qui fait s’estomper toute illusion. Plus de doute : on est déjà au niveau du sympathique étron. En effet, les troupes coloniales sont attaquées par des autochtones…

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 » Chef, chef, nos éclaireurs rapportent qu’un impératif-baston imminent s’approche ! » 

Passe encore, me direz-vous. Sauf que : ralentis 300esques, figures de kung-fu (en Afrique équatoriale…) dignes des scènes d’actions les plus bouffonnes, montage épileptique perturbant la compréhension des mouvements… Reviennent ainsi en mémoire les heures sombres du Hobbit ou du Pacte des Loups. Puis, soudain, inattendue, triomphante dans sa gloire toute nanarde, surgit sans doute l’une des plus belles perles-caca du film : le chef des coloniaux, seul rescapé de la troupe, détenait une arme secrète… un CHAPELET en « toile d’araignée tissée », supra-techno-résistante-en-inox-de-la-mort-qui-tue, qui lui permet de tenir en respect les indigènes hostiles en deux trois prises de ka-râté. Cette tendance s’illustre malheureusement tout au long du film. Alors que l’univers étendu de Tarzan (bandes dessinées et films compris) présentait un cadre vaste, organique et exotique, riche d’aventures multiples et dépaysantes, on nous sert un film d’action impersonnel opposant principalement Tarzan… à d’autres hommes, selon des codes ultra-conformistes. Au-delà de cet affrontement principal, ces codes contaminent même les moments où Tarzan est confronté non pas à une difficulté anthropique, mais à la Nature. On peut par exemple y voir des gorilles faire du catch,  dans le plus grand respect des reportages animaliers… 

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Tarzan vs ugly CGIed gorilla, round 1.   

Un conformisme outrancier, donc, qui amène d’ailleurs à certaines scènes plutôt cocasses. On peut ainsi écouter avec perplexité le mea-culpa élégiaque de Samuel L. Jackson au coin du feu, qui campe un soldat vétéran reconverti dans la diplomatie crypto-humanitaire. Pas-cifiste que ça, quand on songe que le reste du temps, le bougre s’évertue à vanter les mérites d’armes toutes plus meurtrières les unes que les autres et à les utiliser pour trucider à tour de bras. « Oui mais ! C’est pour zigouiller les méchants ! » Ah bon, tant mieux alors. Ça rend sûrement son auto-critique plus crédible… Enfin, si on commence à relever les incohérences éthiques du blockbuster contemporain, on y est encore pour le goûter. En dépit de tous ces soucis (désormais monnaie courante dans les films d’action et, malheureusement, le cinéma fantastique et d’aventures), Yates aurait pu sauver quelques meubles. Mais non. Il semblerait même qu’il ait apporté un soin particulier à rater en profondeur son œuvre crotteuse. 

Gorilles dans l’amertume

Que les choses soient claires. Je n’ai pas d’à-priori anti-CGI (Computer-Generated Imagery : image de synthèse). Je n’ai rien contre celle-ci dans l’absolu. Cela étant dit, en 2016, si un studio important dispose d’un budget lui permettant de multiplier les effets-spéciaux coûteux, il ne lui est donc pas impossible de les mêler à d’autres techniques (maquillage, animatronique….). Pour accroître la puissance évocatrice, la tangibilité, l’iconicité d’une scène. Alors POURQUOI, POURQUOI, POURQUOI, avoir eu recours à ceux-ci de façon quasi-exclusive ICI ?! Qu’un métrage soit dépendant de la CGI pour créer un objet complexe, gigantesque, ou un paysage de science-fiction démesuré, d’accord. Que l’on emploie celle-ci pour incarner un monstre fabuleux ou (au hasard…) un dinosaure, gnnn… mouais, passe encore pour certaines situations. Mais honnêtement. Dans le cas d’animaux existant. Pas même en voie d’extinction. Que l’on a l’opportunité de dresser, ou même de voir évoluer dans leur milieu naturel… C’est juste crinièro-tracté.

