Jurassic Park, le livre : estimable pépite ou négligeable coprolithe ?

Jurassic Park. La seule juxtaposition de ces deux mots suffit à faire frémir d’excitation l’écrasante majorité des 10-35 ans, du morveux le plus commun au membre de la vénérable équipe de Crossed… Et pourtant, il existe au sein de cette masse rugissant d’émerveillement de nombreux individus ignorant que le mastodonte engendré par Steven Spielberg, qui ébranla jadis le monde du cinéma, descend d’un tout autre animal apparu voilà 0, 0000 26 millions d’années… Cette engeance, dépassée et occultée par la prolifération de son rejeton évolué, est toutefois encore bien vivace et se porte à merveille. Pas besoin d’être un fameux chaoticien pour comprendre que votre serviteur vous parle bel et bien de Jurassic Park, le livre (à savoir Le Parc Jurassique pour les sympathisants FN et les Québécois).

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C’est notamment par le réalisme de ses effets spéciaux que le film de Spielberg marqua le public en 1993.

Pourquoi déterrer cet obscur fossile littéraire, alors que Colin Trevorrow s’est déjà chargé de ressusciter les sympathiques sauriens par la magie du grand écran il y a un an de ça, relançant de ce fait la franchise éteinte depuis 2001 ? Bikoz ce livre présente plusieurs intérêts. Premièrement, parce que c’est un bon divertissement en lui-même. Moins intrinsèquement, parce qu’il vaut tout à fait la peine d’une comparaison avec le film qui en fut adapté. Enfin, parce que ce livre et les idées qu’il développe méritent, à mon humble avis, une postérité qui n’est peut-être pas si compromise qu’on le prétendit à la sortie du dernier né, Jurassic World (2015). Lecteur intrigué, si tu le souhaites, remontons le temps jusqu’en 1990 et pénétrons ensemble dans la jungle costa-ricaine…  

 

TA TA, TA TA, TATATA, TA-TA TA TAAAAA 

Gestation d’un colosse hybride

Pour remonter aux prémices du roman Jurassic Park, il nous faut revenir en l’an 1983 après J.-C. À cette époque, Michael Crichton, romancier à succès ayant déjà à son actif des livres comme Un Train d’Or pour la Crimée, Le Royaume de Rothgar ou encore Congo (qui seront tous adaptés au cinéma), réfléchit à une nouvelle idée de scénario adaptable. Il élabore tout d’abord un récit dans lequel un jeune chercheur à la fibre démiurgique parviendrait à recréer un ptérosaure (un dinosaure volant, pour les non-jurassicisants). Puis, le bougre se ravise, considérant que la seule impulsion crédible pouvant pousser l’humanité des années 1980 à ressusciter des monstres antédiluviens seraitUn besoin de divertissement, en l’absence de justification scientifique sérieuse. Nous reviendrons sur le rapport entre le roman, les nouvelles technologies et la bioéthique plus tard ; il n’est pour l’instant question que de la façon dont fut conçue l’idée initiale de l’oeuvre. Toujours est-il que cette considération amène assez logiquement Crichton à situer l’action dans un parc à thème, relevant tant du zoo que de la réserve naturelle.

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Crichtonosaurus rex.

Dans un premier temps, l’histoire s’y déroulant est relatée du point de vue d’un enfant ; cette focalisation déplaît fortement aux apôtres relecteurs du père Crichton. Les remaniements se succèdent, mais rien n’y fait. L’auteur décide alors de rapprocher le projet de l’une de ses anciennes créations, le film Mondwest (1973), scénarisé et réalisé par ses soins. Il y est question d’un parc d’attraction robotisé et cathartique, où les visiteurs peuvent s’immerger dans différentes époques (à savoir, l’Antiquité romaine, le Moyen Âge, le Far West) au milieu d’androïdes ultra-réalistes et de vastes décors.

