Dinosaur Island : tu ne saurien Jon Snow

Si vous saviez à quel point j’ai attendu ce jeu ! Je n’avais plus été aussi hypé pour un produit culturel depuis bien longtemps (en fait, ça remonte à 2014 pour le film Godzilla, autant dire que la douche a été froide et que ça m’a sérieusement calmé à l’idée d’être hypé pour un truc) ! Alors quand j’ai enfin reçu un exemplaire de démo, je me suis rué dessus et sans aucun scrupule je l’ai piqué à ma boutique de jeux préférée (oui je vais le rendre, non ce n’est pas nécessaire d’appeler la police) !

Cependant, effet Godzilla oblige, j’avais de grosses appréhensions : et si finalement c’était nul et si en fait Draftosaurus restait le meilleur jeu de société Jurassic Park ? Après lecture de règles, début de partie en mode solo et une partie à deux je peux vous rassurer : avec ses visuels spectaculaires, ses mécaniques fluides et intuitives et son thème (presque) parfaitement respecté, Dinosaur Island est bien parti pour devenir mon jeu de l’année 2019. Rien que ça !

Bienvenue à Dinosaur Island

Dinosaur Island est un jeu de gestion de parc de dinosaures, ce qui implique bien sûr : placement d’ouvriers, plein de possibilités d’action, et une interaction assez minime avec les autres joueurs. Et cela, même si on peut quand même s’embêter en achetant les cartes et autres améliorations du parc qui avantageraient plus les autres ou pour les plus fourbes d’entre vous, en laissant le dé d’ADN avec le plus haut potentiel de risque afin d’augmenter de manière maximale les risques d’évasion des dinos pour ce tour (ce qui va mettre tout le monde dans la panade mais qui peut avoir des résultats particulièrement rigolos).

Votre but est tout simplement d’être le joueur avec le plus de points de victoire lorsque tous les objectifs (des cartes tirées aléatoirement en début de partie), sauf un, ont été rempli ! Jusque là tout est très classique, mais c’est justement la thématique qui va démarquer Dinosaur Island de la concurrence. Ce n’est pas le port du Havre que vous devrez gérer ou votre exploitation agricole, ici c’est le parc d’attraction le plus ambitieux et le plus spectaculaire possible : un parc zoologique rempli d’espèces disparues et potentiellement dangereuses !

Le tour de jeu se découpe en conséquence en 5 phases très intuitives parce que logiques thématiquement :

La phase 1 où on va chercher de l’ADN, augmenter nos espaces frigorifiques (pour stocker l’ADN) et découvrir la « recette » pour de nouvelles espèces de dinosaures à mettre dans votre parc.

La phase 2 où on améliore les infrastructures du parc (le marché là où on peut un peu embêter les autres) achète des attractions, des boutiques de produits dérivés, rend notre labo plus efficace et enfin recrute du personnel spécialisé.

La phase 3 où on est dans notre labo justement, c’est là qu’on augmente notre sécurité, la taille de nos enclos, qu’on récolte quelques fonds et bien sûr que l’on fait naître les stars du parc, les dinosaures !

La phase 4 où on accueille enfin le public, on gère la file d’attente à l’entrée du parc (c’est idiot mais j’adore cette idée), avec ces affreux resquilleurs : des PAUVRES qui ne payent pas leurs entrées ! Qui prennent des places dans les attractions (à force de jouer des coudes) et qui du coup ne rapportent pas de points de victoire ! Qui ont l’arrogance de ne pas se faire boulotter par les dinos quand ceux-ci s’échappent parce qu’ils courent plus vite que les autres ! C’est en effet aussi lors de cette phase que l’on regarde si la sécurité du parc a été suffisante ou non et si l’on a des évasions (un point de victoire en moins par personne dévorée dans le parc !)

La phase 5 enfin, où on fait le bilan du tour, on gagne les points de victoire par visiteurs survivants, ils retournent chez eux, les restes des autres sont enterrés derrière la boutique de casquette, on remet en place le marché, on regarde si une carte « Rebondissement » s’applique et on récupère nos ouvriers et nos scientifiques pour recommencer un autre tour !

