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Warrior, entre western et arts martiaux

Warrior aurait été conçue grâce aux notes écrites laissées par Bruce Lee au début des années 1970. C’est du moins ainsi que la série nous est présentée…
Il est en réalité bien difficile de saisir dans quelle mesure le show diffusé par Cinemax depuis le 5 avril porte l’empreinte de la légende des arts martiaux. Tentons de ne pas être trop cyniques (réalistes) et considérons (avec une dose de candeur) que la mise en avant de ce cher Bruce tient essentiellement à la volonté de respecter le matériau originel.
Bien plus manifeste, en revanche, est l’influence de Jonathan Tropper, le co-créateur (avec Dustin Lin) de la série. Celui que l’on connaît notamment pour avoir réalisé Banshee nous offre un nouveau divertissement survitaminé, dans le style faussement grossier qui le caractérise. Warrior est une série « de genre » bourrine, à n’en pas douter, et qui prodigue souvent un plaisir coupable, mais elle n’est pas pour autant dénuée d’intelligence. Petit tour d’horizon.

Big Trouble in Little China

Tout au long du XIXè siècle, des milliers de Chinois souvent miséreux immigrèrent vers les États-Unis. Là, ils participèrent notamment à la construction des lignes de chemin de fer dans des conditions épouvantables. Fort peu  intégrés à une société américaine xénophobe, ils furent souvent (mais pas toujours) regroupés dans certains quartiers : le premier Chinatown naquit à San Francisco vers 1848. Les ouvriers de l’Empire du milieu furent tout autant haïs que désirés, accusés de voler le travail des « vrais » Américains mais utilisés sans vergogne par un patronat peu scrupuleux et avide de profit.

C’est au cœur de cet envers assez méconnu de l’histoire américaine (déjà traitée toutefois de manière convaincante par la bande-dessinée Chinaman en France) que nous plonge Warrior. Ah Sahm, un jeune homme féru de kung-fu, arrive à San Francisco en 1878. Il vient y cherche sa sœur, devenue, à sa grande surprise, une figure importante d’un tong (une sorte de société secrète) local. Ne parvenant pas à la convaincre de rentrer en Chine, lui-même vendu à un tong concurrent, le protagoniste doit bientôt faire face au nœud gordien qu’est devenue sa vie. Partir ou mourir, telle serait la fausse alternative qui s’offre à lui. Il lui faudra l’aide de toute sa science du combat pour s’extirper de ce dilemme apparemment sans issue.

Les scènes d’arts martiaux occupent ainsi une part non négligeable de la bobine. Hyperviolentes, bien chorégraphiées, elles sont de surcroît portées par un casting de qualité : l’acteur principal, Andrew Koji, est lui-même un ancien martial artist, tandis que la virtuosité d’un Joe Taslim est palpable dans un rôle qui le met autant, voire plus à l’honneur que celui qu’il pouvait tenir dans l’excellent The Raid (il y incarnait le personnage du sergent Jaka). Notons toutefois que les combats ne font pas preuve d’une créativité notable tant du point de vue de leur exécution que de leur place dans le scénario ; on les retrouve à des moments tout à fait attendus  (le premier face à face avec des américains goguenards, l’affrontement de fin de saison, etc…).
Rajoutez aux nombreuses phalanges brisées et autres nez écrabouillés des scènes de sexe plus que chaudes (surtout dans les premiers épisodes…) sur fond de musique western revisitée et/ou de hip-hop, et vous comprendrez que Warrior se veut être  une sorte d’exutoire frénétique a priori pas toujours très futé, mais diablement efficace. Un cocktail épicé comme il le faut dont les senteurs ne sont pas sans rappeler Banshee, évidemment.