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Voici Michel Cymiesque. 

Quel est l’intérêt de tout remplacer par des effets spéciaux, jusqu’aux paysages ?? Que dis-je : des effets spéciaux merdiques, de surcroît ? Parce que oui, les effets numériques de Tarzan sont laids. À part un jeune crocodile tenu en laisse, je ne me rappelle guère avoir vu d’animal authentique à l’écran. Pire, les animaux « reproduits »  sont même de dimensions grotesques, et ont un comportement que je m’abstiendrai de qualifier, pour ne pas me faire gronder par maman. Nous sommes aux antipodes des singes véritables de Greystoke, la légende de Tarzan (1984). Mais aussi de ceux du dessin animé éponyme de 1999, qui étaient autrement plus expressifs. Et l’expressivité, parlons-en ! Que dire de l’interprète du rôle titre, Alexander Skarsgard ? Expressif, celui-ci s’avère autant l’être qu’un mollusque neurasthénique. Or, l’on a déjà vu mieux dans le genre plastique-mutique : Viggo Mortensen ou Ryan Gosling, par exemple.  

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Tu peux me prêter tes abdos pour l’été, Monsieur ?

Mutatis mutandis, là où certains feraient mieux de l’ouvrir, d’autres devraient plutôt songer à la fermer. Nous retrouvons en effet à l’affiche Christoph Waltz et Samuel L. Jackson, incarnant respectivement (roulements de tambour)… Le méchant et le side-kick comique. Dans quel registre ? Pour le premier, dans celui du génie du mal petit-doigt-en-l’air, très distingué mais ouh si glaçant si cruel quand il s’y met le vilain, oh le vilain qu’il est vilain regarde Josiane un vilain. Pour le second, dans le registre sam-fucking-uel-fuck-l.-mother-jack-fucking-sonien. C’est à dire, celui du personnage un peu cool-street que l’acteur incarne par défaut depuis Pulp Fiction, enquillant vannes téléphonées lourdingues et dizaines de « fuck » au millimètre carré de bobine. Ces performances sont d’autant plus navrantes de la part de deux bons interprètes, qui ont su incarner avec subtilité des personnages pas nécessairement beaucoup plus profonds sur certains script-papier. Enfin. C’est leur métier et on les a payés pour ça, ne leur jetons pas la pierre. Et puis, il y a d’autres fauves à fouetter.

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Et le prix du grand méchant de l’été 2016 revient à Manuel Val… euh Christoph Waltz, pardon.

Le bon aryen et les bons à rien

Le pire, dans tout ça, malgré une forme raisonnablement mauvaise, reste le fond. Le fond, oui, car les responsables de la Bérézina tarzane ont justifié leur projet par une ambition sous-jacente. Ce message est le suivant. Jusque-là dans les arts, Tarzan, homme blanc, avait exercé un règne sans partage sur son environnement ; à savoir, la nature africaine, ses animaux, mais aussi et surtout… les hommes qui la peuplent. Il est incontestable que le personnage apparu sous la plume d’Edgar Rice Burroughs dans son roman Tarzan of the Apes (1912), s’ancre dans un contexte historique précis : celui de la colonisation de l’Afrique par les Européens. À cet égard, il est donc tout sauf un personnage neutre ; à traiter avec d’autant plus de prudence, donc… Yates a bien saisi cette dimension, qu’il entendait exorciser. Son propos était de contrer les travers ostensiblement racistes que présentèrent les adaptations de Tarzan tout au long du XXème siècle, en particulier la célébrissime franchise des années 1932-1948, portée par le fameux Johnny Weissmuller (nageur olympique de son état) et ayant consacré nombre d’éléments colonialistes de cet univers.

 

Tarzan au cinéma dans la première moitié  du XXème siècle : un racisme assumé et ordinaire.