Ce qui leur permet d’assouvir leurs plus bas instincts (meurtriers, libidineux, sadiques…) de manière fort décomplexée et tristement ludique… Jusqu’à ce que la maîtrise des robots finisse par échapper au centre de contrôle du parc. D’autres influences viennent nourrir l’imaginaire que Crichton met alors en place : la nouvelle Notre Dame des Sauropodes, de Robert Silverberg (1980), dans laquelle des bêtes préhistoriques sont recréées par le truchement de la génétique ; L’Île du Docteur Moreau, de H.G. Wells (1896), où l’on retrouve un contexte insulaire anxiogène et le thème de l’asservissement animal à fin d’expérimentation scientifique ; et, bien évidemment, Le Monde Perdu, de Sir Arthur Conan Doyle (1912), qui met en scène une équipe de savants partant à la recherche d’une enclave préhistorique isolée, préservée de toute perturbation par la jungle amazonienne. L’écrivain prend donc le parti de développer son histoire par le biais de différents personnages, adultes pour la plupart, de durcir le ton de son récit et de lui instiller un discours critique à propos de certaines sciences et technologies, notamment : l’informatique, et plus encore la génétique, alors en plein essor.

Thriller technologique, anticipation horrifique, ou science-fiction ? Friction.

 Comme l’aurait dit Jane Austen, « It is a truth universally acknowledged » qu’en 1989, Michael Crichton met au monde le roman Jurassic Park, roman qui paraît dès l’année suivante. Jusque-là, tout le monde est d’accord. Or, qu’est-ce que ce roman ? Comment satisfaire la frénésie classificatrice ambiante ? La plupart des média, contemporains de cette parution aussi bien qu’actuels, le font appartenir assez complaisamment au domaine de la « science-fiction« . Ce qui revient à admettre que l’ensemble des faits décrits dans Jurassic Park, bien que relevant du fantasme, du délirant et de l’impossible, aient leur cohérence et leur rationalité propres. Et ce, surtout, à la lumière de postulats scientifiques plus ou moins fictionnels excluant, de fait, toute forme d’inexplicable et/ou de sublime transcendant, inhérents au genre fantastique.

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« Science, bitches ! »

Or, Jurassic Park se fonde sur des éléments scientifiques fort concrets à l’époque de son écriture, ce qui apparaît dès son introduction, où s’exprime un Crichton soucieux d’ancrer son récit dans le monde réel, de façon non seulement cohérente… mais aussi crédible. Et ce, pas uniquement dans un effort d’immersion diégétique. Il est évident que le livre adopte, dès ses premières pages, un ton engagé, militant, critique envers ce que ne devrait pas être (mais ce qu’est pourtant en train de devenir), selon l’auteur, la recherche en génétique. Anticipation, alors ? Hélas, encore moins. La condition même du genre de  l’anticipation est le déroulement du récit dans un cadre futuriste (lointain ou non) ; avec, selon certains, un souci accru de réalisme. Or, Jurassic Park ne se déroule pas dans le futur. Le roman fut certes élaboré entre 1983 et 1988, terminé en 1989 et publié en 1990. Mais les faits qui y sont décrits se déroulent bel et bien… En 1989.

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Pas de doute, avec des habits pareils, on est bien dans les années 80-90…

L’incipit fait même allusion au contexte de la recherche en génétique de 1953 à la fin des années 1980, en introduisant plus précisément certains éléments de fiction, comme le développement de la société Ingen, après 1986. Peut-être Crichton a-t-il conçu dans un premier temps l’ouvrage comme un livre d’anticipation, avant de délibérément brouiller les pistes pour atténuer la distance existant entre le lecteur et les évènements relatés. Si la frontière entre anticipation et science-fiction est parfois ténue, elle l’est suprêmement dans le cas de Jurassic ParkAussi, est-il encore intéressant de chipoter sur cette question en 2016 ? Il n’est pas question de dire que toute oeuvre d’anticipation ne peut plus actualiser sa pertinence dès lors que sa valeur prospective est dépassée. En effet, si le monde n’a pas sombré dans le totalitarisme en 1984, doit-on considérer George Orwell comme moins visionnaire, à une époque où la question de la surveillance massive n’a jamais été aussi brûlante ? Il n’y a certes pas plus eu d’incident isolé au large du Costa Rica en 1989, impliquant des créatures qu’à l’évidence, nous savons désormais ne pas pouvoir créer. L’intérêt de Jurassic Park doit donc se chercher, désormais, ailleurs. En 2016, celui-ci relèverait plutôt de la science-fiction. De façon plus précise, du technothriller