Le plaisir vient du fait que chaque phase se joue très différemment avec ses propres pions et meeples sur son propre plateau. L’une va demander un jet de dés, l’autre un marché où on peut défausser les améliorations à disposition des autres, une autre avec nos ouvriers sur notre petit plateau tranquillou à nous et enfin une dernière avec un grand sac où on joue à Motus en essayant de pas piocher de resquilleurs ! C’est varié, fluide, visuellement assez clair (même si j’aurai tout de même des reproches à faire car malheureusement en ce monde rien n’est parfait), l’aléatoire est quand même assez minoritaire bien que certaines critiques sur Internet ont été assez véhémentes sur le sujet : on est plus ou moins dans Jurassic Park, c’est la théorie du chaos qui s’applique et si vous êtes un maniaque de la programmation, du contrôle et de l’optimisation ce jeu risque de vous frustrer quelque peu. Dans l’ensemble l’impression est positive, franchement on s’amuse à chaque phase : choisir l’ADN qu’on veut, essayer de voir quel dino on peut mettre dans notre parc, faire monter notre sécurité (ou pas d’ailleurs si jamais ça vous arrange de perdre quelques points de victoire pour passer premier joueur au tour suivant) et organiser les visites dans notre parc. Le plateau est clair et on se perd rarement entre les actions possibles. Mais on en vient à la présentation et au ressenti général ce qui bien sûr doit être dans une autre partie !

Avez-vous songé à mettre des dinosaures dans votre parc à dinosaures ?

Comme vous vous en êtes aperçu le jeu comporte dans son gameplay une bonne part d’humour, avec ses resquilleurs, le fait que les gens soient mangés mais ce n’est pas grave, le parc rouvre la saison d’après, c’est même presque cynique ! Mais c’est ce qu’il va falloir retenir, un peu comme dans Terraforming Mars, vous ne jouez pas la NASA ou ici John Hammond, vous jouez un Président-Directeur-Général d’une multinationale qui a l’intention de s’en mettre plein les fouilles avec un zoo. Quitte à faire des sacrifices ou à prendre avec une certaine légèreté des raccourcis dans votre quête du plus extraordinaire. Mais cette désinvolture de votre part justifie aussi le défaut principal du jeu : les meeples dinosaures. OK on joue un PDG cynique qui n’en a rien à faire de ce que fait sa société tant que ça lui rapporte des millions, mais de là à faire que tous les meeples dinosaures aient la même tronche (un tricératops, le dino mascotte du jeu) adieu l’immersion. Oui, il est super chouette mon enclos de T-Rex remplis de meeples tricératops…

La justification concrète est encore plus décevante : le jeu, avant de sortir en boutique, a été un Kickstarter. Selon les sous que vous mettiez dans le projet vous aviez plusieurs versions du jeu, et celle qui avait les meeples variés était la version Deluxe de Dinosaur Island et bien sûr ce n’est pas celle qui a atterri dans nos boutiques. Il faudra se contenter de la version de base avec uniquement les bêtes à trois cornes.

Je recommande donc aux joueurs qui ont eu la bonne idée d’acheter Draftosaurus (qui est un excellent petit jeu que je vous recommandais d’ailleurs dans cet article) de jouer avec les meeples dino de celui-ci, vous passerez à 6 espèces différentes ce qui est bien moins que la vingtaine d’espèces possibles mais au moins vous aurez des T-Rex dans votre enclos à T-Rex. Pour les plus friqués d’entre vous, par contre, le site Meeple Source vous propose pour le prix du jeu de base une collection de dino-meeples spécialement créés pour Dinosaur Island. Ils sont ultra beaux, ultra bien sculptés, mais bon sang qu’est ce que c’est cher !

Tant qu’on est dans les reproches j’ai aussi les dés ADN en ligne de mire. Alors qu’ils sont magnifiques (on les croirait en ambre), qui dans l’équipe de développement a validé que le design des ADN de base soit pratiquement identique ? Le jeu sur une table prend tout de même de la place, et on est obligé de se lever pour bien regarder les faces de dés tant, de loin, on est pratiquement incapable de différencier les trois couleurs et designs ! C’est dommage d’autant qu’avoir les bonnes ressources en ADN est indispensable pour fabriquer nos dinos et donc jouer au jeu.