Les Africains y apparaissent comme des populations naturellement inférieures aux coloniaux. Au pire, comme de vils ennemis assez facilement vaincus. Au « mieux », comme des serviteurs dociles et simples d’esprit. Dans les deux cas, donc, comme quantité négligeable, en tant qu’individus de moindre condition. Et, par essence, affrontant ou secondant (sans autre alternative) l’archétype du « sauveur blanc », noble et musculeux. « C’est l’époque qui veut ça », diront certains. Cela explique, certes, mais n’excuse rien. 

Comme le rappelle Chedine Tazi dans son excellent article La légende de Tarzan : retour sur l’histoire d’un personnage controversé, Tarzan, par ces mots, est introduit à Jane dans le roman initial de Burroughs : « Ceci est la maison de Tarzan, tueur de bêtes et d’un grand nombre d’hommes noirs« . La revue Jeune Afrique relaye ainsi l’analyse de l’historien du cinéma Régis Dubois (spécialiste de la représentation des Noirs dans les arts cinématographiques), pour qui le personnage de Tarzan demeure un « miroir de l’impérialisme occidental ». Comment donc conjurer une figure séculaire de héros essentiellement raciste, voire, dans ce cas précis, négrophobe ? 

L’enfer vert est pavé de bonnes intentions 

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Premier numéro du Tarzan de chez Dell Comics (janvier-février 1948)

Témoin l’image ci-dessus, qui pose notre glorieux babtou en justicier herculéen… et les autochtones en « sauvages », d’aspect simiesque, et à l’allure repoussante. Pour exorciser ce lourd passé compromettant, Yates adopta tout d’abord une démarche intelligente, des parti-pris pertinents et subtils. Nous verrons plus tard en quoi tout ceci ne constitue in fine qu’un miroir aux alouettes. Pour commencer, le choix d’intégrer des acteurs de couleur connus au casting constituait un pas en avant. De fait, cela ne pouvait qu’induire une importance croissante conférée à certains personnages noirs. Importance qui jusque-là n’avait pas été envisagée dans la majorité des œuvres.

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George Washington Williams (1849-1891)

Certains ont pu y voir une certaine « facilité » pour s’éloigner de la mentalité des vieux métrages. En ce qui me concerne (foi de marabout insomniaque), je pense qu’au contraire, c’était déjà un bon début. Et que le ratage, plus profond et d’autant plus violent, se situe ailleurs que dans des questions de quotas en tête d’affiche. On aurait tout aussi bien pu reprocher à l’équipe d’avoir exclu tout acteur de couleur du film, dans le cas contraire !

La présence de Samuel L. Jackson dépasse ainsi la simple et naïve garantie politiquement-correcte. Yates déclara d’ailleurs que le personnage de celui-ci, historique, était le véritable héros du film : et non pas Tarzan. Ce personnage, c’est George Washington Williams, brillant érudit afro-américain du XIXème siècle, vétéran de la Guerre de Sécession, mais aussi politique, avocat, historien, et révérend. En 1889,  à l’occasion d’une mission, Williams mène enquête sur les conditions d’administration de l’État Indépendant du Congo (en réalité propriété personnelle du souverain belge). En effet, depuis 1885, le roi du plat pays Léopold II organise son exploitation, une foué. Exploitation de l’ivoire, mais surtout du caoutchouc, basée sur un asservissement cataclysmique pour les populations locales. Entre 1885 et 1908 (un an avant le décès du monarque), c’est au moins le tiers de celles-ci qui disparaît, du fait de cette exploitation et de ses conséquences (soit dix millions de personnes environ), selon les estimations actuelles. Innombrables sont également les actes de barbarie perpétrés contre celles-ci en vue de leur soumission : viols, mutilations en tous genres, travail forcé inhumain, famine. CaricatureJohnGrandCarteret

 Caricature de Léopold II par John Grand-Carteret (1850-1927)

Ainsi, c’est l’investigation authentique de Williams qui sert de prétexte au Tarzan de Yates, noble anglais depuis longtemps détourné de son passé africain, pour revenir au zoo primordial. On pourrait certes reprocher au film ses erreurs historiques, encore qu’il ne prétende pas être un documentaire. Mais il était artistiquement louable, et même fort à-propos, de s’emparer d’un tel contexte afin de développer une nouvelle figure héroïque pour notre roi de la jungle. Belle perspective donc, mais qui ne hissa le métrage au pinacle du divertissement intelligent que dans l’idée. Pour mieux le précipiter, en fait, dans la fange méphitique du film bourrin décérébré.  