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Pas ce techno-là

 Le thriller technologique (ça fait moins geek, je préfère), comme vous vous en doutez, a pour but de susciter chez le lecteur des sentiments d’angoisse ou de terreur en abordant les thèmes de la science et des nouvelles technologies. Pourquoi le préciser ? Parce que cette caractéristique fondamentale de l’univers de Jurassic Park a été largement dévoyée, notamment par les films de la franchise du même nom. Certes, certaines séquences font intervenir des moments de suspens très réussis, voire quelques éléments de violence graphique marquante. Mais là n’est pas le propos principal de ces adaptations. 

Elles sont en effet de purs produits de l’entertainment familial à l’américaine, pour le meilleur et pour le pire. Pour le meilleur, car elles ont fait rêver « les petits comme les grands », comme on dit dans le jargon, « qu’il y en a pour tout le monde », et que l’on s’émerveille devant de grands animaux touchants et remarquablement bien animés depuis maintenant 23 ans. Ce qui est tout à fait respectable, attention ! Je suis le premier à hurler de joie dès qu’un objet dinosoroïde entre dans mon champ de vision, en dépit de mon grand âge. Mais, ces films n’en demeurent pas moins de piètres adaptations, de l’aveu même de Crichton qui a participé au scénario des deux premiers (tirés de ses livres). Cher et patient lecteur, abordons maintenant le contenu du roman enkesstion… 

Iguanodon = dino = ♥

Dithyrambique Park

Soyons clairs. Nous ne sommes pas là en présence du chef d’oeuvre du siècle, d’un livre d’une profondeur insondable et moins encore d’une plume remarquable. Cependant, ce livre vaut pour l’originalité des thèmes qu’il aborde, et constitue un thriller fort bien construit et très efficace. Ainsi que dit précédemment, la finalité première du roman Jurassic Park est d’attirer l’attention de ses lecteurs sur un certain nombre de problèmes éthiques, et de les marquer par des sentiments d’angoisse voire de peur véritable. Bien que je tienne à ce que cet article soit dépourvu de tout spoiler, mon propos est de vous inciter à lire Jurassic Park ; alors autant ne pas vous mentir. Son ton est d’emblée très sombre, extrêmement pessimiste et sceptique à l’égard de la recherche génétique et des biotechnologies. On est bien loin de l’enthousiasme pompeux face aux sympathiques dinos, encouragé par la mise en scène grandiloquente des films (et ce, en dépit des interventions alarmistes de Ian Malcolm). Cette impression ne fait que s’accroître au fil du roman, à mesure que la menace grandit. Menace, non seulement pour les visiteurs de l’île, mis en danger par l’évasion des dinosaures, mais aussi pour le reste de l’humanité, du fait d’une probable propagation des monstres et de l’utilisation de technologies qui lui échappent.

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Le goldblumeux Jeff Goldblum goldblumant de goldblumerie (copyright François Rabelais. Les vrais savent)

L’accent est aussi mis sur une réalité largement occultée (à dessein ?) par Spielberg dans son premier film, pourtant évoquée à juste titre dans le troisième opus de la série. « Ce que la société Ingen et son patron John Hammond ont fait à Jurassic Park, c’est créer des monstres génétiquement modifiés. Rien de plus, et rien de moins« . Ce qui tue un peu la magie de la chose dans un film pour enfant, en effet. Un autre élément du roman s’avère édifiant pour prendre la mesure de cette réalité ; pour convaincre des investisseurs japonais de lui confier des crédits pour son projet, John Hammond leur présente un éléphant de la taille d’un chat, conçu par son entreprise. La créature difforme, malingre, tarée, est affectée par cette dénaturation jusque dans son comportement : elle en devient plus craintive, farouche, agressive… La description qu’en fait Crichton est absolument terrifiante. Non pas parce que la bestiole représente une quelconque menace, mais parce qu’elle est bel et bien contre-nature, monstrueuse, abominable ; que son existence même est anormale