Jonathan a plus d’un tour dans son sac

Warrior se caractérise néanmoins par une certaine profondeur. Son univers lui permet d’être d’une troublante actualité et d’évoquer des sujets polémiques : le rejet de l’étranger,  la mise en évidence de l’ambivalence des relations économiques entre la Chine et les États-Unis (qui, on le constate, ne date pas d’hier…), l’instrumentalisation de la « question migratoire » par une classe politique confondante de cynisme en sont quelques-uns. Certes, le traitement de thématiques aussi complexes n’est peut-être pas à la hauteur dans ce type de show ; il n’en reste pas moins que les messages portés par des œuvres de pop culture ont une importance cruciale, ne serait-ce qu’en raison de leur large audience. À cet égard, l’on ne peut que saluer le propos critique et engagé de la création de J. Tropper et D. Lin.
Et si le cadre historique, pour esthétiquement réussi qu’il soit, ne brille pas toujours par sa vraisemblance, on notera qu’un personnage comme Ah Toy (Olivia Cheng), tenancière de bordel au sabre bien pendu, s’inspire d’une femme ayant réellement existé, preuve qu’un réel effort a été consenti pour nous faire entrer dans l’époque.

Suivant un mouvement déjà présent dans Banshee, il convient en outre de noter que la série perd en légèreté ce qu’elle gagne en intensité dramatique au fur et à mesure des épisodes. Certains personnages tendent à s’affirmer dans toute leur complexité malgré certains ratés (le maire ne dépasse ainsi jamais le stade de la caricature bouffonne, ce qui est regrettable). Ainsi, le policier Bill O’hara (Kieran Brew), joueur invétéré, piètre père déboussolé, mais non déserté de tout sens moral, ou encore le mystérieux marchand Wang Chao (Hoon Lee, qui tenait le rôle de Job dans Banshee) offrent au spectateur des scènes exempts d’un manichéisme crétin. J. Tropper ressort également la carte du héros hanté par son passé et en quête de rédemption qui avait bien fonctionné dans sa précédente série télé. On attendra quoi qu’il en soit la saison 2 afin de se faire une idée plus précise de la qualité de l’écriture des personnages.

Série d’action brûlante mélangeant le western et les arts martiaux, le  kung-fu et la poussière de San Francisco, Warrior est un bon divertissement aux accents « tarentiniens ». Âmes sensibles s’abstenir toutefois ; la débauche de violence et de sexe pourra en heurter plus d’un. Ceux qui ont déjà vu Banshee, l’autre série de Jonathan Tropper, savent de ce dont il est question. Mais ne vous laissez pas arrêter par une façade trompeuse ; Warrior, tout comme Banshee, n’est pas si décérébrée. L’univers et les personnages sont plus dignes d’intérêt que le pilote et les premiers épisodes ne le laissent apparaître. Suffisamment, en tous les cas, pour que la rédaction attende avec impatience la deuxième saison, qui a déjà été annoncée !

 

Narfi :
Ah la bonne série de phacoch’ que voilà ! Après la fin de Banshee, des millions d’hommes sévèrement burnés étaient restés orphelins d’une véritable série estampillée Ministère de l’Homme. Et voilà-t-y pas que le showrunner de Banshee, celui-là même qui nous avait ravis avec les aventures coups de poing du Sheriff Hood, revient avec une série Kung-Fu. Et nom de Dieu ça avait manqué.
Bon, la jauge du phacochomètre n’arrive pas à celle de Banshee (qui était je le rappelle à 92.8 Phacöchen sur l’échelle de Gropor), étant donné que le héros doit parfois attendre un épisode entier avant de baiser cette jolie femme qu’il a aperçu au détour d’une balade. Ah ça se passait pas comme ça du temps de Banshee, ma bonne dame, ça non ! Mais voilà, les mœurs ont changé. Du coup, le héros prend son mal en patience, et colle des branlées à coups de pieds sautés à tous les Irlandais qui voudraient tâter de ses espadrilles chinoises, en attendant que les femmes qui croisent son regard veuillent bien tâter autre chose.
Bourrin pas bien fin donc, mais on retrouve tout de même sous cette couche de vernis virile, les traces de ce qui plaisait tant dans Banshee : des personnages loin d’être caricaturaux malgré les apparences, des thèmes qui captent l’intérêt malgré une histoire classique. Bref, si vous avez aimé Banshee, et que les bonhommes qui se bagarrent en balançant des punchlines putassières ne vous font pas peur, lancez vous sur ce Warrior, le Banshee sauce Szechuan !

Graour

Errant dans les mondes vidéoludiques depuis mon plus jeune âge, j'y ai développé quelques troubles psychiques. Mais rien de grave, rassurez-vous. D'ailleurs, pour me remettre les idées en place, je lis du Lovecraft, fais des soirées Alien et imite Gollum à mes heures perdues. Tout va bien.

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