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Une question me taraude, notamment depuis le visionnage de Tarzan. Jusqu’à quel point peut-on séparer la forme du fond dans l’appréciation d’une œuvre ?  Il est indiscutable que le film a plus été pensé, et revendiqué, comme un divertissement anodin que comme une métaphore de la lutte contre l’esclavagisme et le racisme. Et il est difficile de le lui reprocher. Cela suffit-il à le dédouaner des idées qu’il peut indirectement (et involontairement) véhiculer, pour autant ? Contrairement à ce qu’a pu dire Yates (peut-être pour se justifier a posteriori, d’ailleurs), dans le traitement et la mise en scène qu’il subit, le personnage de Williams n’est en rien supérieur à Tarzan. C’est un vieux cow-boy belliciste à la traîne, chez qui la mission humanitaire n’est qu’un prétexte pour faire le pitre et flinguer à tour de bras. C’est à peu près la seule utilité qui lui est concédée, une fois les protagonistes parvenus en Afrique. Celui qui aurait pu être le mentor avisé d’un Tarzan justicier mais farouche et misanthrope, ou au contraire, l’ennemi d’un Tarzan tout aussi hostile aux autochtones que les coloniaux esclavagistes, a été réduit à un académique side-kick comique. Mais le pire reste à venir. 

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« Hey mec, moins vite, j’suis qu’un pauvre diplomate-pacifiste avec un gros flingue et sans muscles, moi ! »

Tarzan n’a rien d’un héros secondaire. Il est bien au contraire traité de la même façon, à l’écran, qu’un super-héros. Pas comme le Batman humanisé et réfléchi d’un Nolan, non. Comme n’importe quel super-héros « badass » dont la prolifération occulte le paysage des années 2010. Sauf que Tarzan, compte tenu du passé artistique que nous lui connaissons, est peut-être une figure un peu plus délicate à manier. Prétendre s’affranchir d’un racisme séculaire, fort bien. En nous montrant deux heures durant un aryen triomphant latter les méchants à la barbe de tous ses amis autochtones ? En faisant voir ses alliés africains n’arriver qu’une fois la bataille finale jouée, pour applaudir sur leurs boucliers comme de bons sauvages vulgairement infantilisés ? C’est déjà moins convaincant. Et ça n’est pas innocent. 

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« Eh voilà, on arrive encore trop tard les gars. Sacré Tarzan, que ferions-nous sans lui ! »

Tarzan fait tout. Tarzan est tout-puissant. Il n’est mis en difficulté que par son frère adoptif gorille, qui le contraint une fois à se soumettre pour pouvoir traverser son territoire. Le reste du temps, il contrôle les animaux, réussit des prouesses de gymnastique improbables, tient tête à une armée d’indigènes (hostiles, cette fois), parvient à mettre en déroute des mercenaires bien équipés avec ses gros muscles… En gros, c’est lui, seul et blanc parmi les Noirs, à mettre en échec une armée coloniale. Ah oui, secondé par son pote « diplomate » à gros calibre (sans mauvais jeu de mots), à l’occasion. Or cette exaltation du sauveur omnipotent, sûrement due à une contamination par les codes filmiques du super-héros, est en l’occurrence tout à fait délétère. Par ailleurs, l’intrigue liée à l’exploitation des africains se trouve bien vite reléguée au rang de trame de fond. En effet, c’est la capture de Jane (que certains ont pu interpréter comme un personnage dégourdi ?!) par les méchants qui va amener  Tarzan  à s’accomplir en tant que héros puissant. Saine hiérarchisation des causes que voilà ! Et pour la valorisation de la figure féminine, on repassera !