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Pour ressusciter les dinosaures, Ingen complète leur ADN avec celui de grenouilles

Dans son roman, Michael Crichton évoque également l’informatique et les dérives de l’automatisation. Alors que dans le film intervient une commode tempête qui fait, fort opportunément pour le scénario, tout planter (avec l’aide d’un traître saboteur, il est vrai), les informaticiens sont beaucoup plus incriminés dans le livre. Toutes les failles du système de sécurité y sont minutieusement répertoriées, et sont au moins autant responsables de l’échec du parc que la traîtrise de Nedry. Pour vous donner une idée, dans le livre, la gestion informatisée du parc fait l’objet d’autant de débats et revêt autant d’importance, au yeux du personnage moralisateur de Ian Malcolm, que la conception des dinosaures elle-même. La construction de la narration est d’ailleurs basée sur un modèle mathématique, et suit différentes « itérations » qui progressent au rythme des désordres du parc. Toute l’intrigue est ainsi scandée par cette réflexion, somme toute assez intéressante, qui vient enrichir l’univers du livre. Et l’univers, parlons-en ! 

Une oeuvre à part entière

Comme nous l’avons vu, le livre n’a pas grand chose à voir, si ce n’est sa trame fondamentale, et quelques éléments épars, avec les films. Le roman développe un panel plus important de personnages, qui sont plus approfondis et jouent tous un rôle plus crucial dans l’intrigue. Ils obéissent moins aux clichés standards du cinéma et sont davantage complexes. Au hasard, John Hammond, sympathique papi-gâteau chez Spielberg, est ici un vieux capitaliste aigri, déplaisant au possible ; quant au frêle avocat du film, Gennaro, un homme accompli, sportif, qui prend une part active aux évènements… La plupart des personnages ne connaissent d »ailleurs pas la même fin que dans le film. Alors que l’on peut aisément deviner qui sera épargné dans les métrages, rien n’est moins sûr dans le roman. Les hommes sont tous devenus proie face à une (contre-) nature déchaînée, anachronique, et maltraitée. Le cadre du livre vous paraîtra lui aussi plus éloquent : l’Isla Nublar est une petite île perpétuellement noyée dans la brume, recouverte d’une végétation impénétrable, alors qu’une grande partie du film a lieu en plein jour, sous un ciel d’azur éclatant.

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La vraie jungle de Jurassic Park, c’est ÇA !

Le roman présente en outre plus d’espèces de dinosaures, et multiplie les interactions entre ceux-ci et les humains (ce qui explique leur absence dans le film, pour des questions de budget). Je ne les dévoilerai pas pour vous laisser la surprise, voyous ! Enfin, en un mot comme en mille, le livre est tout simplement plus violent (mais pas systématiquement) et moins évasif lors des scènes d’attaques. Ce qui n’est pas nécessairement une qualité en soi, je vous l’accorde, mais est ici savamment jaugé, et donc efficace. Il en ressort vraiment une angoisse viscérale, une impression de lutte démesurée pour la survie face à une force implacable, primitive et mystérieuse. Saloperies venues du fond des âges, les vélociraptors font évidemment culminer cette émotion lors de leurs apparitions. Ils sont dépeints plus subtilement que dans les films. Si l’on ne les voie guère rivaliser avec les humains dans leur maîtrise de la poignée de porte, ils font cependant montre d’une intelligence extrême, agissent constamment en bande, acculent leurs proies et leur tendent des pièges. 

 

 « Vous avez créé des raptors ?! »

Si quelques scènes ont pu êtres reprises dans les films, la plupart d’entre elles vous seront complètement inédites, à commencer par la mort de certains personnages et bien entendu la conclusion finale. Les dinosaures sont beaucoup plus nombreux, les difficultés omniprésentes… Aucun doute n’est permis. Le roman est de nature éminemment horrifique, et pessimiste. Il n’est pas destiné au même public que les films ; n’allez pas le faire lire à votre petit-frère de huit ans, qui éprouvera alternativement incompréhension et terreur. Enfin, si c’est là votre objectif, si, foncez ! 