La boîte aussi aurait pu être mieux pensée : le format est plus petit que ce à quoi on pourrait s’attendre sur un jeu de cette ampleur, mais ce gain de place est parasité par une absence totale de rangement dans la boite, résultat : impossible de vraiment la refermer une fois que vous aurez tout dépunché. C’est dommage parce que le rangement des plateaux dans l’ordre des phases est super malin quand on ouvre la boîte pour la première fois.

Enfin, et ce sera le dernier reproche que je ferai au jeu : on a le choix entre trois types de parties avec des objectifs plus ou moins durs à remplir (courtes, moyennes ou longues (il y a aussi le mode solo mais j’y reviendrai). Les parties courtes… comment dire… C’est sûr, ils ne nous ont pas menti. Mais là quand même, en deux rounds c’est plié quand on joue à deux. La mise en place prend pratiquement autant de temps ! Bref les parties courtes sont à éviter à part en tant que tuto pour se familiariser avec les différentes phases avant d’attaquer une véritable partie de durée moyenne ou longue (entre 1h 30 et 2 h).

Ça y est j’ai fini de verser ma bile, et je m’aperçois que mes reproches sont purement sur la forme du jeu : des meeples peu inspirés, des couleurs et designs trop proches, des rangements inexistants et un mode de jeu qui s’arrête au moment où on commence à s’amuser. Mais rien sur le fond :  je m’éclate comme un fou à chaque partie ! Les mécaniques sont bien pensées, le jeu est simple à expliquer et à prendre en main, le thème est incroyablement bien respecté avec en plus une bonne dose d’humour et de cynisme (ils ont même réussi à inclure Mr. ADN) et enfin quel travail sur l’apparence, les visuels ! C’est là que Dinosaur Island excelle : avec son côté fluo fin des années 80 début 90, la police de caractère, les couleurs des dinos il y a tout pour nous transporter dans ce monde du spectacle et de l’attraction hors-norme et bien sûr également dans l’œuvre qui inspire sans le cacher ce jeu : le sublime Jurassic Park. Le jeu est une réussite totale à ce niveau (et c’est d’autant plus frustrant de ne pas avoir les dinos variés car sur l’édition Deluxe, les ptéranodons, spinosaures et autres brachiosaures rose fluo ça donne trop bien !).

Et donc il existe aussi un mode solo : là encore c’est une réussite à tous les niveaux, la rejouabilité est dingue, on affronte une « IA » qui contrairement à Tiny Epic Galaxies ne donne pas l’impression de tricher comme un porc mais plutôt d’affronter un autre joueur (même s’il n’a pas de plateau), les objectifs sont différents du mode multijoueur. Ce sont les mêmes mécaniques et pourtant on n’a pas spécialement l’impression de jouer au même jeu ! Bref c’est un mode à essayer absolument vous ne devriez pas être déçus.

Avec ses parties d’une heure et demi à deux heures, son nombre assez restreint de joueurs (de 1 à 4) et bien évidemment son prix (environ 80€) Dinosaur Island, édité par Pandasaurus Games dont c’est le premier jeu, s’inscrit dans la lignée des jeux dit « experts ». Ne soyez cependant pas rebutés immédiatement car c’est bien de Jurassic Park en jeu de plateau dont nous parlons et le chaos inhérent à une telle thématique va forcément l’empêcher de vous noyer dans une optimisation trop poussée, des logiques de victoire implacables etc… C’est un jeu expert certes, mais pour une fois très accessible à un plus grand public. De plus son humour et ses designs le rendent immédiatement attachant. Malgré cependant quelques défauts de formes, les mécaniques ultra huilés et sa présentation claire et logique vont vous y faire revenir encore et encore. Personnellement c’est un gros coup de cœur pour moi, et à moins qu’un jeu d’exception vienne le détrôner je pense qu’on tient une des, sinon LA, pépite de cette année 2019 !

Nemarth

Cet individu est un gobelin fait homme. Hautement imprévisible, il représente un danger pour la Société. A éliminer à vue.

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