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« – Alors comme ça, mon film c’est de la merde ? – Pardon monsieur Yates, pitié ! »

Quant au look de l’acteur… Sérieusement, on ne pouvait pas faire un peu plus crédible ? Avec ses yeux d’éther azuré, sa coupe estampillée L’Oréal et sa peau blanche comme fesses au soleil de janvier, notre Apollon propret ne joue guère en faveur d’un Tarzan new age. Si on voit le héros heureusement plus interagir avec les indigènes qu’il y a 70 ans, là encore le film n’est pas toujours neutre. Ceux-ci sont clairement montrés comme des auxiliaires ou des ennemis secondaires du sauveur, et leurs personnages ne sont que peu développés, souvent au gré de flashs-back indigestes. Tout au plus évoqués, comme une famille d’accueil sympathique, des compagnons de combats occasionnels (qui abandonnent Tarzan dès que celui-ci s’aventure dans la nature profonde), un vieil ennemi vindicatif et aigri… Ils ne constituent pas les protagonistes et antagonistes principaux de l’action.

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« OK les mecs. J’ai pas mis les pieds ici depuis des lustres, mais on va dire que vous me suivez, hein ? »

On est pas très loin du mythe naïf (au demeurant, raciste) du bon sauvage. Pas méchamment bestialisé, fondamentalement bienveillant, mais toujours guidé par une figure paternaliste. Il était tout à fait possible de faire autrement. Seulement quand on veut à tout prix caser des effets spéciaux dispensables, de l’action frénétique, et se conformer aux modes en vogue, c’est le reste qui en pâtit. En dépit d’une bonne intuition initiale, Yates a réussi le tour de force de s’affranchir d’un imaginaire raciste… pour en consacrer un autre ! Certains considèrent que seul un interprète noir du héros pourrait détruire le spectre colonialiste qui hante Tarzan. Après tout, on a bien déjà vu un dieu scandinave joué par un Noir, dans Thor (2011), non ? L’occasion s’est pourtant présentée, ici, d’atteindre cet objectif sans en arriver là. Toujours est-il qu’en dépit d’un certain potentiel, nous avons eu droit à du kitsch de catégorie supérieure à un clip de Toto sur la forme, et à une bouillie maladroite et nauséabonde sur le fond. Qui perpétue, sans l’avoir voulu, un univers raciste « soft« . « C’est la dure loi de la jungle, il faut faire du fric ; ça implique quelques choix malheureux », avancera-t-on. Certes, un peu comme au temps de Léopold II.

« I bless the rains down in Aaaaafricaaaa ! »

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Sur la forme, « La légende de Tarzan » constitue tout juste un divertissement très convenu, à la limite du médiocre, de l’ennuyeux et du moche. Voire carrément, à mon sens ; mais tâchons de rester nuancés. C’est d’autant plus dommage que l’occasion se présentait de montrer une alternative plus réelle, touchante et malgré tout dépaysante au divertissement habituel. Mais le plus grave reste qu’en se conformant facilement aux codes les plus paresseux de celui-ci, le film en soit venu à compromettre ses ambitions louables et audacieuses. Ratage donc, certes par maladresse. Mais d’autant moins pardonnable, lorsque l’on entend exorciser la fibre raciste d’une figure littéraire délicate. Surtout quand, prétendant le faire, on fait l’économie de l’inventivité, perpétuant le problème initial par conformisme mercantile et racoleur

 

Fly

Créature hybride issue d'un croisement entre le limougeaud et le normand, le Flyus Vulgaris hante les contrées du Sud-Ouest. Son terrain de chasse privilégié étant les poubelles, celui-ci se délecte de musique progressive, de livres d'histoire ennuyeux et de nanards des années 90. Dans sa grande mansuétude, la confrérie du Cri du Troll l'admit en son cercle, mettant sa bouffonnerie au service d'une noble cause. Devenu vicaire du Geek, il n'en fait pas moins toujours les poubelles.

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