Postérité préhistorique 

Je précise que cet article a pour sujet le livre Jurassic Park, et s’intéresse, dans ce paragraphe précis, à son rapport avec les adaptations. Ce qui sera dit ici n’aura donc pas valeur de critique à l’égard des films en eux-mêmes. Pour ce qui concerne le très controversé (ou plutôt unanimement détesté) Jurassic World, rappelons que son cas a déjà été examiné ici par mes collègues distingués, en premier lieu l’éminent Nemarth. Le roman a eu une suite, intitulée le Monde Perdu, en 1995 ; lui aussi adapté par Spielberg. Cette suite n’est pas indispensable ni innovante, les personnages sont moins nombreux, et moins intéressants selon moi. Elle n’offre pas beaucoup d’intérêt si ce n’est celui de se replonger un peu dans l’univers, l’émerveillement de la découverte en moins. En effet, ce second roman se rapproche du ton du film, et s’est laissé contaminer par lui. Moins audacieux, moins sombre que le précédent, il pose les dinosaures du parc comme des animaux normaux (voire que l’on humanise), que l’on se doit de préserver puis d’observer. C’est une posture beaucoup plus sage, pour ne pas dire lisse, que celle du précédent volume. À mon humble avis, ce successeur pèche de la même manière que les suites au film de Spielberg ; il ne parvient guère à se réinventer. En effet, en plus de 25 ans d’existence, l’univers s’est toujours vu exploiter de la même façon. Opposer une poignée d’humains à des dinosaures, dans le registre de l’aventure un peu consensuelle, sur une petite île. Éventuellement, dans le cas du second film, faire s’échapper un animal sur le continent, mais à titre d’exception spectaculaire. Ce qui ne fait pas nécessairement de tous ces métrages de mauvais films, mais de mauvaises adaptations.

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                                                                        Sois-témoin

Des éléments du roman se retrouvent, de loin en loin cependant, qui peuvent encore laisser espérer une suite correcte à Jurassic World (dans la mesure où un autre réalisateur et une autre équipe prendraient le relais). Le fait que pour tromper la lassitude futile des visiteurs, l’on en vienne à concevoir de nouvelles formes de vie hybrides, par exemple, est une idée présente dans le roman. Dès l’incipit de celui-ci, Crichton cite des exemples tout aussi futiles de poissons dont le coloris a été modifié pour faciliter la pêche, d’arbres dont la forme a été simplifiée pour la découpe… Bon, manque de pot, il a naturellement fallu qu’un scénariste inspiré imagine que le premier hybride de Jurassic World serait un mélange des bestioles les plus dangereuses de tous les temps, que l’on ne peut précisément pas voir, puisqu’il se camoufle ; LOGIQUE ! Crichton évoque également, dans son livre, la question de l’utilisation des dinosaures dans la société humaine, notamment en agriculture, dans le domaine militaire, mais aussi dans la confection de nouveaux produits (pharmaceutiques par exemple). Là encore, idée reprise dans le film de 2015, mais maladroitement, et uniquement sur le plan militaire. Les raptors finissent par être malheureusement humanisés, et même par se battre aux côtés des « gentils ».

 Tous les films présentent (à leur degré) des formes d’illogisme patent, y compris les premiers du nom, malgré tout le talent que l’on peut reconnaître à Spielberg (qui a, soit dit en passant, été producteur des deux autres… et qui n’en est donc pas non plus totalement innocent). Que ce soient les brachiosaures au sourire niais ou le T-rex ex machina (ça fait beaucoup de –ex) sauvant les héros dans le 1, la gamine qui terrasse un prédateur (que l’on nous vend comme la machine à tuer par excellence) d’une figure aux barres asymétriques dans le 2, les raptors bons princes qui se cassent poliment avec leurs oeufs à la fin du 3 sans demander leur reste… Et je ne parle même pas de Jurassic World. BREF. Même si le 1 reste très bon, le meilleur, il n’en est pas parfait pour autant (Gilles Stella, si tu lis ceci.. pardonne-moi !), et il n’est pas nécessairement très pertinent ni de très bonne foi de pinailler sur tous les détails compromettants de ses suites. Suites qui peuvent comporter certains moments réussis, y compris au regard du roman. Citons l’introduction du 2, qui en reprend une scène, puis l’atmosphère crépusculaire inquiétante ensuite déployée sur l’île. Citons l’épisode de la volière, nimbée de brumes, dans le 3, présent dans le livre.

Ou encore le passage des héros au milieu des incubateurs et des bocaux à foetus, assez dérangeant et proche de l’ambiance du roman. J’ai déjà parlé de Jurassic World et ne tiens pas à me faire l’avocat du diable, alors zut ! 

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À quiconque tentera de poursuivre la franchise

Voilà pourquoi il m’a semblé judicieux, en toute humilité, d’attirer l’attention sur ce sympathique roman. Nous sommes en effet à un moment charnière l’on a tenté de faire renaître la franchise de ses cendres, avec tous les risques de fan-service excessif mais aussi d’innovations bancales que cela comporte. Verrons-nous, dans un futur plus ou moins proche, une suite véritablement novatrice sans en devenir délirante pour autant ? Ou un film transcrivant plus fidèlement le ton et les questionnements du roman (quitte à ce que celui-ci ne fasse pas partie de la franchise officielle, d’ailleurs) ? Rien n’est moins sûr ; mais comme vous le savez, « la vie trouve toujours un chemin« , alors… Ne perdons-pas espoir ! 

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En résumé, Jurassic Park constitue un livre tout à fait sympathique (si j’ose dire), loin du thriller tout-venant sur fond d’enquête policière. Sympathique simplement, car l’univers qui y est développé est délicieusement angoissant et original. Sympathique également, dans un sens plus noble, puisque celui-ci propose une réflexion intéressante sur les questions de la bioéthique et de l’automatisation notamment. En effet, ne tombant guère dans le piège d’un moralisme religieux avoisinant le créationnisme, Crichton (médecin de formation) livre une vision enthousiaste de la science et des miracles dont elle est capable… Mais aussi une vision bien plus inquiétante de ses déboires lorsqu’elle n’est pas maîtrisée consciencieusement. Nonobstant, l’appréciation de ce roman exigera une certaine prise de distance visàvis de son adaptation cinématographique, qui ne lui est pas fidèle. Enfin, cher lecteur, si le livre t’a plu, permet-moi de te conseiller non pas sa suite médiocre, mais un autre roman de Michael Crichton, Micro (2011), publié à titre posthume, dont les principes sont les mêmes. Remplace simplement la génétique et l’informatique par les nanotechnologies, Alan Grant et consorts par une poignée de savants miniaturisés, et les dinosaures… Par des insectes ! Merci de ton attention, et bonne(s) lecture(s) !

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Cet homme hante mes rêves.

Fly

Créature hybride issue d'un croisement entre le limougeaud et le normand, le Flyus Vulgaris hante les contrées du Sud-Ouest. Son terrain de chasse privilégié étant les poubelles, celui-ci se délecte de musique progressive, de livres d'histoire ennuyeux et de nanards des années 90. Dans sa grande mansuétude, la confrérie du Cri du Troll l'admit en son cercle, mettant sa bouffonnerie au service d'une noble cause. Devenu vicaire du Geek, il n'en fait pas moins toujours les poubelles.

Lâche ton cri

  • 4 janvier 2017 at 12 h 47 min
    Permalink

    Autant j’ai adoré le bouquin, autant j’ai été déçu, pour ne pas dire scandalisé, par le film que j’ai vu peu de temps après. Autant le bouquin développe à l’envi tout ce qui permet de comprendre la genèse du parc puis son échec, autant le film emprunte des raccourcis sommaires que l’on sent seulement guidé par surfer sur une nouvelle vague en profitant d’effets spéciaux, animatronics et autres, dont je me dois de reconnaître la qualité époustouflante (pour l’époque). A choisir, même pour un enfant de 8 ans, parce que je crois (peut-être à tort) au génie humain, entre le film et le bouquin, c’est le livre sans aucune hésitation !! Par contre, je rejoins tout à fait Fly sur le 2ème livre, Le Monde Perdu, qui me semble loin d’être indispensable…

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